Par Rémy Prud’homme
Le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts du Climat) de Genève est la pythie de Delphes de notre siècle. Ses Rapports sont l’équivalent des Oracles de la pythie. Ils se réclament de la Science comme les oracles se réclamaient d’Apollon ; mais ils ont le même écho et la même autorité. Les rapports du GIEC sont généralement adorés comme le sont des livres sacrés ; ils sont aussi, plus rarement, décriés par des esprits plus sceptiques ou plus réalistes. On peut peut-être éclairer ces différences d’appréciation en remarquant qu’il n’y a pas un GIEC, mais bien deux, ou même trois, qui sont radicalement différents : en termes d’auteurs, de champ, de scientificité, de crédibilité. Ce qui est vrai de l’un ne l’est pas nécessairement de l’autre, ou des autres.
Les rapports périodiques se composent de trois parties (de plus de 1000 pages chacune) : une partie I consacrée à la physique de l’évolution du climat ; une partie II qui projette les conséquences de cette évolution; une partie III relative aux préconisations de politique climatique. Disons, pour fixer les idées, du Einstein, du Nostradamus, et du Keynes. Ignorons ici, dans un souci de simplification, les prophéties de la partie II : elles concernent principalement l’année 2100, et reposent sur le sable de modèles arbitraires, non vérifiés parce que non vérifiables ; et concentrons-nous sur les deux autres parties, qui définissent deux GIECS bien distincts.
Le premier met en œuvre le programme qui lui a été fixé par écrit lors de sa création : « prouver » le rôle du CO₂ anthropique (émis par l’homme) dans le réchauffement climatique. À cet effet, il mobilise les articles favorables à cette thèse publiés dans des revues scientifiques, et conclut qu’en effet le CO₂ (et quelques autres gaz à effet de serre) sont responsables à 90 ou 95% du réchauffement de 1 degré enregistré au cours des 150 dernières années. La démonstration fait appel à des notions de physique théorique que je ne maîtrise pas (jusqu’à une date récente, je ne connaissais même pas la loi de Henry, qui éclaire la question essentielle des échanges de CO₂ entre l’air et les océans). Il n’est pas certain que tous les représentants des 180 pays de l’ONU qui « approuvent » formellement ce rapport, et qui sont des diplomates ou des politiciens, maîtrisent ces notions beaucoup mieux que moi.
On touche ici du doigt l’ambiguïté du GIEC, qui est une institution à la fois politique (« intergouvernemental ») et scientifique (« experts »). L’intitulé même de l’institution (« groupe intergouvernemental d’experts ») est un oxymore qui sonne comme un aveu : un groupe intergouvernemental rassemble des représentants des gouvernements, un groupe d’experts rassemble des représentants de la science. Mais l’idée que les mêmes personnes représentent en même temps leurs gouvernements et la science est bancale. Les créateurs anglo-saxons de l’institution l’avaient d’ailleurs bien senti : le mot anglais qui la désigne (IPCC) emploie le mot de « panel », groupe, intergouvernemental certes, mais sans prétention à la qualité d’expert.
Le second GIEC est celui de la partie III des rapports, et concerne les politiques à mettre en œuvre. Beaucoup des lecteurs, lassés peut-être par la lecture un peu soporifique des 2500 pages des parties I et II, sont tentés de ne pas s’attarder sur cette partie III. Ils ont tort. C’est la plus importante. La preuve en est qu’elle seule correspond au domaine de compétence des présidents du GIEC. L’actuel président est un fonctionnaire du ministère de l’Économie de Corée, ancien directeur de l’institut d’études et de recherche dudit ministère. Son prédécesseur était un Indien, ingénieur des chemins de fer, frotté de recherche opérationnelle. Leur culture en physique théorique est limitée (je ne parierais pas gros sur leur maîtrise de la loi de Henry), mais leurs connaissances en économie et en gestion sont certainement solides. Il est plus facile de porter un jugement sur la qualité de la contribution de ce GIEC-là sur ce terrain-là. Elle est faible. On en donnera un exemple, parmi cent.
En 2011, ce GIEC a publié un rapport spécial (en plus des grands rapports périodiques) sur les énergies renouvelables. Il y voit la solution miracle à la décarbonisation de la planète. Il ne mentionne le nucléaire qu’en passant, pour affirmer que la majorité des experts le considèrent comme complètement dépassé. L’avenir des renouvelables intermittents est au contraire présenté comme le lendemain qui chante. Son triomphe n’a, selon ce rapport, même pas besoin d’un volontarisme fort, avec subventions considérables (une argumentation qui pourrait se concevoir). Ce sont, nous dit de deuxième GIEC, des modèles objectifs qui montrent que la planète se dirige inéluctablement vers un monde où, dès 2050, les renouvelables assureront plus de 80% de la production d’énergie – contre 3% aujourd’hui. D’énergie, pas seulement d’électricité, qui ne représente guère qu’un tiers de l’énergie produite et consommée. En réalité, très rares sont les spécialistes de l’économie de l’énergie qui croient cette fable. On est ici dans l’anti-science, pour ne pas dire dans l’anti-bon sens. Même les lobbies de l’éolien et du photovoltaïque ne disent pas cela. Seules quelques ONG comme Greenpeace l’osent. Le deuxième GIEC reprend leurs discours, et, ce qui est plus grave, le présente comme la parole de la science. La pythie a du boire trop d’ouzo : elle est ici prise en flagrant délit de délire.
Le statut scientifique du premier GIEC n’apparaît pas très solide, mais on ne peut sans doute pas (pas encore ?) le considérer comme totalement injustifié. Celui du second GIEC, en revanche apparaît comme complètement indéfendable. Les mauvais esprits diront que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne voit pas pourquoi le rapport à la science du premier GIEC serait différent du rapport à la science du second GIEC. Comme preuve de sa scientificité, le GIEC aime à souligner qu’il a obtenu le prix Nobel en 2007. Etait-ce un prix Nobel de physique qui récompensait le travail de notre premier GIEC ? Certainement pas. Un prix Nobel d’économie qui couronnait les recherches du second GIEC ? Encore moins. C’était une récompense politique, un prix Nobel de la paix, qui mettait le GIEC dans le même sac qu’Arafat, ou Aung Sang Su Ki, ou Abiy.
Très bonne analyse, il faut continuer à diffuser la vérité.
Ci après un lien pour une critique épistémologique du GIEC par Drieu Godefridi.
C’est un peu long,des répétitions,mais à la fin on comprend ce qu’est vraiment le GIEC.
https://lacademie.tv/conferences/critique-epistemologique-giec
En fait on peut supprimer le premier , puisque le deuxième n’attend pas les travaux du premier pour conclure ses travaux : parlons du fuitage
Excellent !