Les politiques climatiques influencées par les écologistes sont suicidaires prévient le géographe américain Joel Kotkin

Par Joel Kotkin

Cet article est le traduction d’un article publié en anglais par le géographe américain Joel Kotkin sous le titre « the growth dilemna » . Brice Couturier a signalé cet article dans son émission Le tour du monde des idées sur France culture le 20 janvier qu’il a intitulé « C’est quand la croissance est forte que les sociétés se préoccupent de leur environnement ». La traduction est due à Camille Veyres et Isabelle Rivals.

Pendant une grande partie des 70 dernières années, la croissance économique a amélioré la qualité de vie en Europe, en Amérique du Nord et en Asie de l’Est, et apporté une stabilité sociale après les violentes perturbations de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, cependant, bon nombre des dirigeants les plus influents du monde, même aux États-Unis, rejettent l’idée même que les sociétés devraient améliorer la richesse matérielle et augmenter les revenus, à cause de ce qu’ils croient être des sujets plus importants comme l’environnement ou l’équité sociale.

Cette rupture brutale avec le passé se produit alors que la croissance en Europe, au Japon et aux États-Unis est tombée à la moitié ou moins de ce qu’elle était il y a une génération à peine, et alors que les taux de fécondité sont à des niveaux jamais vus depuis l’époque médiévale. Cela promet un tsunami de retraités dont la retraite ne peut être assurée que par la croissance économique.

La baisse des revenus réels, la hausse des coûts de l’énergie et des logements dues à des politiques « vertes » et une inquiétude croissante pour les retraites se combinent ; elles ont déclenché une nouvelle vague de protestations dans des pays aussi divers que la Norvège, les Pays-Bas, la France et le Chili. Les sombres perspectives d’avenir que fait prévoir une croissance lente ont aussi suscité des manifestations dans des pays en développement politiquement fragiles comme le Liban, le Brésil, l’Irak, le Soudan et l’Algérie.

La croissance : cet idéal oublié

Il y a quelques années encore, la nécessité d’une croissance économique pour assurer la survie de nos sociétés était presque universellement reconnue. Ce n’était pas que prêche de l’Economie des marchés libres. Quels qu’aient été ses défauts, le socialisme du XXe siècle était axé sur la croissance et épousait l’idée, si mal réalisée en pratique qu’elle ait été, que le progrès matériel est essentiel pour développer la richesse de la classe ouvrière.

Aujourd’hui, les dirigeants politiques de France, d’Islande et de la Commission européenne, ainsi que des économistes influents tels que Joseph Stiglitz, sont de plus en plus convaincus que la croissance économique doit être remplacée par des objectifs tels que l’amélioration des soins de santé, la réduction des inégalités et la lutte contre le changement climatique.

Beaucoup, en particulier dans la gauche environnementaliste, vont même plus loin et prônent la “décroissance” : ils exhortent les sociétés à réduire consciemment leur richesse économique. Ce programme impose que les coûts de l’énergie, du logement, de la nourriture et des autres biens de consommation augmentent régulièrement, ouqu’ils soient rendus légalement inaccessibles afin que les gens ordinaires ne puissent pas manger de la viande régulièrement, ni utiliser plus d’énergie, ni vivre dans des logements plus grands ni voyager librement. Il y a même une idée étrange selon laquelle il nous faut revenir à une existence plus primitive en annulant tous les progrès des derniers siècles. Le Green Partyaméricain, par exemple, voudrait limiter complètement le commerce à longue distance en faveur d’une économie féodale qui serait “largement autosuffisante dans la production de ce qui est nécessaire“.

Même aux États-Unis, où la croissance a longtemps été une priorité incontestée, pratiquement aucun des principaux candidats démocrates à la présidence ne mentionne plus le mot « croissance ». Le vice-président Joe Biden, le principal ” modéré ” dans les primaires du parti démocrate, a explicitement déclaré que pour se conformer à l’agenda vert, il supprimerait dans son pays les emplois du secteur des combustibles fossiles.

L’abandon de la croissance économique par la gauche américaine marque un changement radical par rapport à l’approche de Bill Clinton, ou même de Barack Obama. Dans les années 1990, les « progressistes » croyaient encore que la croissance économique était indispensable pour améliorer la vie des familles des classes moyennes et ouvrières. Aujourd’hui, plutôt que de chercher à dépasser la robuste amélioration économique et la modeste hausse des emplois de col bleu observées sous le président Trump, ces « progressistes » se concentrent surtout sur des questions d’identité, de dévotion à l’environnement [piété environnementaliste] et de redistribution des revenus.

