Le 23 août 2018 la NASA a publié un article intitulé « Le monde est en feu » illustré par une spectaculaire photo satellite sur laquelle apparaissent les zones rouges désignant les feux actifs.
Antony Watt a relayé cet article sur son site le jour même mais sans le commenter. Ci-dessous une traduction de l’article de la NASA :
« L’Afrique semble contenir la zone incendiée la plus dense probablement à cause des feux agricoles : l’emplacement, la concentration et le nombre de feux suggèrent que ces incendies ont été délibérément allumés par les agriculteurs qui utilisent souvent ce moyen pour enrichir le sol de nutriments et pour le nettoyer des mauvaises herbes.
Ailleurs, les incendies sont pour la plupart des incendies de forêt. Le Chili a connu cette année un nombre effarant de feux de forêt qui, selon une étude de la Montana State University sont dus d’une part à la faible humidité, aux vents violents aux températures extrêmes (les mêmes facteurs qui ont contribué aux incendies dans le centre des États-Unis) et d’autre part au fait qu’une grande partie des forêts indigènes ont été converties en plantations d’arbres plus inflammables (pins et d’eucalyptus) pour approvisionner les usines de pâte à papier.
Au Brésil, les incendies sont à la fois des incendies de forêt et des incendies artificiels destinés à éliminer les champs de culture de détritus de la dernière période de croissance. Les incendies sont également couramment utilisés pendant la période sèche du Brésil pour déboiser les terres destinées à l’élevage du bétail ou pour d’autres fins agricoles ou d’extraction. Le problème avec ces incendies est qu’ils deviennent rapidement incontrôlables en raison du climat. Les conditions chaudes et sèches associées aux vents entraînent les incendies loin de la zone ou ils ont pris naissance. Le site Global Fire Watch a permis de détecter 30 964 alertes incendie entre le 15 et le 22 août.
En Australie on trouve de grands feux de brousse dans les zones les plus reculées. Des étés plus chauds et plus secs se traduisent par des saisons de feu plus longues et l’étalement urbain dans les zones de brousse met davantage de personnes en danger lorsque ces incendies se déclarent. Dans de vastes zones au nord et à l’ouest, la saison des feux de brousse a été prolongée de deux mois (jusqu’en août) soit en plein hiver, qui a commencé officiellement le 1er juin. Selon le Bureau australien de météorologie, la période de janvier à juillet 2018 a été la plus chaude depuis 1910. Le climat continuant de changer provoquant plus de chaleur et de sécheresse, les feux de brousse se déclarent en plus grand nombre ».
Tout est dans le pixel
Le 24 août un rédacteur du site WUWT a publié un article intitulé « un monde en feu, tout est dans l’image », dans lequel il prend l’exemple de l’île d’Hispaniola (où se trouvent Haïti et la république Dominicaine) pour montrer qu’il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces photos satellites. En effet chaque feu figurant sur l’image doit avoir une taille incompressible d’au moins un pixel. Ainsi, lorsqu’une vue du monde entier est présentée, chaque petit champ en train de brûler nécessite un pixel rouge vif. Lorsque l’on zoome sur une petite région à l’échelle de la planète (comme par exemple l’île d’Hispaniola), l’impression rendue est celle d’une large zone en feu, comme le montre la photo suivante :
Un plan rapproché de l’île d’Hispaniola, fait apparaître de façon plus réaliste le nombre et l’étendue des incendies (cerclés en blanc pour les rendre visibles).
Août est la période pendant laquelle on brûle puis on récolte les champs de canne à sucre : voilà pourquoi sur la photo satellite du monde quelques dizaines de champs de cannes en feu en République dominicaine paraissent couvrir complètement l’île d’Hispaniola.
Les feux de forêt se multiplient t-ils sous l’effet du réchauffement climatique comme le suggère implicitement la NASA ? Rien n’est moins sûr si l’on prend la peine d’analyser les données.
Nous nous sommes concentrés dans cet article sur les statistiques disponibles sur les feux en Californie et en Europe.
Pas d’évolution significative en Californie, sur une période de 17 ans
Les trois graphiques ci-dessous établis à l’aide des statistiques fournies l’agence américaine National Interagency Fire Center montrent l’évolution du nombre d’hectares brûlés (Fig.1), celle du nombre d’incendies (Fig. 2) et enfin celle du nombre moyen d’hectares brûlés par événement (Fig. 3) en Californie entre 2000 et 2017.
Ces données font apparaître une stabilité du nombre de feux sur une période de 17 ans superposée à une grande variabilité inter annuelle. Si les superficies brûlées marquent une légère augmentation sur la période, c’est notamment à cause des pics des années 2007 et 2008 (sans préjuger du bilan 2018).
