Par Judith Curry (article publié le 2mars 2022 traduit en français par la rédaction).
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est inextricablement liée à la crise énergétique mondiale, elle-même inextricablement liée à la soi-disant « crise » climatique.
Le changement climatique est communément qualifié d’« urgence », de « crise » ou encore de « menace existentielle ». La terrible invasion de l’Ukraine par la Russie devrait rappeler aux alarmistes du climat ce qu’est réellement une urgence, une crise ou une menace existentielle :
- Une crise humanitaire avec d’importantes pertes en vies humaines et des risques de pénurie ;
- La dévastation des infrastructures contribuant également à une crise environnementale ;
- Une menace existentielle pour le peuple et la culture ukrainienne ;
- Une crise politique et financière mondiale dont l’ampleur est encore inconnue.
Pour autant, les alarmistes du climat s’inquiètent principalement des conséquences de la guerre d’Ukraine sur le climat et des actions visant à réduire les émissions de combustibles fossiles.
John Kerry, l’envoyé spécial du président américain pour le climat, s’est montré parfaitement représentatif de cette myopie en déclarant, dans les jours qui ont précédé la guerre, que l’invasion russe de l’Ukraine pourrait avoir un impact négatif profond sur le climat : « Vous avez une guerre, avec des conséquences massives sur les émissions. Mais tout aussi grave, elle va distraire l’attention du public de la crise climatique ».
Que John Kerry se rassure, il est en bonne compagnie. Le 28 février, en pleine crise ukrainienne, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, réagissant au dernier rapport du GIEC (AR6 WGII), a déclaré sur un ton encore plus emphatique que celui qu’il utilise pour parler de l’Ukraine : « Le retard, c’est la mort ».
La politique énergétique menée au nom de la lutte contre le changement climatique a contribué à la guerre contre l’Ukraine.
Certains des observateurs qui réfléchissent au contexte historique complexe de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine estiment que la politique énergétique mondiale menée pour lutter contre le changement climatique est un facteur contributif qui devrait être pris en compte :
Michael Schellenberger a écrit à ce propos un article percutant intitulé « Comment les illusions vertes de l’Occident ont affirmé le pouvoir de Poutine » dont voici quelques extraits :
Comment se fait-il que les pays européens, l’Allemagne en particulier, se soient rendus si dépendants d’un pays autoritaire au cours des 30 années qui se sont écoulées depuis la fin de la guerre froide ?
Voici comment : ces pays sont aveuglés par une idéologie délirante qui les rend incapables de comprendre les dures réalités de la production d’énergie. L’idéologie verte postule que nous n’avons pas besoin du nucléaire et que nous n’avons pas besoin de la fracturation hydraulique. Elle insiste sur le fait qu’une conversion rapide au tout-renouvelable n’est qu’une question de volonté et d’argent. Elle estime qu’il faut nous engager dans la décroissance car nous sommes confrontés à une imminente extinction de l’humanité.
Alors que Poutine augmentait la production de pétrole et de gaz naturel de son pays puis doublait la production d’énergie nucléaire pour lui permettre davantage d’exportations de son précieux gaz, l’Europe, menée par l’Allemagne, a fermé ses centrales nucléaires, fermé ses gisements de gaz et a refusé de développer la fracturation hydraulique.
Les chiffres illustrent ces errements. En 2016, 30 % du gaz naturel consommé par l’Union européenne provenait de Russie. En 2018, cette proportion est passée à 40 %. En 2020, elle atteignait 44 % et au début de 2021, était proche de 47 %.
En 2018, tout en flattant Poutine, Donald Trump a de façon peu diplomatique dénoncé publiquement l’Allemagne pour sa dépendance à Moscou. « L’Allemagne est captive de la Russie parce qu’elle en importe une grande partie de son énergie » a-t-il déclaré.
Il s’ensuivit la pire crise énergétique mondiale depuis 1973, entraînant une hausse des prix de l’électricité et de l’essence dans le monde entier. Fondamentalement c’est une crise d’approvisionnement avec une rareté entièrement organisée.
