Par Paul Voosen
Certaines études avancent que le déclin de la glace de mer arctique pourrait impacter le climat à nos latitudes en modifiant la sinuosité du courant-jet polaire. Cette théorie est battue en brèche par une nouvelle étude intitulée « Observationally constrained multi-model atmospheric response to future Arctic sea ice loss » dont les résultats ont été présentés le mois dernier lors de la réunion annuelle de l’European Geosciences Union.
Le texte qui suit est la traduction d’un article de Paul Voosen publié par Science Mag le 12 mai 2021qui fait le point sur cette théorie (Paul Voosen est journaliste pour Science, une revue scientifique généraliste américaine).
Chaque fois qu’un hiver rigoureux frappe les États-Unis ou l’Europe, les journalistes se plaisent à dire que le réchauffement climatique pourrait en être la cause.
Le mécanisme serait le suivant : à mesure que la banquise arctique fond et que l’atmosphère polaire se réchauffe, les vents tourbillonnants qui confinent l’air arctique froid s’affaiblissent, le laissant se déverser plus au sud. Cette théorie popularisée il y a une décennie, a longtemps été confrontée au scepticisme de nombreux scientifiques de l’atmosphère, qui considéraient que le lien proposé était peu convaincant et difficile à prouver dans leurs simulations du climat.
L’étude de modélisation la plus complète sur ce lien s’est soldée par un échec suivant : même avec la perte massive de surface de banquise qui est attendue pour le milieu du siècle, le courant-jet polaire ne s’affaiblira que de manière infime, au plus 10 % de ses fluctuations naturelles. Et à l’heure actuelle, l’influence de la perte de glace sur les conditions hivernales est négligeable, a déclaré James Screen, climatologue à l’Université d’Exeter et co-auteur de l’étude, qui a présenté ses résultats le mois dernier lors de la réunion annuelle de l’European Geosciences Union.
« Dire que la perte de superficie de la banquise a un effet sur un événement extrême particulier, ou même sur les 20 dernières années, est une extrapolation exagérée » a-t-il affirmé.
L’idée que la réduction de la banquise arctique pourrait influencer les conditions hivernales aux latitudes moyennes a fait son chemin en 2012, dans un article de deux climatologues, Jennifer Francis, actuellement au Woodwell Climate Research Center, et Stephen Vavrus de l’Université du Wisconsin à Madison. Tout a commencé par un constat simple : l’Arctique se réchauffe presque trois fois plus vite que le reste du monde. À l’époque, on pensait que la réduction de la banquise était le principal accélérateur de cette amplification : à mesure que la glace brillante et réfléchissante est remplacée par de l’eau sombre absorbant la lumière du soleil, l’Arctique se réchauffe, provoquant encore davantage de fonte de glace et par voie de conséquence plus de réchauffement.
La théorie proposée par Francis et Vavrus est que le réchauffement provoquerait une dilatation de la hauteur de la troposphère polaire, la couche la plus basse de l’atmosphère et l’origine de son climat. Cela réduirait les différences de pression entre l’air polaire et l’air des latitudes moyennes qui entraînent le courant-jet polaire, lequel sépare les masses d’air et maintient l’air froid autour du pôle. Le courant-jet s’affaiblirait et deviendrait plus ondulant, permettant à l’air froid de s’infiltrer plus au sud. Dans leur article, Francis et Vavrus ont soutenu qu’une telle tendance était déjà perceptible dans les enregistrements météorologiques et tendait à s’aggraver avec le réchauffement de l’Arctique et la perte de glace.
Beaucoup de choses ont changé depuis lors, affirme maintenant Jennifer Francis : « Comme toutes choses, au fur et à mesure que vous les creusez, elles deviennent plus compliquées. »
Fait plus important encore, la tendance sur 25 ans qu’elle et d’autres avaient identifiée dans les observations de la fin des années 1980 au début des années 2010 s’est affaiblie après une autre décennie d’observations. Bien que la perte de surface de banquise se soit poursuivie, il n’y a pas d’augmentation du nombre des hivers plus froids en Eurasie ou en Amérique du Nord, de froid extrême et pas davantage d’affaiblissement ou d’ondulation du courant-jet. La nouvelle modélisation informatique correspond aux observations, déclare Doug Smith, climatologue au Met Office du Royaume-Uni et autre co-responsable du travail de modélisation « Il n’y a pas d’incohérence. »
Au cours d’une étude de plusieurs années, appelée Polar Amplification Model Intercomparison Project (PAMIP), les chercheurs ont fait tourner plus d’une douzaine de modèles climatiques à raison de 100 fois chacun. Un premier ensemble de modèles a simulé l’atmosphère arctique sans perte prononcée de banquise, en utilisant les températures océaniques et l’étendue de la banquise à partir de 2000.
