par Frank Bosse
Article publié le 12 octobre 2024 sur le blog de Judith Curry. Traduit de l’anglais par la rédaction.
Une étude d’attribution des fortes précipitations qui se sont produit en Europe centrale en septembre 2024 révèle :
« Le changement combiné, attribuable au changement climatique d’origine humaine, se traduit par un doublement de la probabilité et une augmentation de 7 % de l’intensité . »
Ni l’analyse des tendances ni la comparaison modèle-observations ne soutiennent les conclusions de cette étude.
Le 11 septembre, des précipitations importantes ont touché certaines régions d’Autriche, de Pologne et de République tchèque. Les premières évaluations indiquent une valeur record de précipitations dans une vaste zone, résultat d’une « condition météorologique Vb », nommée d’après la classification historique des directions de trajectoire des champs de basse pression en Europe. [NDT Les « conditions météorologiques Vb » ont été décrites pour la première fois en 1891 par le météorologue allemand Wilhelm Jacob van Bebber, qui a catalogué les trajectoires typiques des systèmes de basse pression et les a étiquetées avec des chiffres romains ]. Dans une condition météorologique Vb, une zone de basse pression se dirige vers la mer Méditerranée , puis vers le nord-est et se termine généralement dans la région baltique de l’Europe. Une condition Vb est très souvent associée à de fortes pluies en Europe centrale et orientale et à des inondations, par exemple en 1997 (rivière Oder) et en 2002 (rivière Elbe).
Cependant, une « étude d’attribution » est parue quelques jours plus tard. Son message principal sur l’événement (cité dans les médias) était le suivant :
« Le changement combiné, attribuable au changement climatique d’origine humaine, se traduit par un doublement de la probabilité et une augmentation de 7 % de l’intensité . »
Pour évaluer la robustesse des conclusions de l’étude d’attribution, nous en avons téléchargé le texte intégral.
La classification météorologique de l’événement en question repose sur plusieurs caractéristiques de la dynamique atmosphérique. L’événement déclencheur a été une « épidémie arctique », qui impliquait également un déplacement extrême vers le nord de la zone de convergence intertropicale (ITCZ, intertropical convergence zone). Pour couronner le tout, il y avait un champ de haute pression stable et bloquant au nord de la zone en question, de sorte que la zone de précipitations était relativement stationnaire et ne pouvait pas se déplacer vers le nord en direction de la mer Baltique comme d’habitude.
La question clé est de savoir si l’élément thermodynamique (lié au réchauffement dû au « changement climatique ») contribuant aux événements décrits peut réellement être quantifié avec une certaine robustesse, comme cela a été affirmé dans l’étude d’attribution.
L’étude d’attribution décrit les analyses de tendance des données d’observation (E-Obs.) et des données de réanalyse observationnelle du modèle (météo) (ERA5) pour la période 1950-2023 (2024). Les données utilisées sont disponibles via le « KNMI Climate Explorer » permettant d’évaluer les chiffres. L’étude utilise l’ensemble de données GMST GISS pour décrire le lien entre les fortes pluies en Europe centrale et un monde plus chaud. L’étude d’attribution stipule :
« Tous les ensembles de données montrent des tendances similaires dans toute la région, avec des tendances à la hausse… » (voir section 3.1)
Le même ensemble de données est utilisé ici, mais la moyenne est calculée sur la zone européenne en question plutôt qu’à l’échelle mondiale. L’anomalie de température moyenne de 1950 à 2023 dans la région 20°O-25°E ; 35°N-65°N est illustrée ci-dessous. Cette région comprend plus de terres (qui se réchauffent plus rapidement que l’océan) que la fraction moyenne mondiale d’environ 30 % de terres.
Le graphique fait apparaître une observation qui n’est pas trop surprenante : de 1950 à 1981 environ, les températures n’ont pas augmenté. Le réchauffement anthropique, qui se manifeste dans les températures moyennes, a commencé vers 1981 et non vers 1950.
Pour calculer les tendances des précipitations « RX4days » (qui correspondent au cumul de 4 jours de précipitations), les données de l’ERA5 ont été recalculées pour la période 1950-2024 :
La tendance obtenue par la méthode des moindres carrés ordinaires (ordinary least square (OLS) ) sur la période 1950-2024 (bleu) est fortement positive (p = 0,025) comme l’indique l’étude d’attribution. Cependant, elle ne mentionne pas que la tendance est devenue insignifiante après la fin des années 1960 lorsqu’elle est calculée jusqu’en 2024. Si la tendance à la hausse de 1950 à 2024 était attribuable au « changement climatique induit par l’homme » après 1981, on ne s’attendrait PAS à ce que la pente de la tendance jusqu’en 2024 soit complètement insignifiante (p = 0,32) et pour 1981-2023 (noir), elle soit nulle. À la lumière de ces résultats, les tendances OLS jusqu’en 2024 pourraient davantage être le résultat d’une variabilité interne. Sur la période 1950-1981 sans réchauffement (voir Fig. 1), la pente de tendance la plus positive (orange) de RX4day était 2 fois plus raide qu’en 1981-2024, lorsque le réchauffement forcé a été observé.
