Le salon du Bourget qui vient d’ouvrir ses portes nous donne l’occasion d’examiner les perspectives de l’avion à hydrogène.
En juin 2020, le gouvernement français avait annoncé un plan de soutien à l’aéronautique de 15 milliards d’euros, assorti d’une exigence : le lancement d’un avion « vert » fonctionnant à l’hydrogène d’ici 2035. Quelques mois plus tard, Airbus présentait trois concepts d’avion à hydrogène présentés comme une option « exceptionnellement prometteuse ».
Qu’en est-il vraiment ?
Pour situer les enjeux, rappelons que les émissions de CO2 de l’aviation civile représentaient environ 3 % des émissions mondiales totales (chiffres 2018).
Un préalable : produire de l’hydrogène vert
L’hydrogène est considéré comme un « vecteur énergétique » car il offre la possibilité après avoir été produit, d’être stocké, transporté et utilisé. L’énergie contenue dans l’hydrogène peut être récupérée par une pile à combustible qui produit de l’électricité. Le processus chimique ne rejetant que de l’eau, les véhicules équipés d’un tel dispositif permettent une mobilité sans émission de CO2.
La très grande majorité de l’hydrogène industriel est actuellement produite à partir de ressources fossiles. L’hydrogène produit dans ces conditions est dit « gris ». On parle d’hydrogène « bleu » lorsqu’il est fabriqué par des combustibles fossiles en y associant un dispositif de capture et de stockage du CO2. L’hydrogène « vert », celui qui nous intéresse dans le cadre d’une transition énergétique, est fabriqué avec de l’électricité renouvelable puis stocké pour une transformation ultérieure en électricité mais avec des pertes de rendement de l’ordre de 70% à 75%.
Le déploiement de la solution « hydrogène vert » suppose donc de bâtir une « filière hydrogène », qui n’existe ni en France, ni à l’étranger. La Cour des comptes qui a rédigé un rapport sur cette question estime que la construction de la filière pourrait s’appuyer sur des acteurs industriels n’appartenant pas encore à la filière aéronautique, tels qu’Ariane Group ou Air Liquide
Un défi technologique
Supposons réglé le problème de la production d’hydrogène vert, il reste à relever le défi de l’utilisation de l’hydrogène comme carburant en remplacement du kérosène.
Selon la Cour des comptes, la principale difficulté porte sur le stockage et la distribution de l’hydrogène à bord des avions, depuis les réservoirs jusqu’aux moteurs. Compte tenu des fortes contraintes de volume dans un avion, il est indispensable d’augmenter fortement la densité de l’hydrogène stocké à bord, notamment par sa liquéfaction qui doit être opérée à température très basse. En dépit de cette compression, le volume des réservoirs pourrait être trois à quatre fois supérieur à celui des réservoirs de kérosène actuel, ce qui implique de nouvelles configurations d’avions. L’avion « hydrogène » suppose donc de repenser l’architecture de l’avion de transport de passagers, qui n’a pas évolué en profondeur depuis les années 1940. Le stockage comme l’avitaillement en hydrogène appellent par ailleurs une vigilance particulière en matière de sécurité. Dès lors, de nouvelles infrastructures logistiques aéroportuaires seraient nécessaires, tandis que de nouveaux systèmes de surveillance et régulation devront être prévus à bord des aéronefs.
Eric Dautriat, ancien directeur des lanceurs du CNES, prend pour exemple un A320 qui contient 23 tonnes de kérosène. Il suffirait théoriquement de 9 tonnes d’hydrogène pour disposer de la même quantité d’énergie. Mais il est impossible d’embarquer l’hydrogène à pression atmosphérique et température ambiantes car ce gaz occupe un volume huit fois plus important que le kérosène ; il doit donc être comprimé, et rendu liquide pour augmenter sa densité énergétique et pour cela il faut porter sa température à -253°C. Le volume d’hydrogène qui doit être embarqué est donc tel qu’il faut redessiner complètement les avions. Les avions de forme classique devraient donc être fortement allongés pour loger l’hydrogène dans le fuselage, à l’arrière de la cabine.
Le remplissage des réservoirs d’hydrogène est une autre difficulté. Il faut d’abord liquéfier l’hydrogène, une opération coûteuse et énergivore, puis assurer son transport à l’état liquide jusqu’aux aéroports ce qui n’est pas envisageable en wagons (un 38 tonnes ne transporte que 4 tonnes d’hydrogène liquide). Selon Eric Dautriat « on pourrait livrer l’hydrogène comprimé par pipe-lines, ou le produire par électrolyse et le liquéfier sur place, à l’aéroport. Puis remplir les réservoirs lentement en conservant cette température incroyablement basse, une opération qui devrait se faire à l’écart du public et à l’air libre, car toute fuite en espace clos représente un risque majeur, l’hydrogène étant susceptible d’exploser à de faibles concentrations ».