Commun Sense (1er mars 2022)
Dans un article de Forbes du 1er mars on lit :
« La sécurité énergétique, qui trop souvent n’a pas été considérée comme une priorité par les décideurs en Europe et aux États-Unis, nécessite une refonte complète. La dépendance excessive de l’Europe vis-à-vis du gaz naturel russe et la dépendance excessive de l’Amérique vis-à-vis des marchés pétroliers stables ont limité les options de l’Occident dans cette crise au détriment de notre sécurité collective.»
De même, dans le Wall Street Journal :
« L’Europe nous rappelle que le blocage des combustibles fossiles ne permettra pas de garder “le carbone dans le sol” mais fournit une arme stratégique aux dictateurs qu’ils utiliseront contre nous. »
Le rapport du GIEC AR6 GTII
À propos d’idéologie verte, le GIEC a récemment publié son dernier rapport AR6 WGII intitulé : impacts, adaptation, vulnérabilité.
Le communiqué de presse du GIEC publié à cette occasion a pour titre : « Changement climatique : une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète ». Il annonce sans ambages « une perturbation dangereuse et généralisée ». La conclusion du Groupe II du GIEC est que tout nouveau retard dans l’action mondiale pour ralentir le changement climatique et s’adapter à ses impacts « laissera échapper une étroite fenêtre d’opportunité pour assurer un avenir vivable et durable pour tous, qui se refermera rapidement ».
Toute cette rhétorique masque le fait que la partie la plus faible de l’argumentation du GIEC selon laquelle le réchauffement causé par l’homme est « dangereux ». Car ces déclarations sont faites malgré le fait que le Résumé à l’intention des décideurs indique (avec une grande confiance), que les catastrophes et les conflits violents ne sont pas significativement influencés par le changement climatique d’origine humaine.
En outre, ce rapport s’appuie fortement sur le scénario d’émission SSP5-8.5 qui est le moins probable, et qui exagère de manière invraisemblable les impacts du réchauffement.
L’accent mis sur le scénario SSP5-8.5 ne reconnaît pas que même avec ce scénario, « nous sommes généralement dans le domaine du changement climatique sans parler d’un avenir qui sera pire qu’aujourd’hui » comme l’a indiqué Brian O’Neill, un des principaux créateurs pour le GIEC des scénarios SSP (lire ici).
Le rapport du Groupe II du GIEC associe la variabilité naturelle du climat, l’utilisation des terres et divers types de vulnérabilités au changement climatique d’origine humaine, des facteurs qui jouent un rôle relativement mineur dans les interactions complexes entre les activités humaines et l’environnement.
Roger Pielke Jr a publié une critique dont voici des extraits :
Malheureusement, le groupe de travail n° 2 du GIEC s’est éloigné de son objectif d’évaluer la littérature scientifique, et s’est positionné comme une “pom-pom girl” promouvant la réduction des émissions et a produit un rapport qui soutient un tel plaidoyer. Le GIEC proclame : “les impacts continueront d’augmenter si les réductions drastiques des émissions de gaz à effet de serre sont encore retardées – affectant la vie des enfants d’aujourd’hui demain et celle de leurs enfants beaucoup plus que la nôtre… Tout retard supplémentaire dans une action mondiale concertée manquera une brève et fenêtre qui se ferme rapidement pour assurer un avenir vivable”.
Ce nouvel accent mis sur l’atténuation colore l’ensemble du rapport, qui se lit par endroits comme si l’adaptation était secondaire par rapport à l’atténuation, voire impossible. Bien sûr, l’adaptation a longtemps été considérée comme problématique dans les politiques climatiques. Plutôt que de soutenir une vision apocalyptique des impacts de plus en plus graves en tant que simple fonction de la température, les opportunités d’adaptation permettent des résultats humains positifs même lorsque le climat change. La fausse représentation de la littérature sur les inondations par le groupe de travail n°2 est répétée tout au long du rapport pour d’autres phénomènes. L’adaptation est souvent ignorée ou minimisée au profit de la présentation des impacts comme une aggravation en fonction de températures toujours plus élevées. En réalité, l’adaptation permettra de préserver un avenir positif pour l’humanité avec un large éventail de niveaux d’émissions et de changements de température. L’atténuation et l’adaptation sont toutes deux importantes et le groupe de travail n°2 du GIEC s’est fait du tort à lui même (et à nous) en ajoutant l’atténuation à son objectif .
