Madame Hidalgo, maire de Paris a publié le 26 septembre 2018 un essai intitulé Respirer, ainsi préfacé :
« On ne mourra pas demain de la pollution : on en meurt aujourd’hui. Ne pas agir maintenant, ce serait trahir les citoyens. L’urgence de la situation rend responsable chacun de nous. C’est un engagement, concret et quotidien. C’est mon engagement. C’est l’idée que je me fais de la politique. »
Coïncidence ou non, Christian Gerondeau publiait le même jour son essai intitulé : « Pollution : l’air de Paris est pur mais personne ne le sait » (éditions du Toucan).
A propos de l’essai de madame Hidalgo, Benoît Duteurtre, écrit dans Le Figaro :
« En publiant “Respirer” après des mois de polémiques sur son mandat, Anne Hidalgo rappelle ses talents de tacticienne maîtrisant les codes d’une époque où la communication importe davantage que le réel ».
On ne peut mieux dire. Madame Hidalgo est en campagne électorale et espère se faire réélire, Christian Gerondeau s’appuie sur les données fournies par un organisme public AirParif, qu’il est loisible à chacun de consulter.
La pollution est en diminution constante
On se souvient du SMOG Londonien et de l’épisode du 4 au 9 décembre 1952 qui tua 4 000 personnes (des recherches plus récentes estiment que le nombre de morts prématurées se serait élevé à 12 000). Le SMOG qui est dû au dioxyde de soufre, gaz incolore et toxique, se transformant en acide sulfurique au contact de la vapeur d’eau, fut pendant des siècles, le polluant majeur de nos villes. Les émissions de ce polluant ont disparu du fait d’une forte diminution des émissions (notamment industrielles) et des mesures techniques réglementaires (baisse du taux de soufre dans le gasoil depuis 1996) au point que les appareils enregistreurs de SO2 mis en place par AirParif ne décèlent plus rien depuis 2014.
Il en est de même pour les autres sources de pollution : depuis plusieurs années, les appareils de surveillance n’enregistrent rigoureusement plus rien pour le plomb et le dioxyde de soufre (SO2), et ils ont été retirés du service. Le résultat est voisin pour le monoxyde de carbone (CO) et le benzène (C6H6) dont les valeurs observées ont été tellement réduites qu’elles se situent très en dessous de toutes les normes nationales et internationales. La situation n’est guère différente pour le dioxyde d’azote (NO2), polluant pouvant provenir de la combustion incomplète des gaz d’échappement et dont les relevés mettent en évidence que la valeur limite de l’Union Européenne (40 microgrammes par mètre cube) est désormais respectée par toutes les stations dites de fond de Paris et de l’Ile-de-France, de telle sorte que le seuil d’alerte n’a plus été franchi depuis plus de 20 ans. Les seuls dépassements concernent les stations dites trafic[1]. Pour l’ozone aussi, aucun seuil d’alerte n’a été franchi depuis plus de 20 ans en Ile-de-France malgré les pointes temporaires qui surviennent nécessairement à chaque épisode caniculaire.
« L’air est dorénavant pratiquement aussi pur à Paris qu’à la campagne » conclut Gerondeau. Pourtant selon un sondage Ifop de juin 2018, 3 % seulement des Français pensent que la pollution diminue.
48 000 décès en France à cause de la pollution, de qui se moque-t-on ?
Cette estimation émane d’une étude de Santé publique France qui évalue le poids de la pollution par les particules fines PM2.5 en lien avec l’activité humaine. Un décès sur douze serait ainsi attribuable à la seule mauvaise qualité de l’air (594.000 personnes sont mortes en France en 2015). « Pollution atmosphérique: 48.000 morts, de qui se moque-t-on ? », s’exclame Jean de Kervasdoué (membre de l’Académie des technologies, ancien directeur général des hôpitaux) dans Slate : « les tumeurs du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon ont provoqué au total 31 000 décès en 2015, dont tous les médecins s’accordent à reconnaître que 90 % au moins sont causés par le tabac ! Ce sont donc au plus 3000 décès qui sont provoqués par d’autres causes, y compris potentiellement, mais potentiellement seulement, par la pollution de l’air ».
