Les nouveaux modèles climatiques prédisent un réchauffement accru…mais échouent à reproduire le climat des dernières décennies

Une étude intitulée « Causes d’une sensibilité climatique plus élevée dans les modèles CMIP6 » a été publiée dans la revue Geophysical Research Letters le 3 janvier 2020. Mark Zelinka chercheur au Laboratoire national Lawrence Livermore et auteur principal en a fait un résumé dont nous proposons une traduction ci-dessous. En résumé, les nouveaux modèles réchauffent davantage parce qu’ils intègrent une rétraction positive accrue de la vapeur d’eau et des nuages; mais ils échouent à reproduire le réchauffement des dernières décennies.


L’ampleur du changement climatique est étroitement liée à la quantité de chaleur absorbée par la Terre en réponse à l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre. Une mesure couramment utilisée pour quantifier ce phénomène est la sensibilité climatique à l’équilibre (ECS), définie comme étant l’augmentation de la température de surface globale en réponse à un doublement de la concentration de dioxyde de carbone (CO2 ) dans l’atmosphérique. Jusqu’à présent, les estimations de l’ECS convergeaient vers un réchauffement de 3°C pour un doublement du CO2. Le rapport le plus récent du GIEC situe l’ECS entre 1,5 et 4,5˚C. La communauté scientifique n’a jamais pu réduire cette fourchette.

Plusieurs techniques ont été utilisées pour estimer l’ECS. On peut soit la déduire de mesures instrumentales : de combien la Terre s’est-t-elle réchauffée à mesure que la concentration de gaz à effet de serre augmentait au cours des 100-150 dernières années ? On a également utilisé des preuves indirectes tirées d’anciens climats chauds ou froids comme celui de la dernière période glaciaire datant d’environ 20 000 ans, ou encore celui de la période chaude du Pliocène moyen il y a environ trois millions d’années. Une troisième méthode consiste à évaluer l’ECS à l’aide de modèles climatiques : de telles évaluations sont effectuées dans le cadre du projet d’inter comparaison des modèles couplés (CMIP) qui en est aujourd’hui dans sa version 6.

Mark Zelinka et ses coauteurs ont comparé les valeurs d’ECS produites par les 27 modèles CMIP6 disponibles à la fin du mois de novembre 2019, avec celles de 28 modèles de la génération précédente (CMIP5). Les derniers modèles chauffent davantage que leurs prédécesseurs d’environ 0,5 °C avec des sensibilités s’étendant sur une plage de 1,8 à 5,6 ° C. Dix modèles ont maintenant des sensibilités dépassant 4,5 °C, au delà de la plage « probable » évaluées par le GIEC.

Figure 1 (A) Estimations de la sensibilité climatique effective (ECS) pour les modèles CMIP5 (bleu) et CMIP6 (orange). (B) Rétroaction moyenne des nuages ​​sur les ondes courtes moyennes multi-modèles en moyenne zonale. Les différences CMIP6-CMIP5 sont représentées en lignes noires continues lorsque les différences sont significatives à 95% de confiance, en pointillé hors de cet intervalle de confiance. 

L’étude démontre que ce sont les nuages qui sont les principaux responsables de ce réchauffement accru. Plus précisément, la teneur en eau et la couverture des nuages de faible altitude diminuent plus fortement dans les nouveaux modèles que dans les anciens, ce qui provoque une absorption accrue de la lumière solaire, une rétroaction positive qui se traduit finalement par davantage de réchauffement. Cette plus forte rétroaction positive des nuages ​​ est particulièrement sensible dans l’océan Austral colle le montre la figure1 ci-dessus. Les auteurs montrent que les différences dans la représentation physique des nuages ​​conduisent à cette sensibilité accrue par rapport à la génération précédente de modèles. En d’autres termes, les différences entre les générations de modèles CMIP5 et CMIP6 résident dans la façon dont les propriétés des nuages réagissent à leur environnement (et non pas dans la façon dont leur environnement change) conduisant à une rétroaction positive des nuages plus forte avec les modèles CMIP6. 

Une question importante est de savoir si ces nouveaux modèles basés sur une rétroaction des nuages de l’océan Austral plus forte sont plus fiables. Les modèles CIMP6 ont été améliorés sur au moins un aspect: le mélange gouttelettes liquides et cristaux de glace dans les nuages. Pendant des années, les modèles ont échoué à égaler les observations pour le maintien d’une eau liquide abondante à des températures bien inférieures à zéro. Les derniers modèles conservent plus d’eau dans les nuages ​​dans leur phase liquide « super-refroidie », une amélioration dont il a déjà été démontré qu’elle augmentait la sensibilité du climat. Pris isolément, cette amélioration pourrait suggérer que ces modèles nous donnent une vision plus réaliste du réchauffement futur. 

Mais une perspective plus large est nécessaire. En améliorant certains aspects des modèles d’autres imperfections peuvent avoir été introduites ou mises en lumière, et il semble que plusieurs modèles à haute sensibilité simulent mal le taux de réchauffement planétaire observé au cours des dernières décennies. Ce n’est qu’après avoir entièrement vérifié ces modèles par rapport aux meilleures observations disponibles que nous pourrons commencer à tirer des conclusions sur un éventuel réchauffement de la Terre plus important que prévu.

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