Par Daniel Godet, cadre de banque retraité.
Article initialement publié dans France Soir le 21 mars 2025
Qui n’a pas entendu parler de la ‘Fresque du Climat’ parmi les organisations d’une certaine taille (entreprises, administrations, etc.) ? Dans de grands groupes, ou parmi l’encadrement supérieur de l’Etat, par exemple, il n’est plus guère possible de ne pas ‘l’avoir faite’ : cela fait partie du parcours hautement recommandé, voire obligatoire de facto ou de jure, pour demeurer sur une pente de carrière positive, voire tout simplement éviter de se singulariser. La Fresque bénéficie d’une image assez positive, tant parmi les jeunes recrues que les membres de l’encadrement.
J’ai cédé à la curiosité, et participé à l’exercice peu de temps avant mon départ en retraite.
Un exercice très cadré
Démarrage par un tour de table de la quinzaine de participants à l’atelier Fresque du climat : comment chacun se situe-t-il (échelle 0-5) en matière de conviction sur ‘risque et crise climatiques’ ? Ma réponse (0/5) détonne ; la quasi-totalité de mes collègues se situe entre 3 et 5.
La séance proprement dite démarre : distribution par l’animatrice (notre ‘fresqueuse’) du premier lot de 7 ‘cartes’ parmi les 42 que compte le jeu support de l’atelier, créé par l’ingénieur français Cédric Ringerbach en 2015, et diffusé par l’association éponyme.
Chaque carte est lue par un participant à haute voix, et nous devons classer ensemble ces cartes dans une logique causes-effets niveau 1-effets niveau 2, etc. On peut alors passer au lot suivant, et au bout de 4 ou 5 lots, grâce à l’intelligence collective (!) le puzzle est complet : nous avons devant nous une description du problème (les ‘risques climatiques’), de ses sources et des solutions (s’attaquer aux causes : la consommation de biens et services produisant du CO2) à mettre en œuvre vite, vite, car le risque est proche de se concrétiser.
Les participants ont ‘appris’ ; ils peuvent alors se demander comment réduire leur production de CO2 : un voyage en avion de moins ici ou là ; prendre plus souvent son vélo ; consommer moins souvent un steack de bœuf, etc. Chacun s’engage sur telle ou telle action.
La Fresque est fondée sur un univers fermé : le jeu de 42 cartes, les lots successifs à classer. Tout ce qui compte y est. Aucun appel à la créativité : il y a une seule manière de bien ranger les cartes. Les causes sont les causes, et il n’y en a d’ailleurs pas d’autres : aucune possibilité de proposer des explications complémentaires. Les effets sont sans incertitude, ni discussion possible : la Fresque se prétend scientifique, et les participants n’ont pas le niveau pour prétendre objecter.
Un fondement scientifique douteux
La Fresque revendique d’être scientifique (« it’s scientific »). C’est qu’elle se dit fondée sur le rapport de l’Intergovermental Panel on Climate Change – IPCC (en français : GIEC, traduction qui ajoute la notion d’expertise, absente en anglais).
N’étant pas là pour perturber à l’excès un exercice que semblent apprécier mes collègues, je relève juste que certains des effets décrits ne figurent pas dans le dernier rapport du GIEC en 2024 : les évènements climatiques extrêmes, les incendies, les sécheresses et inondations, etc. ; la ‘fresqueuse’ assure au groupe que je me trompe. En fait c’est un cas intéressant : le ‘résumé pour les décideurs politiques’ – un document politique qui est la seule publication lue et commentée dans les media – diverge du rapport scientifique du GIEC :
Rapport scientifique | Résumé pour les décideurs | |
Sécheresses | Très faible confiance | Forte confiance |
Inondations, flots extrêmes | Faible confiance | Confiance moyenne |
Incendies de forêt | Baisse de 20% en 20 ans | Augmentation des incendies |
Un vrai tour de magie, de nature purement politique : le résumé pour décideurs est ajusté et validé par les représentants des gouvernements, les ministres de l’environnement ! S’alignant sur le document politique, la Fresque travestit le rapport scientifique, d’autant qu’elle procède par affirmations à 100% : le jeu tout entier ne reflète aucunement les nuances et les incertitudes inhérentes aux évaluations scientifiques.
Pour d’autres sujets, c’est le rapport ‘scientifique’ qui bricole la réalité scientifique : ainsi, pour les ouragans ce rapport a sélectionné la seule étude, parmi les dizaines disponibles sur le sujet, qui identifie un lien entre montée de la température et le nombre ou la fréquence des ouragans.
Fondamentalement, le rapport scientifique est celui d’un groupe qui adhère à la mission unique du GIEC : démontrer la responsabilité humaine dans les phénomènes climatiques, notamment la montée des températures depuis la 1ère moitié du 19ème siècle, au sortir du petit âge glaciaire qui fut la période la plus froide de l’histoire des 10 000 dernières années. Un groupe qui souhaite faire carrière, les financements de recherche étant centralisés et réservés aux tenants de cette thèse.