Un autre a maintenu les températures de l’océan au même niveau, mais a réduit la couverture de glace dans les proportions provoquées par un réchauffement climatique de 2°C, lorsque l’Arctique serait libre de glace en été. Conserver constantes les températures de l’océan devrait en outre permettre de mettre en évidence l’influence, le cas échéant, de la perte de surface de banquise.
En plus de n’avoir trouvé qu’un effet minime de la perte surface de banquise sur le courant-jet polaire, les modèles n’ont également trouvé aucun signe cohérent d’une rétroaction accentuant la réduction de la superficie de la banquise. En revanche, les perturbations du vortex polaire stratosphérique (une deuxième série de vents tourbillonnants), qui se produisent tous les 2 ans en moyenne, permettent finalement à l’air froid plus bas dans l’atmosphère de se répandre vers le sud, provoquant des tempêtes hivernales extrêmes, y compris le froid qui a frappé le Texas l’hiver dernier.
Judah Cohen, directeur des prévisions saisonnières chez Atmospheric and Environmental Research, a longtemps soutenu que l’augmentation de la couverture neigeuse et la diminution de la glace de mer en Sibérie favorisent des conditions météorologiques qui propagent l’énergie dans la stratosphère, rendant les perturbations à haute altitude plus fréquentes. Mais bien que certains modèles montrent que cela peut se produire, en moyenne « Il n’y a pas de réponse claire », a expliqué Yannick Peings, climatologue à l’Université de Californie (UC), Irvine.
Cohen n’est pas convaincu, notant que les modèles prévoient également un temps hivernal irréaliste aux latitudes moyennes, ce qui rend d’autres prédictions suspectes. « Il nous manque clairement quelque chose.»
Et Francis de conclure que l’expérience PAMIP est peut-être trop simpliste, maintenant que « nous savons que l’amplification arctique ne se réduit pas à la perte de surface de banquise ». Les satellites et les ballons météorologiques ont montré que la haute troposphère sous les tropiques se réchauffe rapidement en raison d’énormes tempêtes qui projettent de l’air chaud et humide vers le haut. L’Arctique est beaucoup moins orageux, mais de nombreux scientifiques pensent maintenant que les rivières dites atmosphériques fournissent régulièrement cet air tropical chaud à l’Arctique, un mécanisme que le PAMIP a ignoré.
Plusieurs scientifiques du PAMIP, dont Peings, ont tenté de combler cette lacune dans un article publié l’année dernière dans Geophysical Research Letters. Ils ont comparé des simulations qui ne tenaient compte que de la perte de surface de banquise, qui avait tendance à ne réchauffer que la surface, avec des modèles dans lesquels l’air tropical réchauffait l’ensemble de l’atmosphère arctique. Ces modèles ont montré un effet saisissant d’un Arctique plus chaud : à des latitudes plus basses en Sibérie, les températures chuteraient de 2°C d’ici 2060.
« Ce fut une grande révélation pour tout le monde », a déclaré Francis. Cela donnait l’impression que l’accent mis sur la banquise était « une sorte de perte de temps », dit-elle. Gudrun Magnusdotti, climatologue à l’UC Irvine et co-auteur de l’étude, est d’accord. « Il est dangereux de mettre l’accent sur un seul domaine et un seul point », a t-elle indiqué.
Le débat est loin d’être clos. En effet, de nouvelles preuves issues des enregistrements météorologiques, publiées le mois dernier dans le Journal of Geophysical Research, suggèrent que le courant-jet est en fait devenu légèrement plus ondulant depuis les années 1950. La vraie cause du phénomène (et l’influence réelle du réchauffement climatique) restent à démontrer.
Tout ce qui nous paraît nouveau et premier , c’est ce qui nous est inconnu mais déjà réalisé maintes fois !
Je parle , bien sûr , du réchauffement climatique soit disant très anormal , où beaucoup de scientifiques cherchent ‘le mouton à cinq pattes ‘ dans des études plus contradictoires les unes que les autres !
Ce que l’on attend de la presse, ce n’est pas de nous donner une vision intangible sur une question scientifique relevant de la recherche fondamentale mais une vision nuancée, évolutive, faisant le point sur l’état du débat scientifique sur cette question.
