Que dirait-on d’un conseil d’administration qui, devant statuer sur une éventuelle modification des statuts de l’organisation dont elle a la charge, se contenterait d’un quorum de 13,5 % ? On en dirait sans doute que ses membres ne montrent pas un grand sérieux, ou alors que la modification annoncée n’est sûrement que superficielle ou cosmétique. En l’occurrence, ces 13,5 % représentent la proportion de nos députés qui, le 10 mars, ont daigné participer au vote ouvrant la voie à rien de moins qu’une modification de notre Constitution. Il s’agit d’ajouter, à l’article premier de cette dernière, la phrase : « [La France] garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. » Cet ajout étant explicitement destiné à faire de l’environnement « le combat du siècle » (selon les termes pompeux de l’exposé des motifs), il semble qu’il ne s’agisse pas là d’une modification superficielle ou cosmétique.
Quantité d’observateurs raisonnables ont souligné l’aberration du choix du verbe « garantir », véritable hérésie juridique qui témoigne de la démagogie d’Emmanuel Macron piégé par son engagement de « reprendre sans filtre » les propositions d’une convention dite citoyenne instrumentalisée de bout en bout. Sur ce dernier point, l’exposé des motifs ne se donne d’ailleurs même pas la peine de faire semblant du contraire, évoquant en toute décontraction les « 150 Françaises et Français tirés au sort pour proposer des mesures ambitieuses de réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre ». (Eh oui, les orientations de la convention étaient préétablies. Ça vous étonne ?)
L’exposé des motifs commence par parler de « changement climatique » pour finir par évoquer le « réchauffement climatique », imaginant sans doute que ces termes sont synonymes de ce « dérèglement climatique » qui doit faire son entrée dans la loi fondamentale. Les nuances considérables entre ces trois expressions sont pourtant de celles qu’il convient de peser au trébuchet, s’agissant d’une réforme constitutionnelle.
Parler de « réchauffement climatique », c’est parler de quelque chose de mesurable. L’on s’accorde à penser qu’il se produit effectivement depuis un siècle et demi. Il s’agit d’un réchauffement modéré, d’environ un degré, qui connaît d’ailleurs diverses fluctuations dont on parle volontiers quand elles sont haussières mais que l’on tait prudemment lorsqu’elles ne vont pas dans le sens du pire (sans compter que ces fluctuations sont bien difficiles à faire entrer dans le schéma simpliste de la culpabilité humaine). On peut certes débattre des incertitudes sur l’amplitude réelle de ce réchauffement, sur les origines de celui-ci ou encore sur l’évaluation de ses effets. Toutefois, quel que soit l’avis que l’on défende sur ces sujets, l’expression de « réchauffement » est incontestablement de nature scientifique, c’est-à-dire qu’elle peut être soumise à une analyse rationnelle.
« Changement climatique » est une dénomination beaucoup plus contestable, car avec elle les vagues de froid deviennent tout aussi bien que les vagues de chaleur des « preuves » que tout va mal à cause de méchants humains (occidentaux, bien entendu). Il ne s’agit pas d’un énoncé scientifique mais d’un slogan de communication, qui permet d’avoir raison indépendamment des faits et n’est donc pas autre chose que de la pseudoscience.
Quant à l’expression de « dérèglement climatique », celle-là même qui pourrait prochainement figurer dans notre Constitution, elle est de loin la pire des trois. Suggérant l’existence passée d’un âge d’or climatique qui n’a bien entendu jamais existé (les terribles vagues de froid de l’époque du Roi Soleil firent en France une quantité de victimes bien plus effrayante que le covid), elle est fondamentalement de nature mythique ou religieuse. Elle nous place donc résolument sur le terrain de l’antiscience.
Il ne manque pas d’ironie que, à une époque où la laïcité est sur toutes les lèvres, nos députés (un peu moins de 13,5 % d’entre eux, donc, pour être plus précis) acceptent sans même s’en apercevoir de faire glisser notre régime politique vers les prémices d’une théocratie païenne.
