Rapport de l’ONU sur les catastrophes naturelles : une analyse détaillée

Par MD

Introduction.
Sous le titre « Human cost of disasters », l’UNDRR (UN office disasters risk reduction) vient de présenter une rétrospective des évènements rares et extrêmes (disasters) survenus pendant la période 2000-2019. Le rapport s’appuie sur la base de données EM-DAT du CRED (Center for research on the epidemiology of disasters) gérée depuis plusieurs décennies par l’université catholique de Louvain, et libre d’accès. Le présent article en tire quelques enseignements principaux, sans recourir à d’autres sources d’information.
On passera sur la ridicule introduction qui compare sans précaution les périodes 1980-1999 et 2000-2019, ceci à seule fin de frapper les esprits et comme on dit, à faire du buzz : bien entendu, la presse n’a pas poussé plus loin la lecture. Cette présentation tendancieuse a eu au moins l’intérêt d’attirer l’attention sur un document qui n’est pas sans mérite.

1/ Base de données utilisée.

Le fichier EM-DAT récapitule près de 25 000 évènements survenus entre 1900 et 2020 dans le monde entier, avec une description précise de leur nature, de leur localisation dans l’espace et le temps, des dégâts humains et matériels occasionnés, etc. Ils sont classés en deux grands groupes de phénomènes : industriels (« technological », qui ne sont pas considérés ici), et naturels (« natural»). Ces derniers sont répartis en quatre subdivisions (subgroups). Par homogénéité, on a fait choix dans les graphiques qui suivent d’un code de couleur :

  • « Geophysical » (séismes et éruptions) en bistre
  • « Hydrogeological » (inondations et submersions) en bleu
  • « Meteorological » (cyclones et températures anormales) en vert
  • « Climatological » (sécheresses et feux de forêts) en violet

Le graphique ci-dessous représente l’évolution des nombres d’évènements répertoriés sur la période 1900-2019, ainsi que l’effectif des pays ayant déclaré des sinistres.

Monde entier. Catastrophe naturelles. Nombre d’événements par sous-groupe (échelle de gauche). Nombre de pays déclarants (échelle de droite). Source EM-DAT

Il saute aux yeux que la forte croissance apparente des nombres de sinistres déclarés entre 1900 et les années 2000 est un artefact qui tient essentiellement à l’amélioration de la précision et de l’exhaustivité des observations, comme le montre l’évolution du nombre de pays déclarants. Dans les années 1980, il n’y avait qu’une soixantaine de pays qui déclaraient des sinistres ; ce nombre a doublé depuis lors (le démantèlement et l’ouverture du bloc soviétique y ont contribué) et il est pratiquement stabilisé depuis l’année 2000. La comparaison sans nuance entre les décennies 1980-1999 et 2000-2019 est donc largement biaisée.

La présente analyse concerne exclusivement les évènements naturels de la période 2000-2019.

2/ Période 2000-2019. Evolution générale.

Pour caractériser l’évolution de la sinistralité, on a retenu trois indicateurs.
Nombres d’évènements (7 500 évènements sur la période). Cet indicateur est utile mais ne reflète pas la grande diversité de nature et d’importance des évènements, qui sont parfois dramatiques mais qui dans la grande majorité des cas n’occasionnent que peu de victimes et des dégâts mineurs. En outre, il comporte parfois des doubles ou multiples comptages comme on le verra plus loin.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Nombre d’évènements. Source : EM-data

Nombre de décès (1 240 000 décès sur la période). Cet indicateur est particulièrement contrasté, c’est pourquoi on a choisi d’utiliser une échelle semi-logarithmique.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Nombre de décès. Source : EM-DAT (échelle semi-logarithmique)

En substance, 13 évènements majeurs ont dépassé 10 000 morts et déterminé à eux seuls 75% des décès de la période :

  • 9 séismes (680 000 décès, dont Inde 2001 et 2004, Sri-Lanka 2003, Indonésie avec un tsunami 2004, Iran 2004, Pakistan 2005, Chine 2008, Haïti 2010, Japon avec le tsunami de Fukushima 2011)
  • 1 cyclone (140 000 décès, Myanmar 2008, cyclone Nargis, un des plus meurtriers de l’histoire récente)
  • 2 vagues de chaleur (72 000 décès en Europe de l’ouest en juillet 2003, 56 000 décès en Russie en août 2010) ; la vague de chaleur de 2003 est un exemple de multiples comptages dans les phénomènes de vaste étendue : elle est en effet comptée dans la base pour 15 évènements, soit le nombre de pays européens affectés.
  • 1 sécheresse (Somalie 2010-2011).