Les patrons de l’aéronautique n’y croient pas
« L’Europe croit à l’avion hydrogène, moi, je n’y crois pas », a déclaré Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, lors d’une interview accordée à l’Usine Nouvelle. Idem pour le patron de Safran, qui a fait part de ses réserves en novembre 2022 (lors des Assises de l’industrie organisées par L’Usine Nouvelle).
Airbus a précisé sa stratégie à l’occasion du salon du Bourget : mettre en route un nouveau programme pour succéder à la famille A320, entrée en service à la fin des années 80, entre 2035 et 2040. L’avionneur affirme vouloir maintenir en parallèle son objectif de mise sur le marché d’un avion à hydrogène en 2035. Une stratégie que l’avionneur a clarifiée à l’occasion d’une rencontre avec la presse, organisée à la veille du salon aéronautique du Bourget. Interrogé par aviation week Guillaume Faury, PDG d’Airbus a déclaré : « Nous sommes absolument convaincus que l’hydrogène aura un rôle important à jouer dès les avions court et moyen-courriers… L’hydrogène est l’hydrogène. Nous y croyons. Nous continuons à travailler dessus et nous le mettrons sur le marché. » On le voit, le PDG d’Airbus n’y croit que du bout des lèvres; même s’il affirme présenter au salon du Bourget des avancées décisives dans la mise au point de son futur avion à hydrogène. « Avec le travail que nous avons déjà accompli, je suis très confiant dans le fait de parvenir à mettre cet avion en service en 2035 » a indiqué Glenn Llewellyn, responsable du programme d’avion à hydrogène ZEROe, lancé en 2020.
Le carburant durable, nouvelle panacée
Personne ne semblant croire à l’avion à hydrogène, on se tourne vers la fabrication de nouveaux carburants utilisables par les moteurs existants mais avec des émissions de CO2 drastiquement réduites.
Le SAF (Sustainable aviation fuel) est un carburant liquide censé réduire les émissions de CO2 de 80 %. Il peut être produit à partir de diverses sources, notamment les huiles et graisses usagées, les déchets verts et les cultures non alimentaires. Il peut aussi être produit synthétiquement via un procédé qui capte le carbone directement de l’air. Le SAF est dit « durable » parce que la matière première brute n’entre pas en concurrence avec les cultures vivrières ou l’approvisionnement et ne génère pas de déforestations.
Problème, le SAF est nettement plus cher que le kérosène et le restera dans un avenir prévisible. Aux Etats-Unis, bien que beaucoup moins cher qu’en Europe, il est 30 à 100 % plus cher que le kérosène.
Après plusieurs échecs, le Parlement européen, la Commission et le Conseil vont tenter à nouveau de se mettre d’accord sur l’initiative « RefuelEU Aviation » afin de lancer une filière européenne du SAF. Mais encore faut-il pour cela que France et Allemagne s’accordent, notamment sur la taxonomie du nucléaire.
Conclusion
L’avion propulsé par hydrogène est une chimère, et on s’interroge sur l’opportunité d’investir des milliards dans l’amélioration d’une technologie pour le moins problématique.
Une part importante de la recherche et de l’innovation actuelles porte sur la réduction de la consommation de carburant par l’amélioration de l’aérodynamique, la réduction de la masse avec l’utilisation des matériaux composites, l’électrification des appareils, l’optimisation de la consommation en vol, ou encore le recours à des moteurs plus efficaces.
“car ce gaz occupe un volume huit fois plus important que le kérosène”
Je ne comprends pas votre calcul :
1 m3 de kérosène = 800 kg, 1 m3 d’H2 gazeux = 85 grammes. C’est là tout le problème de l’H2 gazeux.
1 m3 d’H2 liquéfié ayant une masse de 71 kg, l’embarquement de 9 tonnes correspond à un volume de 126 m3 alors qu’embarquer 23 tonnes de kérosène demande 29 m3.
Si on embarque de l’H2 liquide, il faut des réservoirs avec des calorifugeages énormes, dont l’encombrement est rédhibitoire.
Les lois de la physique étant ce qu’elles sont, il est peu probable de voir voler autre chose que des concepts.
Si on voulait être certain de la sincérité des industriels qui croient dur comme fer à cette filière, il suffirait de débrancher la pompe à subventions…
Il n’y à pas que les problèmes que vous mentionnez, permettez-moi d’en rajouter quelques uns :
l’hydrogène n’est pas stockable à l’état pur ; composé d’un proton et d’un électron, il est tellement fin que rien ne l’empêche de fuir.
