Rémy Prud’homme
En décembre 2016, Madame Ségolène Royale, ministre de l’environnement, inaugurait en grande pompe une route solaire dans un village du Perche. Sur un kilomètre, la voie était recouverte de panneaux photovoltaïques qui allaient – promis, juré – produire toute l’électricité dont le village avait besoin. Un an plus tôt, au lancement du chantier, la ministre avait déclaré : « la route solaire s’inscrit dans la transition écologique : promesse de croissance verte, création d’emplois, innovation ».
La route a effectivement été construite, ou plus exactement recouverte de panneaux. Cet investissement a été un fiasco complet. Il n’a jamais produit le dixième de l’électricité promise. Les panneaux se sont détériorés et décollés. Finalement, en 2024, huit ans et cinq millions d’euros plus tard, tout a été démonté, et la route rendue à son état initial. Nombreux sont les projets publics qui tout en présentant un bilan globalement négatif offrent à la fois des coûts et des bénéfices. En l’espèce, on a un projet qui ne présente que des coûts, et qui est indiscutablement un échec total, un fiasco chimiquement pur. C’est ce qui le rend intéressant. En esquissant son autopsie, on peut espérer faire apparaître des facteurs explicatifs qui sont autant de caractéristiques de la société française. On en évoquera trois, qui éclairent peut-être la situation actuelle de l’économie et des finances publiques de la France.
Idéologie – Le projet était entièrement et uniquement motivé par l’idéologie du climat. Il est né dans la foulée de la COP 21 en 2015 dont Mme Royale avait été la grande prêtresse. En réalité, il était évident que la route solaire ne réduirait en rien les rejets de CO2 de l’électricité de la France, qui reposait à plus de 90% sur le nucléaire et l’hydraulique. Mais les idéologies se moquent des réalités (c’est même à ça qu’on les reconnait, comme disait Audiard). Pour Mme Royale, le mot de « solaire » était vaguement associé à la « nature », et cela suffisait largement pour engager le projet. Une route solaire est une offrande au Dieu climat, pas une contribution au bien-être des Français. Mille autres projets, souvent cent fois plus coûteux, sont en France engagés sur cette seule base.
Verticalité – Le projet était de toute évidence absurde, et de nombreux Français en était conscients. Même le président du puissant lobby des énergies renouvelables en convenait à demi-mots. Mais la célèbre ministre de l’environnement portait ce projet, et personne dans l’administration et la société n’osait l’arrêter au nom du bon sens ou des finances publiques. Des membres de son cabinet au maire du village en passant par le préfet de l’Orne, tous applaudissaient – et exécutaient. Les médias, et en particulier les médias officiels, méritent une mention spéciale : « Routes solaires : sous les pavés l’électricité » (TV5 Monde), « La route solaire du futur est française » (France 24). Les agences publiques de recherche n’étaient pas en reste : l’ADEME, relayée par Les Echos (3.11.2016), affirmait que « 4 mètres de route suffisent aux besoins d’un foyer en électricité » ; Le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique), et l’Institut National de l’Energie Solaire se flattaient d’avoir contribué à la mise au point de cette « technologie innovante ». Dans ces sottises, difficile de savoir quelle était la part de l’idéologie climatique (l’idéologie, disait Revel, c’est ce qui pense pour vous), la part de la servilité intéressée, et celle de l’ignorance crasse.
Impunité – Ce qui est sûr, c’est qu’aucune autorité privée ou publique n’a procédé à l’analyse de ce fiasco. On ne sait pas trop sur quoi repose l’estimation du coût (5 millions d’euros), qui semble une évaluation a priori, et qui est probablement une sous-évaluation importante. Personne, semble-t-il, n’a évalué l’ampleur des rejets de CO2 causés par la fabrication, la pose, l’entretien, et la dépose des panneaux inutiles. On se demande aussi pourquoi, alors que l’échec du projet était patent au bout d’un an, dès 2017, on a attendu 2024 pour y mettre fin. Bien entendu, aucun des responsables de ce gaspillage caractérisé n’a été inquiété, bien au contraire. Les membres du cabinet de Madame Royale en 2016, par exemple, ont tous été promus à des postes de direction dans le privé (dans des entreprises de production d’électricité renouvelable subventionnée, vous l’avez deviné) ou dans le public. L’un d’eux a même été nommé (au tour extérieur) à la Cour des Comptes, où il pourchasse les gaspillages.
Bien sûr, la route solaire n’est qu’un détail. Mais un détail significatif. Dans la mise à l’écart du nucléaire engagée quelques années plus tôt par les mêmes décideurs, on retrouve les mêmes mécanismes : la même idéologie climatique, les mêmes moutons de Panurge, et la même impunité. La différence est que les coûts ne se chiffrent pas en millions d’euros, mais en milliards d’euros – et même en centaines de milliards d’euros.
Elle était si sûre d’elle, si fière, si convaincante ! 😂🤣👍:
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Climatiquement vôtre. JEAN
Le drame est que ce désastre, ces désastres, par leur notoriété calamiteuse, interdisent la promotion et la mise en œuvre de solutions locales, intelligentes et adaptées de transformation de l’énergie solaire ou éolienne en électricité.
Pour le reste, qu’il soit de droite, de gauche ou d’ailleurs, le Fonctionnaire gouverne ce pays depuis la Libération… et ce n’est pas son argent qu’il dilapide… d’où la situation financière dans laquelle nous nous trouvons.