Concrètement, cet abandon de la croissance signifie la finde l’ancien programme social-démocrate. De nombreux socialistes autoproclamés – typiquement des universitaires et des personnalités des médias plutôt que les dirigeants de syndicats de l’industrie- rejettent l’accent fondamental mis par le marxisme sur le “matérialisme“, ce en faveur de la “durabilité” d’une croissance faible. ” La croissance peut être très dangereuse “, suggère Peter Victor, économiste et spécialiste de l’environnement à l’Université York de Toronto. L’idée autrefois répandue selon laquelle la “croissance verte” pourrait d’une manière ou d’une autre se substituer aux progrès économiques historiques a été largement démentie et réfutée par de nouvelles études venant des Nations unies et d’Allemagne.

Certains fanatiques de gauche, comme George Monbiot du Guardian, se félicitent ouvertement du déclin économique et pensent que les récessions réduiront les émissions de carbone, même si beaucoup y perdront leur emploi et leur logement. Monbiot et beaucoup d’autres climatistes ne proposent qu’une qualité de vie dégradée avec un rationnement quasi-général, et ils réclament l’interdiction au moins partielle d’avoir des enfants en raison de “l’héritage carbone” qu’ils constituent.

Les prédicateurs et avocats de la décroissance croient fréquemment que les maisons individuelles à bon marché doivent être supprimées et remplacées par de petits appartements surpeuplés. Certains « scientifiques » suggèrent que l’on doit éliminer les hot-dogs pour des “saucisses aux asticots” et recommandent même que nous envisagions de nous recycler nous-mêmes en nous convertissant au cannibalisme.

Comme de telles mesures pourraient s’avérer impopulaires, les écologistes cherchent de plus en plus à construire une “technocratie” mondiale afin de limiter la démocratie et être sûrs que seuls leurs experts concevront et mettront en œuvre ces politiques pour hoipolloi, [NdT : pour la plèbe].

Ralentissement de la croissance, montée du désordre social 

Dans son livre magistral de 2016, The Rise and Fall of American Growth, l’historien Robert J. Gordon a documenté comment une croissance économique régulière a permis à des centaines de millions de personnes dans le monde d’atteindre un niveau de vie plus élevé, avec l’espoir que leurs enfants fassent encore mieux. La plupart des changements technologiques qui ont eu lieu pendant les périodes de forte croissance étaient également de nature largement démocratique, car le développement des autoroutes, de l’électricité et du chauffage au gaz a profité aux classes ouvrières, moyennes et supérieures.

Plus de croissance, c’est mieux, point final“, conclut-il, alors que le ralentissement de la croissance menace de plus en plus les moyens d’existence et les retraites des classes moyennes et ouvrières. Comme l’indique un récent rapport de l’OCDE, le développement pour tous des décennies passées a fait place à une incertitude économique généralisée, à une croissance anémique des revenus, à des prix plus élevés et à de plus grandes inégalités, laissant même les classes moyennes, autrefois en sécurité, “de plus en plus comme un bateau naviguant dans des eaux pleines de récifs“.

Cet abandon de la croissance comme objectif [politique] reflète le manque d’intérêt croissant,pour ne pas dire le mépris, qu’ont les« progressistes » pour les aspirations de la classe ouvrière et de la classe moyenne. Le secrétaire au Trésor d’Obama, Lawrence Summers, a admis que les démocrates s’intéressent peu aux classes moyennes, préférant servir une “coalition de l’élite cosmopolite et des minorités raciales [dites diversité en novlangue]”. Sous Obama, malgré une croissance des revenus douloureusement lente, “l’élite” de Summers s’en est bien sortie parce que des actifs comme l’immobilier urbain et les actions des sociétés de technologie ont augmenté, parfois de façon spectaculaire, tandis que la part de la richesse du pays allant aux travailleurs continuait de diminuer.