L’hydrogène n’est pas liquéfiable, même au zéro absolu, il devient alors ‘superfluide’, avec les propriétés uniques qui vont avec. Avoir réussi à s’en servir comme carburant pour nos fusées est un exploit en soi.
Un moteur à hydrogène ne peut être ‘propre’ que si on utilise de l’oxygène pur comme comburant ; si on veut le mélanger avec de l’air le rendement sera plus faible et polluant. Donc pas utilisable en moteurs atmosphériques.
Pour finir ma courte intervention sachez que le pétrole n’est pas organique mais un minéral, et que c’est la substance la plus répendue sur terre après l’eau. Donc son vrai prix devrait être celui en usage dans les pétromonarchies, très faible.
Cordialement.
A vue de nez, 1 m3 d’hydrogène contient autant d’énergie que 1 m3 de kérozène. Donc l’hydrogène présente l’avantage net de peser environ 10 fois moins lourd.
Reste certes l’isolation qui doit être très performante sous un volume acceptable.
Sauf qu un m3 de kérosène degage 14 fois plus de calorie qu un m3 d hydrogène
Pour la réduction de poids, il ne reste que l’avion en papier plié, mais il va falloir raser les forêts pour le papier. Pour l’approvisionnement en huiles usagées, il va falloir rendre obligatoires les menus à base de frites. Pas bon pour la sécu avec les problèmes du surpoids des consommateurs de frites. Et planter des arachides à grande échelle. Oui, parce qu’il suffit de jeter un coup d’oeil sur Flight Radar 24 pour voir le nombre d’avions en vol, ça va cuber en huile usagée.
Vous avez raison :
Il circule dans ma ville tous les matins un camion roulant à l’huile de friture usagée.
C’est un 15 tonnes. Il se dit qu’il consomme le double ou le trible en quantité que son équivalent diesel, il nécessite un adjuvant toxique pour servir de carburant et le pilote dit que l’engin n’a pas beaucoup de reprise. Il laisse derrière lui une odeur d’huile rance brulée …
Bon, vous voulez encore de ce carburant ?
Ce tropisme “carbocentré” était déjà une aberration, cela devient une folie…
Des 3 projets présentés par Airbus (et d’autres), seul le court-courrier serait réaliste mais avec un haut niveau de risque quant au stockage à basse température du carburant, et quant à la gestion de turbine à gaz dont le fonctionnement, notamment à haute altitude, est bien plus délicat qu’une injection d’hydrocarbure. Sauf à vouloir baisser sensiblement les standards de sécurité, cet avion restera à l’état de prototype.
Le 3ème, l’aile volante, est un vieux serpent de mer aéronautique étudié depuis 100 ans. Cette forme est intéressante d’un point de vue écoulement des fluides, mais très très instable. Il faut une bardé de capteurs et d’UC pour que l’avion en question puisse voler, indépendamment de son carburant ! A la moindre panne électronique / informatique, l’engin est non-pilotable manuellement… Enfin, le moyen courrier se fonde sur une cellule standard mais propulsée par des turboreact au gaz, même pb que pour le court-courrier, avec en plus un ratio emport carburant / volume pax qui se complique…
Bref, tout cela n’est que de la communication.
Jacques
Ingénieur en aéronautique
Signataire Clintel
https://www.youtube.com/watch?v=QvpqTRN9kHE
Le moteur à mouvement magnétique, d’après vous, ça peut marcher ? En aéronautique, comme pour tout véhicule terrestre ou marin ?
N’étant pas du tout spécialisé en énergie ou en climatologie, je ne peux que donner une opinioin personnelle, que vous allez vite démentir ….. Et peut-être approuver !?!?
Le moteur en question peut fournir de l’énergie à l’infini, mais avec une si faible puissance, qu’elle ne pourra jamais faire avancer un quelconque véhicule !
Inutile de philosopher sur cette opinion d’un quidam ignorant. Mais je me permets quand même de vous la soumettre, au nom la défunte liberté d’expression !
Energétiquement vôtre. JEAN
@Jean,
Cher monsieur,
J’avoue ne jamais avoir vu un tel prototype de moteur fonctionner. D’après ce que j’en comprends, le principe sur un faible couple est probablement faisable, mais en ce qui concerne l’entraînement d’une turbine ou d’une hélice, je n’y crois pas. Autre point qui serait à étudier, c’est le moyen de variation de puissance d’un tel moteur ?