Coût des dommages (près de 2 600 milliards de dollars US sur la période). Comme précédemment et pour la même raison, on a choisi une échelle semi-logarithmique.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Montant des dommages (milliers de dollars). Source : EM-DAT (échelle semi-logarithmique)

Les évènements les plus coûteux ont été :

  • le tsunami de 2011 de Fukushima déjà cité (évalué à 210 milliards de dollars)
  • le cyclone Katrina (125 milliards de dollars en 2005, Nouvelle-Orléans)
  • les cyclones Harvey, Irma et Maria en 2017 aux USA et aux Caraïbes (au total 230 milliards de dollars ; noter que Irma a été compté pour 16 « évènements », soit le nombre des d’archipels touchés)
  • d’autres  séismes en Chine (2008), au Chili (2010) et à nouveau au Japon (2004 et 2016).

3/ Période 2000-2019. Evolution de phénomènes particuliers.

Cyclones. 

Monde entier. Cyclones. Nombre d’évènements (échelle de gauche). Nombre de décès (échelle de droite, attention (échelle semi-logarithmique). Source : EM-data

L’échelle des décès est semi-logarithmique en raison de l’exception qu’a constitué le cyclone Nargis au Myanmar (Birmanie).

Inondations.

Monde entier. Inondations. Nombre d’évènements (échelle de gauche). Nombre de décès (échelle de droite). Source : EM-data

4/ Période 2000-2019. Données démographiques et économiques.

Il convient de replacer les données précédentes de mortalité et de coûts dans le cadre plus large de l’évolution de la population et du PIB mondiaux entre 2000 et 2019. C’est l’objet du graphique suivant (le PIB est exprimé à la fois en monnaie constante, dollars US base 2010 et en monnaie courante). Entre 2000 et 2019 la population a augmenté de 25% et le PIB en valeur réelle de 70%.

Monde entier. Population (millions d’habitants). PIB (milliards de dollars US). Source Banque Mondiale

En conclusion, si l’on en croit les statistiques du CRED et contrairement à l’opinion courante, rien ne permet d’affirmer que les nombres d’évènements et leur sinistralité aient augmenté pendant ces deux dernières décennies. Au contraire, on observe plutôt une stagnation voire une diminution des indicateurs, surtout si on les confronte avec la croissance de la population et de son niveau de vie notamment dans les zones à risques. Les caprices de la nature étant et restant ce qu’ils sont, cette résilience est le fruit de l’amélioration continue des dispositifs de prévention tant physiques qu’institutionnels.

5/ Période 2000-2019. Typologie des évènements.

En complément, les trois graphiques qui suivent illustrent pour l’ensemble de la période la répartition des indicateurs précédents entre les différents types de phénomènes naturels.

Nombre d’évènements.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Période 2000-2019. nombre d’événements. Source : EM-DAT

Nombre de décès.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Période 2000-2019. nombre de décès (milliers). Source : EM-DAT

Coût des dommages.

Monde entier. Catastrophes naturelles. Période 2000-2019. Coût des dommages (milliards US $). Source : EM-DAT

Conclusions.
Quoiqu’il existe d’autres sources d’information plus spécialisées, la base de données EM-DAT a le mérite de couvrir un champ étendu dans tous les sens du terme, même si elle comporte probablement des imperfections et des lacunes inévitables. On en a donné ici un aperçu sommaire. Pour approfondir le sujet, on pourrait par exemple distinguer les entités géographiques, ce qui mettrait en évidence que certaines régions du monde sont plus exposées (ou moins préparées) que d’autres. On pourrait détailler le cas de tels ou tels phénomènes ou de telle ou telle période, examiner les cas de doubles comptages, etc.
Chacun peut se livrer sans difficulté à ses propres analyses. Si le présent article a pu y encourager les lecteurs, il aura atteint son objectif.

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