Zone à faible émission : vers une possible marche arrière ?

Depuis le 1er janvier 2025, 25 zones à faible émission (ZFE) restreignant la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants sont actives sur le territoire national.

Les députés examinent depuis mardi 8 avril, un texte visant à supprimer les Zones à faibles émissions (ZFE). Mais le gouvernement veut les convaincre de faire marche arrière en promettant d’assouplir le dispositif en le limitant à 4 villes : Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier. Déjà supprimées le 26 mars dernier lors de la commission spéciale chargée du projet de loi simplification de la vie économique contre l’avis du gouvernement, elles pourraient subir le même sort dans l’hémicycle.

Initiées en 2019 par la loi d’orientation sur les mobilités et étendues, les ZFE ont pour objectif de lutter contre la pollution atmosphérique censée être la cause de 48 000 décès prématurés en France. La formule circule comme un mantra dans les médias et la classe politique.

Le chiffrage de Santé publique France : 48 000 décès en France

Ce chiffrage résulte d’une étude réalisée par Santé publique France. Les 48 000 décès sont le résultat d’un modèle statistique purement théorique dont Christian Gerondeau a expliqué la méthodologie douteuse dans un article intitulé Pollution aux particules fines « PM 2,5 » : 48 000 décès imaginaires publié le 4 mars 2019 sur notre site.

Car les 48 000 décès prématurés calculés par Santé publique France ne sont que le haut d’une fourchette d’incertitude particulièrement large : de 48 000 décès annuels si on prend comme référence les parties du territoire français les moins polluées, à 11 décès si on prend comme référence le seuil de particules fines recommandé par l’Union Européenne.

C’est l’interprétation maximaliste de 48 000 décès qui est citée par la plupart des journaux et les responsables politiques, jusqu’au Président de la république qui dans un discours du 27 Novembre 2018 (réponse aux « gilets jaunes ») déclarait :

« Toutes les dix minutes, un Français meurt prématurément du fait de la pollution de l’air, et notamment des particules qui proviennent de la combustion des énergies fossiles. Cette hécatombe, c’est 48 000 décès par an, c’est plus que tous les accidents de la route, tous les suicides, tous les meurtres, toutes les noyades, tous les accidents domestiques réunis »

Des statistiques de mortalité invraisemblables

La pollution de l’air par les particules fines causerait ainsi 48 000 décès prématurés par an en France soit 9% des 594 000 décès annuels en 2015 en France.

Ce chiffre invraisemblable a fait réagir Jean de Kervasdoué (membre de l’Académie des technologies, ancien directeur général des hôpitaux) dans un article publié par Slate : « Pollution atmosphérique : 48.000 morts, de qui se moque-t-on ? ». Il rappelle que « les tumeurs du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon ont provoqué au total 31 000 décès en 2015, dont tous les médecins s’accordent à reconnaître que 90 % au moins sont causés par le tabac ! Ce sont donc au plus 3 000 décès qui sont provoqués par d’autres causes, y compris potentiellement, mais potentiellement seulement, par la pollution de l’air » estime Jean de Kervasdoué.

La pollution est en diminution constante

Dans un article publié sur ce site le 22 octobre 2018 L’air de Paris est pur mais Madame Hidalgo ne le sait pas, nous montrions en nous basant sur les chiffres fournis par Christian Gerondeau dans son ouvrage L’air est pur à Paris mais personne ne le sait (L’artilleur 2018) que les émissions des principaux gaz polluants émis par la circulation automobile était en diminution constante. Depuis plusieurs années, les appareils de surveillance d’airparif n’enregistrent rigoureusement plus rien pour le plomb, le dioxyde de soufre (SO2), le monoxyde de carbone (CO). Le benzène (C6H6), le dioxyde d’azote (NO2) sont toujours surveillés par Airparif (et par tous les organismes du réseau ASQA de surveillance de l’air).

Pour l’ozone aucun seuil d’alerte n’a été franchi depuis plus de 20 ans en Ile-de-France malgré les pointes temporaires qui surviennent nécessairement à chaque épisode caniculaire.

S’agissant des particules fines PM 10, les 11 stations d’observations dites de fond (implantées là où vit effectivement la population), et 10 stations dites trafic (implantées en bordure immédiate des axes routiers et 2 stations rurales), n’enregistrent aucun dépassement de la valeur limite annuelle de 40 μg/m³. La situation est encore plus favorable pour les PM2,5, aucune des 13 stations qui mesurent ce polluant, n’ayant enregistré de valeur annuelle supérieure à 20 μg/m³ (pour une valeur limite de 25 μg/m³).

De plus, comme le montrent les 2 graphiques ci-dessous, les teneurs moyennes de particules fines régressent : de 28 % pour les PM10 (entre 2005 et 2017), de 28% pour les PM2,5 (entre 2002 et 2017).

PM10
PM 2,5

Pollution de l’air : 38 000 morts par an dans le monde (dont 48 000 en France) !

Un article publié dans la revue Nature le 25 mai 2017 rapportée par le media European Scientist et par Le Monde du 15 mai 2017) invalide les 48 000 décès prématurés évalués par Santé publique France.

Les auteurs de cette étude arrivent à la conclusion que les excès d’émissions d’oxydes d’azote – qui sont des précurseurs majeurs des particules fines PM 2,5 et de l’ozone – sont aujourd’hui responsables d’environ 38 000 décès dans le monde (par accidents vasculaires cérébraux, infarctus ou cancers du poumon).

 

48 000 décès pour la France seule versus 38 000 dans le monde. Cherchez l’erreur !

Un fiasco doublé d’un gouffre budgétaire 

En 2018, Élisabeth Borne, alors ministre des Transports, présentait fièrement la création des ZFE, une « décision ambitieuse, structurante, irréversible »

Tout porte à croire que, quelle soit la décision que prendront les députés dans les prochains jours, l’opération ZFE se traduira par un fiasco doublé d’un gouffre budgétaire.

Selon une note du de Bercy, l’abrogation des ZFE exposerait la France à un risque de remboursement pouvant aller jusqu’à 1 milliard d’euros. La Commission européenne pourrait par ailleurs considérer cette suppression comme une annulation d’engagements, ce qui mettrait en péril les prochains paiements de l’UE dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR) de la France au titre duquel la France devait recevoir 40,3 milliards d’euros de subventions européennes jusqu’en 2026, à condition dit le rapport de « respecter certains engagements ».

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