Les forêts de l’hémisphère nord absorbent de plus en plus de CO2 selon une récente étude publiée dans la revue Nature

Les forêts de l’hémisphère nord absorbent de plus en plus de CO2 produit par l’Homme, contribuant ainsi à ralentir le réchauffement climatique. C’est la bonne nouvelle annoncée par une équipe internationale de chercheurs menée par Philippe Ciais, directeur de recherche au laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) à Gif sur Yvette. Leurs résultats publiés dans le journal Nature le 3 avril 2019 expliquent que ce phénomène est lié à la croissance des forêts ces dernières décennies.

Cette publication a fait l’objet d’un communiqué de presse du CEA, assorti d’une Video explicative.

Une intensification de l’absorption du carbone par la végétation de l’hémisphère nord

L’équipe a reconstruit l’évolution des puits de carbone des continents, à l’aide d’enregistrements de la teneur atmosphérique en CO2, entre 1958 et 2016. Ces enregistrements qui couvrent une période de plus de 50 ans proviennent des deux plus anciennes stations de mesure atmosphérique du CO: « Mauna Loa », situé à Hawaï pour l’hémisphère nord et « Pôle Sud » en Antarctique pour l’hémisphère sud.

On savait jusqu’à présent que la végétation terrestre et les océans capturent une quantité de CO2 égale à la moitié des émissions générées par les activités humaines (IPCC, 2013 Chapitre 6). Cette nouvelle étude montre que le puits de la végétation dans l’hémisphère nord a eu un rôle prédominant dans cette absorption globale depuis 50 ans. Loin d’être compromis par les sécheresses et les changements climatiques récents, ce puits de carbone a même considérablement augmenté au cours des vingt dernières années.

« De 1958 à nos jours, la végétation de l’hémisphère nord a continué d’absorber une quantité importante de CO2 avec deux augmentations significatives dans les années 1990, puis 2000 », explique Philippe Ciais.

L’ampleur de l’absorption du CO2 avait été sous-estimée par tous les modèles. Pour les scientifiques qui ont mené l’étude, il faudrait prendre en compte un plus grand nombre de paramètres, par exemple l’accroissement de la surface des forêts et les dépôts d’azote.

L’hémisphère nord absorbe plus de CO2

La concentration en dioxyde de carbone est en moyenne plus élevée au nord de l’équateur, où se trouvent la plupart des régions industrialisées. La quasi-totalité des émissions de COfossile mondiales sont dans l’hémisphère Nord. Lors de la dernière décennie, les continents au nord de l’équateur en ont absorbé 25%, dont la moitié environ dans les forêts.

La différence de niveau entre les deux hémisphères n’est pas aussi importante que ne le laisse anticiper la différence entre bilans des émissions fossiles dans l’hémisphère nord et sud. Cela ne peut s’expliquer que par l’ajout d’un puits de CO2 considérable chaque année en partie dans les océans, mais principalement sur les continents du Nord.

La végétation de l’hémisphère nord, élément essentiel contre le réchauffement climatique

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène réel d’augmentation de l’absorption du carbone dans l’hémisphère Nord : la croissance de la superficie forestière mais aussi la fertilisation des écosystèmes en Asie qui ont été exposés à des quantités accrues d’azote provenant de l’atmosphère et à des modifications des pratiques de gestion des sols.

L’augmentation de la superficie forestière

L’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère et le changement climatique créent des conditions favorables à la croissance des forêts.

La superficie de la forêt est en augmentation dans de nombreuses régions. En France, elle représentait par exemple 8,5 millions d’hectares en 1850, contre plus de 17 millions d’hectares aujourd’hui, d’après l’ONF (Office National des Forêts). « Dans l’hémisphère nord, il y a une augmentation des surfaces forestières. Par exemple dans l’ancienne URSS, l’abandon de terres agricoles conduit à la repousse de forêts »  note Philippe Ciais, mais cet effet n’explique pas la totalité du puits de carbone déduit des mesures atmosphériques.

Un fort taux d’azote provoque une croissance des arbres

Un autre facteur explique la croissance de la végétation : l’augmentation des apports en azote, un élément essentiel pour les plantes. Les chercheurs expliquent :  « Cet azote est déposé à la suite de combustions de fuels et par les émissions des sols agricoles ». Ce phénomène de rejets azotés est particulièrement important en Asie, par rapport à l’Europe ou l’Amérique du Nord. S’il n’y a pas assez d’azote recyclé par la décomposition de la matière organique des sols, on peut avoir une limitation de la croissance des végétaux, qui réduit donc l’absorption du CO2. Donc le dépôt d’azote par la pollution permet sous certaines conditions d’augmenter la fixation du CO2. Une étude menée aux États-Unis publiée dans Nature en 2009 avait montré qu’un enrichissement du sol en azote était bénéfique pour tous les arbres dont les racines sont associées avec des champignons, une symbiose très répandue appelée mycorhize. Dans les forêts nord-américaines, cela aurait permis d’augmenter de 40% la quantité de carbone capturée par rapport à la période pré-industrielle.

Le phénomène va s’accentuer

Ce puits de carbone devrait encore évoluer les prochaines années. « Les modèles projettent une augmentation future mais estiment mal le risque de pertes liées aux feux de forêt et aux insectes qui attaquent les arbres, et peuvent les faire mourir  »  conclut Philippe Ciais.

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