L’organisation d’un référendum sur cette modification de la Constitution est envisagée pour l’automne. On pourrait s’en étonner en songeant que les élections régionales, elles, ont été repoussées de trois mois en raison de la pandémie, mais quand il est question de sauver la planète toutes les schizophrénies sont permises. Peut-être faut-il y voir une version modernisée de la foi de jadis selon laquelle l’imposition des mains du souverain guérit les écrouelles.
(Tribune publiée dans Valeurs Actuelles.)
Desespérant ! Que peut l’argumentation de Benoit Rittaud, les arguments scientifiques contre cette somme de bêtise humaine qui déferle ? Alliance objective de démagogie politique, d’errances irrationnelles de gauchistes égarés, de veulerie ou de suivisme de la presse, toutes composantes qui nous mènent droit dans le mur économique. Tout juste peut-on espérer qu’un peu de raison collective revienne si un référendum est réellement organisé.
Cela sent furieusement la fin de siècle.
Consternant mais prévisible. Nous somme dans une société ayant complètement basculé dans le nominalisme, en foi de quoi les mots ont maintenant plus d’importance que les faits et les chiffres.
@Serge
“”””””””Cela sent furieusement la fin de siècle.”””””
Il ne fait que commencer ; je regrette d’être vieux et de ne pas pouvoir assister à sa fin ; dommage qu’il n’y ait pas de smilies
@scaletrans
NOMILANNIMALISME
Merci de nous apprendre ces nouveaux languages ; mais je pense qu’avec la fin du pétrole les gens remettront les pieds sur terre et les mains dans les outils de jardiniers
Je partage les arguments de Benoît Rittaud sur l’incroyable démagogie de cette affaire.
Je voudrais y ajouter une remarque sur la menace que fait peser sur la démocratie l’inscription dans la constitution de priorités politiques de la majorité du moment.
La constitution a pour objet d’organiser les pouvoirs publics et le fonctionnement de la démocratie.
Elle stipule que le gouvernement définit et met en œuvre les politiques de la nation.
La lutte contre le dérèglement (ou réchauffement ou changement ?) climatique est un objectif politique, par nature lié aux circonstances, à une époque et à une majorité, comme ce fut le cas pour les nationalisations en 1981, puis les privatisations des mêmes entreprises en 1986.
Inscrire une politique dans la constitution ne peut avoir pour but que d’interdire à une future majorité de revenir sur cette politique.
C’est donc un déni de démocratie.
Si on inscrit un jour cet article supplémentaire dans la Constitution, cela veut dire qu’une future majorité ou un autre référendum pourra le défaire en le modifiant ou en le supprimant.
Restons optimistes, d’autant que le risque pour Macron est grand que ce référendum se transforme en un référendum pour ou contre lui et sa politique.
J’espère que le Sénat bloquera cette folie.
Et sinon, que le peuple Français aura le bon sens de voter contre.
Ce ne serait pas la première fois que le résultat d’un référendum serait différent des sondages d’opinion et mettrait en échec la démagogie des politiques (cf. le Brexit et le traité constitutionnel de l’UE en 2005)
J’y connais rien en matière juridique mais j’imagine que ça risque d’être une boîte de pandor . N’importe qui pourra attaquer la France pour non respect de ses engagements constitutionnels . Mais aussi , tout contestataire pourra être poursuivi pour mise en danger de la République . Aucun parti politique ne semble ruer dans les brancards , sont-ils tous complices ? Sont-ils tous des lâches ?
@joel
“”””””J’y connais rien en matière juridique””””””
Moi non plus ; mais cela fera travailler les juristes et les avocats
Toute cette histoire de lutte contre le CO2 n’a qu’un seul but : l’esclavage par la dette
C’est la seul explication possibe
Les délires collectifs sont les plus dangereux , en l’occurrence celui là atteint des sommets de bêtise et de ridicule. Le ridicule ne tue pas on se surprend parfois à le regretter.