Roger Pielke Jr. (2 mars)
Politique énergétique Versus politique climatique
La pensée dominante selon laquelle la politique énergétique devrait être dictée par l’objectif de la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques) d’éliminer les émissions de carbone ne tient pas compte de l’importance dominante de la sécurité, de la disponibilité et du coût de l’énergie.
Tom Pyle le résume avec cette déclaration :
« L’Occident commence à réaliser les résultats de toutes ces années pendant lesquelles il s’est reposé pour la définition de sa politique énergétique sur les avis d’adolescents suédois, d’anciens barmans et de socialistes en échec. Nous avons besoin d’adultes pour diriger la politique énergétique.
S’agissant de la politique énergétique face à la guerre en Ukraine, et aux accords de la CCNUCC, il y a pragmatiquement 3 échelles de temps à considérer :
- Tactique (échelles de temps de quelques mois) : réduire la demande de gaz naturel, agir sur le prix du pétrole et du gaz et entraver la situation économique de la Russie
- Stratégique (échelle de temps de 1 à 3 ans) : mettre en place des politiques capables d’assurer pour l’Europe pendant sa saison hivernale, un approvisionnement stable en gaz en pétrole et en charbon à un prix raisonnable
- À long terme : organiser une transition lente vers une moindre dépendance vis à vis des combustibles fossiles (en particulier ceux qui sont produits par des pays hostiles) pour assurer la sécurité et la fiabilité énergétiques à des coûts faibles pendant la période de transition.
À l’ échelle de temps tactique, nous devons libérer les réserves de pétrole disponibles sur le marché mondial, redémarrer toutes les centrales nucléaires disponibles et brûler du charbon.
À l’ échelle de temps stratégique, nous devons augmenter la production de pétrole et de gaz naturel d’Amérique du Nord et remplir le pipeline de l’Alaska. En 2021, après avoir finalement atteint l’indépendance énergétique sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis y ont immédiatement renoncé lorsque que l’administration Biden a lancé de nouvelles séries de restrictions de combustibles fossiles. Nous devons aussi préparer des terminaux supplémentaires pour expédier et recevoir du GNL, lancer la construction de nouvelles centrales nucléaires, installer des pompes à chaleur, l’objectif étant de supprimer notre dépendance au gaz naturel pour le chauffage. Rosenow a expliqué sur Twitter comment le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur réduirait la demande de gaz, même si l’électricité qui les alimente était générée à partir de gaz. Il faut libérer toutes les formes d’énergie.
Sur l’ échelle de temps à long terme, il faut abandonner les objectifs d’émissions et planifier les sources d’énergie et les infrastructures pour la fourniture d’électricité et le transport du 21e siècle, en prévoyant beaucoup plus d’énergie que nous n’en consommons actuellement. Nous devons nous concentrer sur la sécurité énergétique, en diversifiant nos sources d’approvisionnement dans le pays si possible, puis à proximité, enfin auprès de pays amis (en évitant d’acheter de l’énergie à des ennemis politiques ou à des régimes instables). Les sources d’énergie et les infrastructures doivent être évaluées en termes de coût, de fiabilité, d’émissions et d’autres impacts environnementaux. Il faut maintenir les systèmes énergétiques actuels en fonctionnement jusqu’à leur fin de vie ou lorsque les systèmes de remplacement sont pleinement opérationnels. Enfin, il faut évaluer les risques de la transition énergétique, y compris géopolitiques.
L’Allemagne réévalue la fermeture de ses centrales nucléaires et envisage de brûler du charbon à court terme.
La guerre d’Ukraine a perturbé le marché de l’énergie tel qu’il fonctionnait avant. En plus d’œuvrer en faveur d’une plus grande autonomie pour l’Europe, nous espérons que cet événement fournira un élan politique vers une transition énergétique qui place la sécurité énergétique au premier plan des préoccupations. La réalité est que l’Europe dépendra du gaz comme combustible de transition jusqu’à ce que suffisamment d’énergie flexible et à faible émission de carbone soit disponible.