Une croissance lente touche particulièrement les jeunes. Selon l’économiste Jeffrey Dorfman, de l’université de Géorgie, l’Américain moyen doublerait son revenu réel par habitanten 28 ans seulement dans l’hypothèse d’une croissance historique du PIB de 2,5 %, mais en 70 ans avec une croissance de 1 % par an. Comme les taux de croissance ont faibli, note Pew, les trois cinquièmes des adultes américains d’aujourd’hui estiment que leurs enfants ne seront pas mieux lotis qu’eux. Le pessimisme au sujet des générations futures est pire encore en France, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie et en Allemagne, pays où la croissance est plus lente. Au Japon, les trois quarts des personnes interrogées pensent que la situation sera pire pour la prochaine génération.

Les rébellions contre le coût de la vie

Ce phénomène mondial de faible croissance économique et de hausse des prix a déclenché une rébellion menée par la classe moyenne, ce qu’une publication marxiste décrit comme “une grève contre la hausse du coût de la vie“. Bien que chacune d’elles soit particulière, ces nouvelles protestations sont motivées par la crainte qu‘ont les classes moyennes et ouvrières que ces conditions de ralentissement et de décroissance ne “prolétarisent” leur niveau de vie naguère relativement confortable.

Beaucoup de membres de l’aristocratie progressiste considèrent ces mouvements comme du populisme primitif, amenant des choses détestables comme le Brexit et l’élection de Donald Trump. Mais la “grande révolte” s’est depuis étendue à des pays de culture libérale avec des Etats-providence avancés, dont la France, le Chili, voire la Norvège et les Pays-Bas. Dans la plupart de ces pays, ces rébellions sont menées non pas par des étudiants perpétuellement indignés, par des travailleurs licenciés ou par des immigrants en colère, mais par des travailleurs solidement établis dans la classe moyenne qui estiment que leurs perspectives à long terme, et celles de leurs enfants, sont de plus en plus sombres.

Ces craintes sont particulièrement vives chez les travailleurs des secteurs de l’industrie prétendument gênants pour l’environnement, telles que l’énergie, l’industrie manufacturière, la construction de logements : ces travailleursperdent leur emploi ou sont très explicitement voués au chômage par la gauche verte. Ceux qui continuent à travailler dans des industries inévitablement gourmandes en énergie, comme l’agriculture, sont toujours accablés par la hausse constante du coût des produits de base essentiels comme le carburant diesel. Ces hausses des prix de l’énergie ont un impact particulier sur la plupart des Européens qui vont au travail en voiture.

La rébellion dévastatrice et parfois violente desgilets jaunesen France est peut-être le signe avant-coureur le plus clair de ce phénomène. Cette protestation a été déclenchée par les hausses des prix de l’énergie du président Emmanuel Macron, qui ont été exprimées avec les habituelles déclarations de piété verte toujours à la mode dans les salons de l’élite. Mais la population française des grandes banlieues de Paris, tout comme celle des villes plus petites et des villages de la France Périphérique, s’y est fortement opposée. Ce modèle se retrouve dans des manifestations partout en Europe, ainsi qu’au Chili où des politiques vertes d’augmentation des coûts de l’énergie et des tarifs du métro ont entraîné de grandes manifestations autour de la capitale Santiago, avec 20 morts et 1200 blessés.

Alors que la nouvelle gauche verte s’engage dans des politiques qui ne peuvent que détériorer -et non pas améliorer- le niveau de vie de tous, sauf celui des les plus riches, la prédication sur le changement climatique a été le déclencheur d’une rébellion politique. Lors des élections de 2019 en Australie, un pays dépendant de ses exportations de combustibles fossiles et de minerais, les pitreries souvent excessives du groupe environnementaliste GetUp [NdT : GetUp est une organisation sans but lucratif avec 70 employés et un budget de 10 millions de dollars ; elle a dépensé 4 millions de dollars lors des élections de 2019 pour faire battre certains candidats à leur réélection]  ont dit-on fortement contribué à  éloigner les électeurs du parti « progressiste » et à les rapprocher des conservateurs. La révolte de la classe moyenne et ouvrière contre le fanatisme vert a contribué à stimuler du changement politique aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne.

La bombe à retardement des retraites

La lenteur de la croissance accélère également la crise des retraites dans les pays à hauts revenus. Depuis 1980, le taux de dépendance, c’est-à-dire la proportion de retraités par rapport à la population en âge de travailler, a augmenté de 50 % ou plus en Italie, au Japon, en Allemagne et aux Pays-Bas. D’ici 2050, selon Pew, toutes ces tendances s’aggraveront considérablement et s’étendront à des pays relativement jeunes, comme les États-Unis et l’Australie. Cependant, le vieillissement le plus rapide se verra dans des pays en développement tels que l’Inde, la Chine et le Mexique, qui n’ont pas la richesse accumulée des pays où les revenus sont plusélevés :ils ne pourront, en l’absence de taux de croissance élevés, pas faire face à un déséquilibre démographique plus grand entre ceux qui travaillent et les retraités.

