Rémy Prud’homme, Professeur des Universités (émérite)
MM. Larrouturu et Jouzel lancent, à grand renfort de flon-flons médiatiques, à l’UNESCO s’il vous plait, un « pacte finance-climat européen ». Ce titre a le mérite de la clarté: il met la finance en premier, pour bien souligner que le climat est au service de la finance plutôt que l’inverse. Mais le texte a au moins trois gros défauts.
Tout d’abord, le tableau apocalyptique qu’il dresse pour nous pousser à mettre la main à la poche repose sur du vent. « La multiplication des événements climatiques extrêmes » ? Une fake news, comme on dit pour faire moderne : le GIEC lui-même dans un rapport de 2012 sur ce thème (pp. 119-120) reconnait avoir une « confiance faible » dans cette aggravation. Les « millions de réfugiés » climatiques déjà sur les routes ? Ce chantage au réfugié est peut-être habile (beaucoup diront : méprisable), mais il ne rime à rien. L’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés, dans ses rapports annuels, recense les réfugiés politiques et les réfugiés économiques, mais ne mentionne aucun réfugié climatique. Les famines climatiques, que brandit également le texte du Pacte ? Elles n’existent plus, sauf dans les pays en guerre. Les annuaires de la FAO montrent que la production agricole par habitant n’a jamais augmenté aussi vite qu’au cours des vingt dernières années (même si beaucoup reste à faire bien sûr).
Ensuite, les propositions économiques du Pacte sont délirantes et irréalisables. Elles consistent à donner aux Etats ou aux banquiers européens beaucoup d’argent à dépenser pour « sauver le climat » – en plus de celui que nous donnons déjà, et de celui que nous avons déjà promis de donner aux pays pauvres. Cet argent proviendra soit d’impôts supplémentaires (trois sont proposés), soit de la réaffectation de dépenses publiques (plus pour les éoliennes, moins pour la Justice ou la santé ou la sécurité ou l’éducation – cela n’est pas précisé). Trois chemins sont prévus pour y parvenir : la transformation de la BEI (Banque Européenne d’Investissement), la mise à contribution de la BCE (Banque Centrale Européenne), l’augmentation du budget de l’Union Européenne. Ils sont bizarres et impraticables. Un mot sur le dernier, qui l’est plus encore que les deux autres. Dans presque tous les pays d’Europe, les peuples, à tort ou à raison, ne supportent plus les bureaucrates et les politiciens de Bruxelles. C’est le moment choisi par le Pacte pour proposer une augmentation tout entière allouée à la finance climatique et surtout considérable (d’au moins 70%) du budget de l’Union Européenne). On se demande dans quel monde vivent les signataires de ce Pacte.
Tout cela pour rien, pour un objectif illusoire. Le Pacte vise explicitement à diviser par 4 d’ici 2050 les rejets de CO2 de l’Europe dans le but de réduire de moitié les rejets de CO2 du globe (la seule grandeur qui compte). Même si les dépenses prévues réduisaient par 4 nos rejets de CO2 comme voulu (hypothèse très douteuse), cela ne servirait pas à grand chose. Il faut cesser de croire que l’Europe est le centre du monde : elle ne cause actuellement que 10% des rejets mondiaux de CO2 (et la France 1%). La seule Chine rejette presque trois fois plus que toute l’Union Européenne. L’évolution des rejets mondiaux dépendra à 95% de ce qui se passera hors de l’Europe, et en particulier dans les pays pauvres. La priorité de ces pays, c’est le développement, pas la réduction du CO2. Au mieux, leur efficacité en carbone augmentera un peu plus vite que leur production, et leurs rejets de CO2 se stabiliseront et/ou déclineront légèrement. C’est d’ailleurs ce que des pays comme l’Inde et la Chine ont, fort honnêtement, annoncé lors de la COP 21. En tout état de cause, la teneur en CO2 de l’atmosphère terrestre en 2050 ne dépendra pratiquement pas de l’Europe.
Un Pacte est un engagement entre des parties antagonistes (Pacte germano-soviétique) ou en concurrence (Pacte d’actionnaires). Quelles sont ici les deux parties invitées à contracter ? Les citoyens et les financiers : nous payons, et ils dépensent. Le Pacte finance-climat cherche à nous convaincre de nous flageller pour sauver le monde. En réalité, le climat n’est qu’un prétexte, et on nous propose de nous flageller pour rien, si ce n’est asseoir le pouvoir et les revenus de banquiers et de bureaucrates.