L’estimation de Santé Publique France semble résulter du recyclage d’une étude réalisée en l’an 2000 pour l’OMS par plusieurs organismes (dont l’ADEME pou la France), qui estimait (selon une méthodologie très sommaire) le nombre de décès dû aux particules fines à 31 692, un chiffre dont la précision est déjà ridicule compte tenu des incertitudes et des facteurs de confusion possibles, mais qui en outre est surestimé d’un facteur 10 selon M. Thierry VEXIAU un expert du domaine. On trouve la genèse de cette affaire dans un Rapport au Sénat du 4 décembre 2001 sur les nuisances environnementales de l’automobile rédigé par M. Serge Lepeltier, rapport qui relevait déjà que « les Français sont tellement convaincus que la qualité de l’air se dégrade (comme le montre le sondage présenté page 7) que peu de responsables politiques osent aujourd’hui affirmer que celle-ci s’améliore depuis 1990, voire 1980, quel que soit le polluant concerné ».
Les particules fines permettent de sonner à nouveau le tocsin
Les autres polluants ne faisant plus recette, on a mis en exergue les particules fines, minuscules poussières de quelques microns de diamètre. Jusque dans les années 1990, seules étaient mesurées les particules noires et carbonées et en particulier les suies issues du chauffage, de l’industrie et à un moindre titre le diesel. Ces particules dites fumées noires constituent la majeure part des particules les plus fines potentiellement dangereuses la plupart ayant moins de 2,5 microns de dimension.
Comme le montre le diagramme ci-dessous (issu du rapport 2017 d’Airparif) , les niveaux moyens de fumée noires ont été divisés par 20 à Paris.
Source : Airparif (rapport 2017)
Cette très forte diminution est selon Air Parif due à la baisse importante des émissions des suies issues de la combustion du charbon (combustible largement utilisé en île de France pour la production d’électricité et le chauffage) , et à l’amélioration des procédés de combustion et de traitement des échappements automobiles (mise en place de pots catalytiques dès 1993).
A partir du début de années 1990 sont apparus des appareils permettant des analyses rapides et aptes à à recenser toutes les particules, qu’il s’agisse de celles qui sont noires et carbonées et les autres. L’Union Européenne a donc décidé dans les années 2000 d’abandonner le recensement des fumées noires au profit des PM 10 et PM 2,5 (de l’anglais Particulate Matter et des « diamètres » respectivement 10 et 2,5 micromètres).
Les seuils d’alerte étendus aux particules fines par une circulaire de 2007
Contrairement aux autres polluants (comme l’ozone, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre), il n’existait pas pour les particules fines de seuils réglementaires à partir desquels l’information du public serait rendu obligatoire, une lacune qu’une circulaire aux préfets est venue combler en 2007. Sans attendre l’avis de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), saisie pour « disposer d’un avis tenant compte des connaissances les plus récentes, relatif à des seuils pertinents d’information de la population), la circulaire fixait à 80 Micro grammes par m3 (125 en moyenne sur 24 heures) les niveaux de concentration à partir desquels le public devait être alerté ».
La France devint ainsi le seul pays au monde à avoir instauré des seuils d’alerte aux particules, contre l’avis même de l’Organisation Mondiale de la Santé. Car s’agissant des particules fines, la notion même de seuils d’alerte n’a aucun sens. Ces seuils sont justifiés pour les polluants à effet immédiat (CO, SO2, NO2), et non pour ceux à effet différé, pour lesquels ce n’est pas la quantité de polluants respirée un jour donné qui compte, mais la pollution annuelle moyenne. Comme c’est le cas pour la fumée du tabac, elle-même composée de particules ultrafines, il faut au moins vingt ans pour que les conséquence de l’inhalation de la fumée apparaissent.
C’est pourquoi l’OMS et l’Union Européenne ne parlent que de valeurs limites annuelles (40 μg/m³ pour les PM10) et jamais de seuils à ne pas dépasser un jour donné.
