La transition énergétique dans le rétroviseur

par Rémy Prud’homme.

La transition énergétique, qui vise en fait principalement la production d’électricité, est en marche depuis plusieurs années. En quoi consiste-t-elle, et que signifie-t-elle ? Pour le savoir, on a comparé la structure de cette production entre 2015 – l’année de la révolutionnaire COP 21 – et 2019. Entre ces deux dates, la production totale a légèrement diminué (-9 TWh, soit -1,6%). La transition implique un changement dans la structure de cette production. En 2015, elle repose sur quatre piliers : le nucléaire (77%), l’hydraulique (11%), les renouvelables intermittents, (l’éolien et le solaire : 7%), et le thermique fossile (charbon, fioul et gaz : 6%). La politique poursuivie visait explicitement à augmenter fortement le poids des intermittents et à réduire également fortement celui du thermique, afin de réduire les rejets de CO2 du système électrique, qui étaient d’ailleurs parmi les plus faibles d’Europe (au kWh). Cet objectif a-t-il été atteint ?

L’importance de l’hydraulique, cette électricité bien sous tous rapports (bon marché car les barrages sont amortis depuis longtemps, sans rejets de CO2, sans importations, facilement pilotable) est restée la même. Les changements concernent donc les trois autres sources.

Le poids des renouvelables intermittents a bien augmenté : d’environ +8 TWh. Ces renouvelables ont été lourdement subventionnés, à hauteur d’une vingtaine de milliards sur ces quatre années, par l’intermédiaire d’une taxe, la CSPE, qui figure dans nos factures d’électricité. Cette augmentation est due à l’éolien, car le poids du photovoltaïque a, bizarrement, diminué. 

Cette augmentation souhaitée devait contribuer à réduire le poids de l’électricité thermique, fortement productrice de CO2 . Il n’en a rien été. La production d’électricité thermique a au contraire progressé, de +9 TWh, autant que la production de renouvelable. Il y a un lien de causalité dans cette corrélation. Plus il y a de renouvelable, et plus il faut avoir de thermique. L’électricité renouvelable est intermittente : elle n’est produite que lorsqu’il y a du vent et/ou du soleil. Lorsqu’il n’y en a pas, mais qu’il y a des gens qui ont envie de regarder la télévision ou des usines qui ont besoin d’électricité – ce qui arrive assez souvent – il faut vite mettre en marche des centrales thermiques.

A l’intérieur du thermique, il y a eu une forte diminution de charbon et du fioul (-8 TWh), et une plus forte encore augmentation du gaz (+17 TWh). Le gaz, importé en totalité, est le grand gagnant de la transition constatée ; on comprend que les vendeurs de gaz soient de fervents défenseurs de la « transition » dite écologique. Le gaz émet (au kWh) à peu près deux fois moins de CO2 que le charbon et le fioul. Au total, le thermique de 2019 rejette donc à peu près autant de CO2 que le thermique de 2015.

Le poids du nucléaire a fortement diminué (-37 TWh, soit presque 10% de la production de 2015). Cette réduction est la conséquence logique la diminution de la production totale (-9 TWh) combinée avec l’augmentation des renouvelables (+8 TWh) et du thermique (+9 TWh). Les renouvelables intermittents jouissent de la priorité d’accès au réseau : s’ils produisent davantage, il faut bien que les autres sources s’effacent et diminuent leur production. Quelles autres sources ? Pas l’hydraulique, qui ne coûte presque rien. Pas non plus le thermique, dont on a besoin pour pallier les à-coups de l’intermittent. Reste le nucléaire. C’est bien ce que l’on a observé.

Cette diminution a de fâcheuses conséquences sur le coût de l’électricité produite en France. Elle implique le remplacement d’une électricité nucléaire bon marché (on parle ici de l’électricité des centrales existantes, pas de celle des centrales futures) par une électricité renouvelable au moins cinq fois plus chère (on se réfère à l’électricité des centrales éoliennes et solaires existantes, pas de celle de demain). Elle contribue aussi à augmenter le coût unitaire de l’électricité nucléaire, puisque ses coûts fixes sont divisés par un plus petit nombre de TWh produits. Cela explique largement pourquoi nos factures d’électricité ont augmenté.

Bien entendu, on ne conduit pas une politique en regardant uniquement le rétroviseur. Mais la connaissance du passé, surtout récent, n’est pas non plus inutile pour préparer, plutôt que rêver, l’avenir.

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