En Europe, en Asie de l’Est et en Amérique, les retraites, tant privées que publiques, sont soumises à des pressions extraordinaires ; même les travailleurs syndiqués dans des États-providence comme les Pays-Bas voient leurs pensions réduites. Aux États-Unis, le passif non capitalisépourrait, pour les seuls travailleurs du secteur public, s’élever à six mille milliards de dollars. L’argent nécessaire pour payer les retraites ne peut être tiré que d’une croissance économique plus forte ou d’une fiscalité ruineuse et politiquement irréalisable. Certains pays, comme le Japon et l’Allemagne, ont déjà augmenté les impôts pour faire face aux coûts d’un plus grand nombre de retraités.

Dans le même temps, les tentatives de réforme des retraites ont généré une nouvelle série de rébellions en France, qui ont pratiquement paralysé le pays pendant un certain temps. Les questions relatives aux retraites suscitent également des protestations dans d’autres pays, comme la Russie, l’Espagne, le Chili, le Brésil et l’Argentine. Beaucoup de ces pays comptaient sur la croissance économique pour financer les retraites de la génération qui cesse de travailler, mais, à moins que la croissance ne soit rétablie, c’est un durcissement du conflit qui va en résulter.

La lutte des classes sous un autre nom

Traditionnellement, les chefs d’entreprise étaient de puissants défenseurs de la croissance économique, ne serait-ce que dans leur propre intérêt. Mais, de plus en plus, une grande partie des entreprises des pays riches ont adopté les ambitions de croissance faible ou négative et de “durabilité” de la gauche verte. Rares sont ceux qui réalisent aujourd’hui que la bible de la “durabilité“, l’ouvrage « Limits to Growth »  [dont la traduction française porte le titre « Halte à la croissance  » ] publié pour la première fois en 1972, était financée par de grands groupes financiers menés par Aurelio Peccei de Fiat. La vision à long terme de ces auteurs était fondée sur l’idée – qui s’est révélée par la suite très largement exagérée – que les ressources de la planète allaient s’épuiser rapidement. Avec des idées quasiment féodales, ils proposaient un “équilibre global” qui permettrait de limiter la croissance à venir et de créer “un équilibre soigneusement contrôlé“. La croissance économique devait prendre fin au cours de ce siècle, mettant ainsi un terme à la mobilité sociale ascendante telle que nous l’avons comprise.

Le soutien aux politiques draconiennes contre la croissance reste remarquablement fortau sommet de l’élite mondiale. Les fondations à but non lucratif – dépositaires de la richesse de l’argent ancien, y compris les fortunes des Ford et des Rockefeller tirées des combustibles fossiles, sont devenues les principaux avocats et prédicateurs de politiques climatiques radicales. Les plus grands partisans des lois draconiennes de la Californie sur le changement climatique ne sont pas des écolos en haillons, mais de grands fonds spéculatifs de cet État, des investisseurs en capital-risque, des PDG de sociétés technologiques et leurs heureux héritiers. Le mariage de l’ancien argent capitaliste avec les politiques vertes de gauche a été appelé “le nouveau visage du mouvement environnementaliste“.

Alors qu’un nombre croissant d’ultra-riches et leurs fondations [« philanthropiques »]virent vers la gauche verte, les dirigeants d’entreprises, en particulier ceux qui sont à l’abri d’oligopoles, n’ont guère de raisons de s’exposer à la colère de militants activistes. Certains financent harcèlements et menaces pour d’autres industries, comme le pétrole et le gaz, tout en tirant des bénéfices exceptionnels de programmes environnementaux visant à promouvoir les énergies renouvelables et des choses comme les voitures électriques. D’autres cloitrés dans des institutions puissantes, comme les universités ou les administrationsgouvernementales, sont dans des nids qui les protègent de l’impact de réglementations de plus en plus dures. Malgré l’effondrement épique de l’emploi dans les journaux, magazines et autres organes de presse de ce genre, les médias continuent à être fort peu critiques à l’égard du programme de la gauche verte, peut-être parce que le journalisme moderne dépend de plus en plus du mécénat de riches « progressistes ».