L’avis de L’AFFSET (devenu en 2010 l’ANSES) est arrivé en 2009. Il se montre on ne peut plus réservé quant à l’opportunité d’introduire des seuils d’alerte pour les particules fines :
« Dans nos régions, l’impact sanitaire prépondérant est dû aux expositions répétées à des niveaux modérés de particules et non aux quelques pics. En fonction de l’événement sanitaire qu’ils souhaiteront considérer, de la fraction de risque qu’ils estimeront comme acceptable et de la distribution statistique des niveaux journaliers de particules, les pouvoirs publics pourront fixer les seuils d’information et d’alerte…la mise en œuvre de seuils d’information et d’alerte relatifs aux particules ne présente globalement pas de bénéfice sanitaire substantiel, elle vise toutefois une meilleure protection des populations sensibles lors de pics et une sensibilisation du public à la question de la pollution atmosphérique ».
Des valeurs annuelles limites très largement respectées en IDF
Les normes françaises et européennes de qualité de l’air définissent 3 niveaux : un objectif de qualité, une valeur cible, une valeur limite :
Objectif de qualité : un niveau de concentration de substances polluantes dans l’atmosphère à atteindre à long terme, sauf lorsque cela n’est pas réalisable par des mesures proportionnées, afin d’assurer une protection efficace de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble;
Valeur cible : un niveau de concentration de substances polluantes dans l’atmosphère fixé dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine ou sur l’environnement dans son ensemble, à atteindre, dans la mesure du possible, dans un délai donné ;
Valeur limite : un niveau de concentration de substances polluantes dans l’atmosphère fixé sur la base des connaissances scientifiques à ne pas dépasser dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs de ces substances sur la santé humaine ou sur l’environnement dans son ensemble;
S’agissant des particules fines , les valeurs de ces 3 niveaux sont présentés dans l’infographie ci-dessous :
PM 10
Ce polluant est mesuré par 11 stations d’observations dites de fond (implantées là où vit effectivement la population), et 10 stations dites trafic implantées en bordure immédiate des axes routiers et 2 stations rurales. Ces stations enregistraient toutes des valeurs annuelles inférieures à la valeur limite annuelle de 40 μg/m³ à une seule exception près : la station trafic de St Denis où l’on a relevé en 2017 une concentration moyenne de 43 μg/m³.
Source Airparif : Bilan année 2017
PM2,5
la situation est encore plus favorable pour les PM2,5, aucune des 13 stations qui mesurent ce polluant, y compris les stations « trafic », n’ayant enregistré de valeur annuelle supérieure à 20 μg/m³ (pour une valeur limite de 25 μg/m³).
Source Airparif : Bilan année 2017
Les teneurs moyennes de particules fines sont en régression
Le teneurs moyennes ont de plus régressé, de 28 % pour les PM10 (entre 2005 et 2017) et de 38% pour les PM2,5 (entre 2002 et 2017), comme le montrent les 2 diagramme ci-dessous issus du rapport 2017 d’Airparif.
Le Métro et l’habitat plus pollués que l’air extérieur
Dans les stations de métro
L’activité ferroviaire et surtout les systèmes de freinage sont sources de particules, c’est pourquoi 3 sites représentatifs de la RATP sont surveillés depuis 1997 : Franklin D. Roosevelt Ligne 1, Châtelet Ligne 4 et Auber RER). On découvre ainsi que les teneurs moyennes dans le métro sont significativement supérieures aux teneurs relevées dans l’air extérieur, plus de 10 fois sur les quais d’Auber où la moyenne de PM10 sur les quais pendant la campagne de mesure était à près de 330 μg/m³ alors que les niveaux le long de la rue Auber dépassaient légèrement 20 μg/m³. Les tendances étaient les mêmes pour les PM2,5.
Dans les habitats
Les mesures effectuées réalisées par l’OQAI (Observatoire de la qualité de l’air intérieur) entre 2003 et 2005 dans les séjours de logements révèlent des concentrations pouvant aller jusqu’à 523 µg.m-3 pour les PM10 (valeur médiane 31,3 µg.m-3) et de 568 µg.m-3 pour les PM2.5 (valeur médiane 19,1 µg.m-3).
[1] En île de France il y a environ 30 stations de mesure dites « de fond » urbaines et périurbaines (implantées là où vit effectivement la population), environ 25 stations dites “trafic” implantées en bordure immédiate des axes routiers et une dizaine de stations dites « rurales » situées en périphérie (notamment près des massifs forestiers). Certaines stations sont équipées pour mesurer tous les polluants, d’autres sont plus spécialisées.