L’étude évalue les modèles climatiques utilisés pour l’analyse d’attribution. De nombreux modèles appartiennent à la famille CMIP6. Il est bien connu que ces modèles rencontrent des difficultés importantes en matière de dynamique atmosphérique en raison de leur faible résolution. Le modèle Multi Model Mean ne montre aucune pertinence dans la zone d’étude (46°N- 52°N ; 11°E- 24°E) en ce qui concerne la corrélation spatiale modèle-observation (E-Obs.) pour les précipitations.
Une corrélation significative devrait être une condition préalable pour imputer le réchauffement anthropique simulé dans les modèles CMIP6 à un événement de précipitations extrêmes distinct basé sur des comparaisons de modèles avec le monde réel.
Dans le tableau 4.1 de l’étude d’attribution, les modèles ont été évalués, certains d’entre eux (seulement quelques-uns) ont été qualifiés de « bons » en ce qui concerne les précipitations. Le modèle « IPSL-CM6A-LR » a été qualifié de « raisonnable ». La corrélation spatiale 1950-2023 avec les observations E-OBS pendant les mois où des événements Vb ont été observés est présentée ci-dessous, également pour le « bon » modèle « EC Earth 3 », tous deux avec moins de 20 %, impossible à distinguer du bruit aléatoire :
Ni le modèle IPSL-CM6A-LR (à gauche) ni celui de EC Earth3 (à droite), qualifiés de « bons » dans l’étude, ne sont capables de corréler spatialement les précipitations avec le monde réel. Le modèle MPI-ESM1-2LR (« raisonnable » dans le tableau 4.1 de l’étude), mais non présenté ici, ne l’est pas non plus.
En définitive, il semble peu probable que l’on puisse attribuer un événement de précipitations extrêmes au changement climatique en utilisant les modèles CMIP6. Le réchauffement des océans est sans aucun doute une source d’évaporation accrue et également de précipitations plus abondantes, même si l’augmentation proportionnelle des précipitations avec le réchauffement ne représente qu’une fraction de l’augmentation de l’évaporation.
Cependant, l’influence de la dynamique de l’atmosphère est écrasante et entrave l’attribution d’événements météorologiques extrêmes uniques sur la base d’arguments thermodynamiques.
Conclusion
Après un examen plus approfondi, ni l’analyse des tendances ni la comparaison modèle-observation ne soutiennent les conclusions de l’étude d’attribution.
Le problème des études d’attribution peu fiables des événements météorologiques extrêmes ne se limite pas aux précipitations extrêmes. Comme l’explique cet article récent de Roger Pielke Jr, les études d’attribution pour tous les types d’événements météorologiques extrêmes sont en général très douteuses et semblent être entreprises davantage à des fins « politiques » que scientifiques.
Bonjour,
Merci pour cet article clair et compréhensible pour un non scientifique. Encore une fois, comme en Economie, une donnée ne fait pas une tendance, une observation à l’instant T, bien que réelle, ne fait pas une règle. C’est la répétition dans le temps qui permet d’en tirer une tendance. Or, ce n’est pas ici le cas. Comme pour les feux de forêt au Canada, comme pour les cyclones dans les caraïbes, etc… Petit bout de la lorgnette, quand tu nous tiens !!! Ou plutôt, quand tu tiens les médias !
En tout cas, continuez. Car il n’y a qu’ici, sur ce site et dans cette association, que les sources sont citées et facilement accessibles.
Sur les sites écologistes ou les articles de la plupart des médias, ce ne sont que grandes envolées et phrases tonitruantes, sans sources ni références précises. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !
Bonne journée.
Paradoxalement, c’est en automne que le réchauffement climatique atteint son paroxysme dans les médias. En effet, cette période de l”année est propice aux évènements climatiques extrêmes : cyclones tropicaux (baptisés typhons dans le Pacifique et ouragans dans l’Atlantique) mais aussi pluies intenses des régions méditerranéennes (“épisodes méditerranéens”, “coups de l’Ardèche”). En revanche, au niveau de l’équateur, c’est à dire là où la force de Coriolis est nulle, tout va bien . Ma petite-fille (26 ans) qui a travaillé dur tout l’été se dore en ce moment au soleil (au zénith) sur une plage de Bali.