Paradoxe climatique : la baisse mystérieuse de l’évaporation des océans

par Brice Louvet

Article initialement publié par Science Post le 28 février 2025


Une étude récente publiée dans la revue Geophysical Research Letters remet en question un principe longtemps considéré comme acquis : la relation directe entre le réchauffement climatique et l’évaporation des océans. Menée par une équipe de l’Institut des sciences géographiques et de recherche sur les ressources naturelles de l’Académie chinoise des sciences, cette recherche a révélé qu’en dépit de la hausse constante des températures à la surface des océans, l’évaporation globale a diminué au cours de la dernière décennie. Cette observation inattendue bouleverse nos modèles et nous invite à repenser le fonctionnement du climat terrestre.

L’évaporation des océans : un pilier du cycle de l’eau

L’évaporation des océans est un élément central du cycle hydrologique de notre planète. Elle est responsable de plus de 85 % de la production de vapeur d’eau dans l’atmosphère, jouant ainsi un rôle clé dans la formation des nuages et des précipitations.

Jusque-là, il semblait évident que des températures plus élevées de la surface des mers entraîneraient une augmentation proportionnelle des taux d’évaporation en vertu de la loi physique selon laquelle l’eau chaude s’évapore plus vite. Cette logique simple a donc prévalu pendant des décennies dans la modélisation climatique.

Cependant, depuis le début des années 2000, les mesures satellitaires et les observations atmosphériques ont mis en évidence un phénomène déroutant : la croissance mondiale de la vapeur d’eau a ralenti. Ce constat a conduit les scientifiques à se pencher sur les mécanismes réels qui gouvernent l’évaporation des océans et à remettre en question certaines hypothèses bien ancrées.

Une tendance inversée

Pour comprendre cette anomalie, des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences ont analysé des données satellitaires avancées sur les flux de chaleur océanique qui couvrent plusieurs décennies. Leurs résultats sont sans appel : alors que l’évaporation mondiale des océans suivait une tendance à la hausse entre 1988 et 2017, cette courbe s’est inversée à la fin des années 2000.

Entre 2008 et 2017, les deux tiers des océans de la planète ont en effet enregistré une réduction des taux d’évaporation. Bien que légère, cette baisse globale va à l’encontre des prévisions établies dans le cadre du réchauffement climatique, ce qui soulève des questions cruciales sur les interactions entre température, évaporation et circulation atmosphérique.

Pourquoi l’évaporation diminue-t-elle malgré le réchauffement ?

L’un des facteurs clés identifiés par l’étude pour expliquer cette tendance inattendue est la diminution de la vitesse des vents à la surface des océans, un phénomène appelé ralentissement du vent. Les vents jouent un rôle essentiel dans le processus d’évaporation : en balayant la surface de l’eau, ils favorisent en effet le renouvellement de la couche d’air humide au-dessus des océans, ce qui permet à l’évaporation de se poursuivre de manière efficace.

Or, les chercheurs ont constaté que la baisse des vitesses de vent est probablement liée à des changements dans les schémas de circulation atmosphérique, notamment l’oscillation nord-atlantique (NAO), un indice climatique majeur. Lorsque la NAO passe d’une phase positive à une phase négative, comme cela a été récemment observé, les courants de vent se modifient, ce qui impacte directement l’évaporation des océans. Le Dr Ma précise : « Les variations de la vitesse du vent peuvent être liées aux oscillations décennales du système climatique terrestre. La récente diminution de l’évaporation des océans ne doit pas nécessairement être interprétée comme la preuve d’un affaiblissement du cycle hydrologique, mais plutôt comme un reflet des fluctuations naturelles du climat. »

Quelles implications ?

Cette découverte a des implications majeures pour la compréhension du cycle hydrologique et la modélisation climatique. Si elle persiste, la baisse de l’évaporation des océans pourrait en effet modifier la répartition des précipitations à l’échelle mondiale avec des conséquences sur les écosystèmes et les ressources en eau douce. De plus, les modèles climatiques actuels devront être ajustés pour mieux prendre en compte les interactions complexes entre température, vent et évaporation.

En somme, le ralentissement de l’évaporation des océans malgré le réchauffement climatique est un rappel de la complexité et de l’interdépendance des systèmes terrestres. Cette découverte nous invite à faire preuve d’humilité face aux mécanismes climatiques, souvent bien plus nuancés que nous ne le pensions. En poursuivant ces investigations, les scientifiques espèrent affiner les prévisions climatiques et mieux anticiper les transformations en cours afin de mieux nous y adapter.

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5 réflexions au sujet de « Paradoxe climatique : la baisse mystérieuse de l’évaporation des océans »

  1. Avec une moindre évaporation on s’attend à une moindre formation nuageuse. Mais s’ajoute à ce phénomène une diminution supplémentaire de la couverture nuageuse liée à l’activité solaire qui masque les rayons cosmiques lesquels favorisent la formation des nuages. La combinaison de ces phénomènes pourrait expliquer en partie le fort réchauffement récent. Il faut espérer que ces phénomènes ne soient que provisoires pour éviter la panique. A cet égard nous sommes au pic du cycle 25 et l’activité solaire va maintenant décroître, et pour longtemps selon les prévisions.

  2. Il fait plus chaud, et les océans s’évaporent moins ! Diantre, mais que fait la… Nature ?
    Ce sympathique petit article est un clin d’œil divertissant de mise en garde à tous les “scientifiques” adeptes de la pensée unique et simpliste aux ordres des idéologies binaires.
    Tiens, au fait vous avez vu les manifestations “Stand un for science” hier contre l'”obscurantisme trumpien” ?
    C’est un peu l’arroseur arrosé, non ? L’obscurantisme de la “nouvelle science” très tendance (wokisme et réchauffisme giecien, entre autres) qui se plaint de ce qu’il fait lui-même subir à ceux qui le critiquent ( cf. La honteuse charte de “Radio France” : https://www.radiofrance.com/le-tournant ) !
    Allez, réjouissons-nous, il y a encore des motifs de bien rigoler dans notre monde si uniformisé (nonobstant sa prétention à prétendument défendre la “diversité”) !
    Bon week-end.

  3. Merci pour avoir signalé et très bien résumé la publication de référence.
    Un exemple de plus qui tend à montrer que la formule de Clausius-Clapeyron est sans doute utilisée de façon abusive :
    à l’échelle de la Terre, 1° C de température en plus n’impliquerait pas forcément 7 % d’humidité en plus dans l’atmosphère (et 1 à 3 % de précipitations en plus)

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