Fig. 1 Nombre d’hectares brûlés (2000-2017) en Californie. source National Interagency Fire Center (https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_California_wildfires)
Fig. 2 Nombre de feux en Californie (2000-2017). Source: National Interagency Fire Center (https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_California_wildfires)
Fig. 3 Nombre d’hectares brûlés par événement en Californie (2000-2017). Source: National Inte ragency Fire Center (https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_California_wildfires)
En Europe, les feux sont en diminution constante
Le rapport annuel de l’EFFIS (European Forest Fire Information System) fournit les statistiques pour 40 pays (dont les 25 de l’Union Européenne). Nous avons analysé les données relatives aux 5 pays Européens les plus exposés aux feux (Portugal, Espagne, France, Italie, Grèce).
Le tableau ci-dessous établi à l’aide de ces statistiques montre une diminution constante des surfaces annuelles brûlées. Le nombre de feux, après avoir augmenté est en régression continue depuis 1996.
Nombre de feux, Surfaces brûlées (ha), Surfaces brûlées par feu (ha) pour 5 pays d’Europe- moyenne par période. Sources : EFFIS (European Forest Fire Information System)
Les trois graphiques ci-dessous montrent l’évolution du nombre d’hectares brûlés (Fig.4), celle du nombre d’incendies (Fig. 5) et enfin celle du nombre moyen d’hectares brûlés par événement (Fig. 5) en pour les 5 pays européens entre 1980 et 2016.
Fig 4 Surfaces brûlées (Ha) pour 5 pays d’Europe- Evolution 1980 – 2016. Sources : EFFIS
Fig 5 Nombre de feux pour 5 pays d’Europe- Evolution 1980 – 2016. Source : EFFIS
Fig 6 Surfaces brûlées par événement (Ha) pour 5 pays d’Europe- Evolution 1980 – 2016. Source : EFFIS
Les 2 graphiques ci-dessous qui superposent les courbes des 5 pays fait apparaître que l’Espagne et le Portugal ont le taux de sinistralité le plus important, bien au dessus de la Grèce.
A propos de la Suède
La Suède a fait face cet été à des feux de forêts particulièrement violents, une conséquence du réchauffement climatique préfigurant ce qui attend l’Europe selon Jean Jouzel. Or les statistiques ne montrent aucune tendance à l’augmentation du nombre ni de l’intensité des feux de forêt en Suède.
Ceci apparaît clairement à le lecture des trois graphiques ci-dessous (extraits du rapport EFFIS) montrant respectivement les surfaces brûlées (a), le nombre de feux (b), la surface moyenne brûlée par incendie (c) entre 1998 et 2014. Le pic de 2014 correspond à l’incendie de Västmanland qui a brûlé 15 000 hectares.
Le réchauffement climatique abusivement mis en cause.
La fréquence des feux de forêt varie fortement d’une année sur l’autre et dépend de nombreux facteurs, y compris humains. La diminution de la superficie moyenne peut résulter de l’amélioration des moyens de lutte contre les incendies. La propagation d’un feu de forêt dépend principalement de la force et de la direction du vent qui sont sans lien avec le changement climatique.
Les causes naturelles (généralement la foudre) sont ultra minoritaires, représentant moins de 10 % des départs de feu. C’est l’imprudence et la malveillance qui sont les grandes responsables des feux de forêt, comme le montre le graphique ci-dessous :
Source : Prevention-incendie-foret
L’urbanisation, l’expansion des forêts et la déprise agricole augmentent les zones de contacts entre les milieux urbanisés et les espaces naturels sensibles aggravant le risque d’incendies.
Enfin, de nombreuses études[1] ont mis en évidence une relation entre les feux de forêt aux États-Unis et les phénomènes océaniques cycliques du type El Nino.
Même Météo-France admet qu’il serait hasardeux d’attribuer au changement climatique une recrudescence des feux de forêts.
[1] Relations between El Nino/Southern Oscillation anomalies and wildland fire activity in the United States (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0168192385900012
ENSO and PDO variability affect drought-induced fire occurrence in Rocky Mountain subalpine forests (https://www.researchgate.net/publication/234017345_ENSO_and_PDO_variability_affect_drought-induced_fire_occurrence_in_Rocky_Mountain_subalpine_forests)
Drought and PDO linked to fire occurrence in the inland pacific Norwest (http://pages.geo.wvu.edu/~ahessl/document%20files/Hessl%20et%20al%20EA%202004.pdf)
Interannual to decadal changes in extreme fire weather event frequencies across the southwestern United States (https://www.ltrr.arizona.edu/~ellisqm/outgoing/fire%20and%20monsoon/lit/SW_inst_fire_climate/Crimmins_2010_sw_fire_climate.pdf)
Improved Understanding of Climate-fi re Relationships Along North America’s Pacific Coast (https://www.firescience.gov/projects/briefs/03-1-1-22_FSBrief136.pdf)
Contingent Pacific–Atlantic Ocean influence on multicentury wildfire synchrony over western North America (http://www.pnas.org/content/104/2/543)