Merci à l’ACR de pondérer l’état des connaissances sur cette question, en ajoutant ce contre-point (sourcé par publications dans des revues comme “Nature”), au point de vue abondamment relayé dans la presse.
Comme pour les carottes de glace de Vostok dès qu’il y a apparence de corrélation, sans plus de préambule, ils décrètent que le CO2 est la cause du réchauffement. Alors qu’après une étude plus minutieuse des résultats de ces carottes le CO2 apparait seulement quelque centaines d’années après le début de l’augmentation de la température et donc qu’il ne peut en être la cause. Là c’est la même chose la vague de froid en Amérique du Nord débute le 6 février 2021 et se termine le 22 février 2021. Sur le site sur l’étendue des banquises Arctique et Antarctique il est possible de voir une légère diminution de la banquise Arctique, qui pourrait signifier un léger réchauffement à cette époque de l’Arctique. Mais comme toujours cette baisse de l’étendue de la banquise où le réchauffement est arrivé un peu après le début de la vague de froid soit le 15 février 2021 et s’est terminé le 1er mars 2021, donc temporellement c’est impossible que la hausse des températures en Arctique soit responsable de la vague de froid.
La cause initiale des déglaciations sont les variations orbitales, c’est connu depuis longtemps. Voir un des premiers articles sur les carottes de Vostok de 1987 par exemple (Genthon et al., Nature 1987) : “Les enregistrements du climat et du CO2 de Vostok suggèrent que les changements de CO2 ont eu un rôle climatique important au cours du Pléistocène tardif en amplifiant le forçage orbital relativement faible.”
Et on comprend bien les mécanismes. Voir par exemple Ai et al., “Southern Ocean upwelling, Earth’s obliquity, and glacial-interglacial atmospheric CO2 change”, Science 2020 : “…Le troisième mode, qui découle du gradient de température méridional affecté par l’obliquité (inclinaison axiale) de la Terre, peut expliquer le décalage du dioxyde de carbone atmosphérique par rapport au climat pendant le début des glaciations et la déglaciation. Ce décalage induit par l’obliquité, à son tour, fait du dioxyde de carbone un amplificateur climatique retardé dans les cycles glaciaires du Pléistocène tardif.”
Le CO2 est donc un amplificateur retardé, pas la cause initiale. Personne ne s’attend à voir le CO2 précéder la température au cours des déglaciations (sauf peut-être Pascal Richet, et c’est pour ça que son travail ne valait pas un clou).
Vous dites: “La cause initiale des déglaciations sont les variations orbitales”. Ce que vous racontez sur les raisons des glaciations est un exemple typique de transformer une théorie en un fait scientifique indiscutable. Parce que les gens ont entendu parler de Milankovitch croient que toutes les connaissances des géologues sur la glaciation se résume aux cycles associés à la dernière glaciation. Les cycles de Milankovitch ne fonctionnent pas aussi bien avec les glaciations antérieurs qu’avec cette dernière, pour votre information et donc pour ce n’est qu’une théorie valable sans plus.
En fait pour la géologie le positionnement d’un continent au pôle sud est vu comme la cause majeure des variations climatiques extrêmes du Quaternaire (glaciation et interglaciaire). Et ce fut un changement drastique avec l’Ère Tertiaire qui a ses débuts a été l’Ère la plus chaude de l’histoire de la terre alors que globalement le Quaternaire est l’Ère la plus froide de l’histoire de la terre.
Chose certaine aucun géologue sérieux n’a associé l’apport direct ou indirect du CO2 ce gaz à effet de serres très minoritaire, avec un rapport de 1/50, de la vapeur d’eau aux phénomènes de glaciation et déglaciation. Et tant qu’à parler d’eau les océans soit plus de 70% de la planète sont donc probablement responsable de plus de 70% des variations climatique et ne participe pas vraiment à l’effet de serre.
Bonjour. J’avais déjà entendu parler de cette étude approfondie des carottes glaciaires montrant, pour simplifier, que l’augmentation du taux de CO2 était une conséquence et non une cause du réchauffement climatique et depuis j’essaye d’en retrouver la référence pour la produire face à un tenant du catastrophisme climatique. Puisque vous évoquez cette étude (carottes de Vostok) pouvez vous me transférer toutes références en votre possession pour en sortir un dossier étayé. Je vous remercie d’avance avec toute ma considération.
Il est curieux que l’on n’entende jamais parler de l’effet Albédo…