Basiquement je vous dirai que si le XXe siècle qui a connu la plus forte croissance technique de toute l’histoire de l’humanité est arrivé naturellement aux moteurs thermiques, c’est que ce moyen de produire de l’énergie s’est avéré le plus simple et le plus fiable au cours des décennies. Le moteur électrique existe depuis 100 ans, il a équipé pas mal de véhicules au début du XXe. Mais le moteur thermique l’a “pulvérisé” sur presque tous les domaines d’applications. Son retour peut s’entendre aujourd’hui pour des voitures ou motos, avec les restrictions que nous connaissons et qui ne seront pas levées de si tôt. Mais aucunement pour les avions…
Jacques
Bien vu pour l’altitude : en haute altitude le volume de l’hydrogène va se multiplier par au moins un facteur de 5, se qui le rendrai encore moins performant et plus dangereux.
Il semble que l’hydrogène est une ressource naturelle potentiellement abondante.
On pourrait également tirer partie de sa légèreté pour décoller aisément (dirigeable).
J’imagine une sorte de sphère expansible, pleine d’hydrogène.
La sphère déployée, et la poussee d’archimède fait décoler l’avion. En mode vol, la sphère se rétracterait, compressant l’hydrogène et améliorant l’aérodynamique.
Les distances parcourues ne seraient peut-être pas aussi grandes, mais les vols seraient plus doux a nos oreilles.
@Florentis
Et vous allez le refroidir puis le comprimer comment, l’hydrogène, pour rétracter la sphère ? Quelle source d’énergie pour alimenter un compresseur embarqué à bord d’un aéronef ?
L’hydrogène est effectivement l’élément le plus abondant dans l’univers, mais pas forcément sur notre petite planète. Et pas forcément si facile à utiliser. Sinon, on le ferait depuis longtemps.
Les ingénieurs des générations précédentes n’étaient pas des idiots.
Pour l’instant, la “décarbonation” de l’économie, et surtout les solutions préconisées, sont la pire idiotie de l’Humanité depuis la fin de la doctrine du géocentrisme.
On est pas sortis de l’auberge.
Le SAF semble la meilleure solution et il existe déjà, ça n’est donc pas une chimère
il faut continuer à travailler sur les moteurs, sur la carlingue, c’est ce qui a été fait , c’est ce que l’on fait, c’est ce que l’on fera …. et les résultats sont au rendez-vous, preuve que ça marche
L’avion est la plus belle invention de l’Homme et dans 100 ou 1000 ans, il volera toujours…n’en déplaise à Jancovici qui, avec sa doctrine (“4 vols ou en enterrement”) s’est totalement décrédibilisé et ridiculisé!
M. Jancovici est un petit malin qui a su pleinement tirer profit de l’humeur du siècle. Sa société Carbon 4, qui s’appelle Carbon 4 Finances (registre du commerce), lui rapporte de quoi le mettre lui et sa famille pour quelques générations à l’abri du besoin… Sans parler des livres et autres conférences…Tant mieux pour lui.
Je pense qu’il sait parfaitement que le C02 n’a aucun rôle, mais s’il le dit tout son business s’écroule !
je rappelle que la dernière fois qu’on a utilisé de l’hydrogène pour voler , pas comme énergie de propulsion certes, c’était pour faire voler des dirigeables dans les années 30 . On a vu comment l’aventure s’est terminée avec le Hindenburg a New York. Alors certes, la technologie a beaucoup progressé , mais il faudrait me payer cher pour embarquer dans un avion de ligne propulsé a l’hydrogène
Je pense que le concept d’un avion propulsé à l’hydrogène est tout à fait envisageable et facilement réalisable techniquement , à condition que cet avion n’emporte ni passagers ni charge utile, seulement un pilote et à la rigueur un co-pilote, tous les deux étant couverts par une forte assurance-vie payée par leur compagnie.
L’explosion en vol de la navette Challenger fut tout aussi spectaculaire que l’embrasement du dirigeable Hindenburg. Et là aussi l’hydrogène était à l’oeuvre…
Les explosions sur le pas de tir ou en vol de lanceurs spatiaux propulsés à l’hydrogène ne se comptent plus depuis les années 60 où les premiers tirs ont commencé.
Si l’on extrapolait en pourcentage le nombre de ces “incidents” qui se sont conclus par la perte totale des lanceurs, aux nombre de vols aériens commerciaux ou privés, plusieurs milliers tous les jours dans le monde, dans l’hypothèse où toute l’aviation civile serait convertie à l’hydrogène, je crains que le nombre de victimes ne dépasse largement la centaine par JOUR !!!
Cela signerait à brève échéance la fin des transports aériens, pour la plus grande satisfaction de certains écoloextrémistes.