“A faible émission de carbone”:
le lavage de cerveau est terrible quand on sait que le CO2 dans l’atmosphère est un gaz à effet de serre négligeable (effet de saturation avec l’humidité).
Non le CO2 n’y est pour rien et les filières “bas carbone” sont une absurdité. Ce qui n’empêche pas de développer le nucléaire, pour motif d’indépendance énergétique, une raison en soi bien suffisante.
Puisque Judith parle de guerre en Ukraine , on peut s’exprimer
e 21 mars 2022 à 15 h 48 min, fritz a dit :
Bonjour,
Reçu ce mail de Michel GAY que vous connaissez sans doute
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N’ayant pas pu faire publier cet article, je vous le transmets à toutes fins utiles pour information.
J’ai écrit ce texte d’actualité « La guerre en Ukraine vue du côté russe » pour essayer de faire mieux comprendre ce qui se passe en Europe, au-delà des reportages des médias audio-visuels.
A vous de voir s’il peut correspondre à votre « ligne » et au « politiquement correct » pour ceux qui voudraient le publier.
Cordialement
Michel Gay
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Si vous voulez lire le texte c’est pas long
https://groups.google.com/g/les-energies-mg/c/MyDlJ8RrxOY/m/Rd9WdZf2AQAJ?utm_medium=email&utm_source=footer&pli=1
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et voici ma réponse
« » » » »L’OTAN et l’Union européenne, en repoussant toujours plus à l’est leurs frontières et leur influence (Pologne, Etats Baltes,…), » » » » » » » » » » »
Les pays baltes et la Pologne font ce qu’ils veulent
« » » » » La Russie veut montrer que l’ère de la domination occidentale mondiale est révolue » » » »
Je pense que ce n’est pas la peine de faire ce ramdam , tout le monde a compris que la domination mondiale est maintenant chinoise
« » » » » » la construction d’un nouvel ordre mondial. » » » » » » » »
Merci à Monsieur Poutine de se prendre pour le pape de l’ordre mondial
« » » » Une aggravation de l’opposition entraînera pour l’Occident des coûts importants, dont les principaux ne seront pas forcément économiques. » » » » » » » » »
Je ne vois pas de quelle opposition parle l’auteur et le gaz russe on s’en fout; on construira des éoliennes , on fracturera nos gisements et on reconstruira des centrales nucléaires
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Et Michel Gay de poursuivre
« » » » » » » » » »J’ai écrit ce texte d’actualité « La guerre en Ukraine vue du côté russe » pour essayer de faire mieux comprendre ce qui se passe en Europe, » » » » » » » » » » »
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Vu sous cet angle on peut penser que ce texte traduit votre opinion et pas celle du chroniqueur russe Pyotr Akopov.
et du coup on comprend que ce texte n’a pas été diffusé
Depuis le début de l’affaire ou de la guerre , comme vous voulez, j’ai dit que Zelensky devait proposer un référendum par province demandant aux résidents de se prononcer pour un rattachement à l’Ukraine ou à la Russie ( référundum sous contrôle international); je pense que maintenant c’est trop tard et que Poutine ne pense plus qu’à virer Zelensky ou pire à prendre sa peau
Je pense d’ailleurs que cet exemple russe a donné des idées à des révolutionnaires plus près de chez nous ; je pense que vous voyez de qui je veux parler ; s’ils sont prêts à demander leur indépendance , cela ne me fera ni chaud ni froid et s’ils n’arrivent pas à s’entendre , qu’ils s’entretuent entre eux , mais je suis contre la possibilité d’envoyer des chars en Corse pour essayer de concilier quelques extrémistes
La raison de l’invasion de l’Ukraine est une question sécuritaire pour la Russie…
Le “problème énergétique” est du aux fameuses sanctions qui vont pénaliser l’Europe et bénéficier aux USA, par le simple fait du remplacement d’une partie des échanges énergétiques faits avant avec la Russie, pétrole et gaz de schiste américain (avec, de plus, des prix très intéressants)…
En bref, ne confondons pas les causes et les conséquences… Et les conséquences risquent d’être terribles pour les pays européens et quasiment indolore pour les USA!.