Le réchauffement des 20 dernières années est dû essentiellement à une modification de la nébulosité

Par Fritz Vahrenholt et Rolf Dubal

Traduction de l’article publié le 10 octobre 2021 sur le site de Judith Curry).


Nous avons étudié le bilan radiatif de la Terre au cours des 20 dernières années dan une publication dans la revue à comité de lecture « Atmosphere ». Le flux de rayonnement net, c’est-à-dire la différence entre le rayonnement solaire et le rayonnement à ondes longues et courtes, détermine la variation du contenu énergétique du système climatique. S’il est positif, la Terre se réchauffe ; s’il est négatif, elle se refroidit. Le projet CERES qui utilise un satellite exploité par la NASA fournit de telles données de rayonnement depuis maintenant deux décennies, ainsi que des données sur le développement de la couverture nuageuse avec une résolution temporelle et spatiale. Ces données sont déterminées à la fois par rapport à une altitude d’environ 20 km (TOA = « Top of Atmosphere »), et aussi par rapport à la surface de la Terre.

Notre nouvelle publication « Variation du flux d’énergie radiative de 2001 à 2020 » a mis en lumière un résultat surprenant pour la science du climat : le réchauffement de la Terre au cours des 20 dernières années est principalement dû à une plus grande perméabilité des nuages ​​au rayonnement solaire à ondes courtes. Le rayonnement à ondes courtes a fortement diminué au cours de cette période (voir figure), dans l’hémisphère nord (NH) comme dans l’hémisphère sud (SH). Le rayonnement solaire restant quasiment constant, cela signifie que davantage de rayonnement à ondes courtes a atteint la surface de la Terre, contribuant au réchauffement. Le rayonnement incident à ondes longues (appelé effet de serre) n’a contribué que dans une moindre mesure au réchauffement. Il a même été largement compensée par la perméabilité également croissante des nuages ​​aux rayonnements à ondes longues émanant de la Terre. Les auteurs arrivent à cette conclusion claire après avoir évalué les données de rayonnement CERES.

Le chercheur de la NASA Norman Loeb et ses collaborateurs [ lien ], ainsi que le chercheur finlandais Antero Ollila [ lien ], avaient déjà souligné récemment que le rayonnement solaire à ondes courtes avait augmenté de 2005 à 2019 en raison de la diminution des nuages ​​bas. Notre dernière publication a examiné les flux de rayonnement TOA (au sommet de l’atmosphère) et au niveau du sol pour toute la période et les a liés aux changements de la couverture nuageuse. L’apport énergétique net a été positif tout au long de la période, passant de 0,6 W/m² à 0,75 W/m² de 2001 à 2020. La moyenne sur 20 ans étant de 0,8 W/m². Le graphique ci-dessous montre les facteurs de ce changement et ceux-ci se situent clairement dans le domaine du rayonnement à ondes courtes dans les zones nuageuses, qui représentent environ les 2/3 de la surface de la Terre.

Cela contraste avec l’hypothèse avancée par le GIEC dans son rapport le plus récent selon laquelle le réchauffement causé par l’augmentation du rayonnement incident à ondes longues était dû uniquement à l’effet de serre anthropique. Le GIEC attribue 100 % du réchauffement à cet effet et le justifie par des calculs de modèle. Cependant, l’analyse des données mesurées par Dübal et Vahrenholt montre que le réchauffement dû à la diminution du rayonnement à ondes courtes de 1,4 W/m² et à l’augmentation de – 1,1 W/m² du rayonnement à ondes longues est principalement attribuable à l’effet des nuages.

Nous avons également considéré l’effet de cet excès radiatif sur le contenu calorifique du système climatique sur une période plus longue depuis 1750, où « enthalpie » désigne la somme de la chaleur, du travail et de la chaleur latente, c’est-à-dire la chaleur dégagée par l’évaporation de l’eau, la fonte de glace, le changement énergétique de la biosphère (croissance des plantes), etc.

Étant donné qu’environ 90 % de cette enthalpie reste sous forme de chaleur accumulée dans les océans, des conclusions sur le développement de l’« enthalpie » peuvent également être tirées en examinant le contenu thermique à long terme des océans (OHC). Un bon niveau de cohérence a été trouvé entre ces deux ensembles de données indépendants pour la période 2001-2020, et les données OHC existantes ont été évaluées pour des périodes antérieures et plus longues afin de fournir une image globale. Cela montre que le réchauffement depuis 1750 n’a pas été continu, mais s’est produit par épisodes de réchauffement, désignés A, B et C, au cours desquels un flux radiatif net élevé (0,7 à 0. 8 W/m²) a agi pendant 20-30 ans, entrecoupé de phases plus douces. Le début de ces épisodes de réchauffement a coïncidé avec le changement de signe d’un autre facteur climatique naturel connu, l’AMO (Atlantic Multidecadal Oscillation). La question cruciale de savoir si la phase actuelle de réchauffement (C) prendra bientôt fin comme dans les cas A et B, ou si elle se poursuivra, ne peut être tranchée que sur la base d’observations plus longues et doit donc rester ouverte.

Afin d’étudier le début de la phase C vers l’an 2000, d’autres ensembles de données ont été utilisés, y compris les mesures de nébulosité d’EUMETSAT, un projet satellitaire européen. Ici, on peut voir que le début de la phase C s’accompagne d’une diminution de la nébulosité, coïncidant avec le changement de signe de l’AMO mentionné ci-dessus. Des mesures de rayonnement, on peut déduire que 2% de couverture nuageuse en moins signifie environ 0,5 W/m² de flux de rayonnement net en plus, ce qui pourrait expliquer la plupart des 0,8 W/m² mentionnés ci-dessus.

Ce résultat est également corroboré par l’analyse du bilan radiatif près de la surface. On constate ici une augmentation de l’effet de serre, qui est bien corrélée avec l’augmentation des gaz à effet de serre (vapeur d’eau et CO2), mais uniquement pour les zones sans nuages ​​(« ciel clair »). Cette corrélation, cependant, ne s’applique pas aux zones couvertes de nuages, qui représentent environ les 2/3 de la Terre.

Nous pourrions prouver l’augmentation de l’effet de serre, somme de tous les gaz à effet de serre (vapeur d’eau, CO2 etc.) dans des conditions « Ciel clair » avec une augmentation de 1,2 W/m² au cours des 20 dernières années. Cependant, cette augmentation est surcompensée (sur une base pondérée par la surface) par le rayonnement croissant des ondes longues dans les zones nuageuses s’élevant à -1,48 W/m².

La période de 20 ans est encore trop courte pour pouvoir décider de manière concluante si la phase de réchauffement actuelle est un phénomène temporaire ou permanent. Dans le premier cas, les prévisions climatiques devront être fondamentalement révisées. Le mécanisme physique qui a conduit à l’amincissement des nuages ​​est discuté différemment dans la littérature (Vahrenholt : « Les changements dans la nébulosité ​​peuvent être causés par une diminution des aérosols, par le réchauffement atmosphérique dû à des causes naturelles (par exemple l’AMO ou la PDO), par le réchauffement anthropique dû au CO2, ou par une combinaison de ces facteurs »). Cependant, une chose peut déjà être énoncée : le réchauffement des 20 dernières années a été causé davantage par le changement dans la nébulosité que par l’effet de serre classique.

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