Il n’est pas surprenant que les cols bleus, électorat traditionnelde la gauche, désertent les partis « progressistes » au profit de Donald Trump et, récemment, de Boris Johnson. Comme l’auteur socialiste Leigh Phillipsl’a fait remarquer, la politique de pénurie organisée préconiséepar les verts est une forme de lutte des classes qu’il qualifie “d’éco-Thatchérisme“. L’historien britannique James Heartfield suggère que le “capitalisme vert” néo-malthusien chéri par les « progressistes » d’aujourd’hui est un effort moderne des riches pour supprimer et contrôler les classes moyennes “yeoman” ou autonomes[NdT : Un yeoman est, dans l’Angleterre médiévale, un paysan propriétaire de la terre qu’il cultive (Wikipedia)].et aussi la classe de serfs qui se développe en dessous. La vision verte, ajoute-t-il, “ne ressemble pas à la social-démocratie imaginée après la Seconde Guerre mondiale, mais à une société à deux classes sociales[NdT : bifurcateden anglais] qui ressemble de plus en plus à celle de l’époque victorienne“.

Pourquoi il nous faut revenir à la croissance économique

En fin de compte, un régime de faible croissance ou de “décroissance” est lui-même non viable[unsustainable, non durable] dans un système démocratique. La perspective de revenus en stagnationau milieu de pensions ruineuses et d’autres dépenses constitue un cocktail toxique aux effets potentiellement très déstabilisateurs. La “prolétarisation” de la classe moyenne a été un facteur majeur de la montée de l’Allemagne nazie, note l’historien Eric Weitz, de la City University, et elle conduit maintenantdans tout l’Occident à une montée de l’extrémisme, de droite comme de gauche.

Comme l’a suggéré Benjamin Friedman il y a plus de dix ans, la croissance économique est essentielle non seulement pour et par elle-même, mais elle a, du moins en Occident, favorisé l’émergence de sociétés plus éclairées et plus généreuses. Comme l’écrit Friedman “La croissance économique, c’est-à-dire l’augmentation du niveau de vie de la majorité des citoyens, favorise le plus souvent une plus grande tolérance à l’égard de la diversité, la mobilité sociale, l’engagement en faveur de l’équité et le dévouement à la démocratie“.

Friedman a également identifié les avantages environnementaux d’une économie à croissance rapide. Il démontre qu’une population qui sent son avenir matériel assuré, est beaucoup plus disposée à investir dans des choses telles que la propreté de l’eau et de l’air, et dans la préservation des habitats d’animaux sauvages ; en Amérique par exemple, une grande partie de la législation environnementale historique pour la propreté de l’air et de l’eau a été promulguée pendant le boom des années 1960.

Ce n’est pas non plus une coïncidence si la protection de l’environnement est plus forte dans les pays riches comme l’Europe, l’Amérique du Nord ou le Japon, que dans des puissances encore émergentes comme la Chine et l’Inde, ou dans des pays encore plus pauvres en Asie et en Asie centrale. Les dirigeants politiques de ces pays – plus d’un milliard de personnes dans le monde ne disposent pas d’un approvisionnement électrique fiable – ont tendance à se préoccuper davantage de l’accès à l’électricité que de la manière de la produire sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre.

Sans croissance économique, sans possibilité d’ascension sociale, nous allons basculer, comme l’a prévenu Tocqueville, vers une structure de classe plus favorable à “l’aristocratie ” et au régime autoritaire. Plutôt que de chercher à restaurer la structure de classe du Moyen Âge, nous devrions à nouveau embrasser la croissance et chercher de l’innovation plutôt que des mesures punitives pour faire face aux problèmes du climat et de l’environnement. La croissance économique ne doit pas être considérée comme un obstacle à un monde meilleur, mais comme notre meilleure chance de renforcer la cohésion sociale, la mobilité ascendante et l’engagement pour un environnement amélioré. C’est là un idéal que nous pouvons abandonner, mais seulement à nos risques et périls.


Joel Kotkin est Presidential Fellow in Urban Futures  à l’université Chapman et est directeur exécutif du Center for OpportunityUrbanism. Son dernier livre est The Human City : Urbanism for the Rest of Us (Agate, 2017). Son prochain livre, The Coming of Neo-Feudalism, sera publié auxéditions Encounter début 2020.

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