Dernière étape, un tour de table de ‘debrief’
Dernière étape, un tour de table de ‘debrief’ où notre ‘fresqueuse’ évoque l’enfoncement de la ville de Djakarta dans les eaux comme preuve de la réalité du risque de montée ‘climatique’ des eaux : je lui suggère de consulter Wikipedia pour y lire que cette montée des eaux résulte de l’effet de gravité d’une mégalopole en forte croissance dans un sol marécageux.
Bref, la ‘Fresque du climat’ est une belle réussite marketing (2 millions de participants, 167 pays, 45 langues, 90 000 fresqueurs et fresqueuses), d’ailleurs à l’origine de déclinaisons (fresque de la diversité, etc.), et un outil de propagande efficace. Outil aussi de ‘nudge’ pour des hiérarchies qui sont conduites par la loi à engager leurs organisations dans ces sujets climatiques : la Fresque fait passer la pilule en douceur, le personnel en ressort convaincu.
N’espérez pas y trouver une preuve éclatante, de type ‘smoking gun’, de la thèse centrale, la responsabilité humaine dans une hausse actuelle des températures qui serait problématique.
Si quelqu’un en a une, je suis toujours preneur !
Documentation :
Merci pour votre article.
Il se trouve que j’ai également participé à une fresque du climat dans la commune où j’habite, située dans les Alpes-Maritimes.
Les sujets traités en priorité n’étaient visiblement pas les mêmes, ce qui prouve que le processus n’est pas bien cadré.
La carte 15 sur le forçage radiatif a été l’objet d’un passage en force, c’est le cas de le dire, car une personne a posé la question sur le lien avec la chaleur et… la discussion est partie en vrille.
Je suis pleinement d’accord avec vous sur le manque de robustesse des aspects scientifiques.
J’ajouterais que la réponse officielle à la question 38 est désopilante : « … les conflits armés peuvent affecter la santé humaine ».
ouf!
retraité depuis 13 ans, j’ai échappé à l’exercice de la fresque. J’aurais eu du mal à me tenir
mentionnant le rapport GIEC de 2024, vous voulez parler du rapport AR6? Pour moi, il est un peu antérieur
J’ai regardé rapidement ce rapport, essentiellement à la recherche du chapitre 6 du résumé technique qui semblait être imposé à l’origine, qui existait dans le rapport 4 (« vérités acquises et incertitudes principales » ou quelque chose comme ça) et le rapport 5 ou il ne restait plus que des incertitudes principales (key uncertainties), en très grand nombre, ce qui reflétait un consensus des scientifiques sur le hiatus entre observations et prévisions, et un constat d’incompréhension du système climatique. La magie du GIEC avait réussi à gommer ce résultat et à le retourner dans le résumé pour décideurs (de ce même rapport scientifique). Cerise sur le gâteau, dans la version française, le résumé technique et le résumé pour décideurs sont dans le même document. Il suffit de tourner quelques dizaines de pages pour en avoir l’évidence flagrante.
A ma grande déception, je n’ai pas trouvé ce chapitre 6 dans AR6. Mais le GIEC pouvait il encore confesser des incertitudes après le « tour de magie » antérieur? Comme il ne pouvait pas non plus écrire « hourra, on a résolu les incertitudes », -les décideurs n’auraient pas compris- il ne restait plus qu’à escamoter ce chapitre 6. aurais je mal analysé?
Ce qui imposait de creuser , ce que vous avez fait. Merci
Consolation: la coprésidente française du groupe scientifique AR6 a reconnu des incertitudes profondes et la nécessité d’un gros travail d’amélioration des modélisations. C’était dans la revue des 75 ans du CEA, à la même époque que la sortie du rapport scientifique AR6
Ce truc est un scandale de plus. Une opération de propagande et de manipulation.
J’ai eu en mains ces cartes et j’ai tout de suite vu un jeu idéologique pour enfant de 7 ans! Ça m’a fait
penser au disque de Phaistios (que je nome ’’tout en tubes’’ comme cette fresque) une espèce de jeu de l’oie qui est décrit comment un objet de l’âge du bronze… blablabla…
A savoir qu’au ministère de la transition écologique j’ai entendu qu’il fallait évangéliser la population qui était du niveau d’un enfant de 7 ans, oui oui !!
La fresque = Uno !! C’est pareil !
J’interventais comme électricien
J’ai déjà été confronté à ce genre de niaiserie, à la grande époque des stupidités managériales style « effet papillon » et autres calembredaines.
Cette pantalonnade pour attardés mentaux finira au même endroit que les âneries mentionnées précédemment: aux oubliettes.
A connaitre également le Lierre, c’est une organisation écologiste structurée qui a investit la fonction publique pour y faire des adeptes et diffuser son idéologie : https://le-lierre.fr/notre-demarche/
On peut y adhérer en s’autoproclamant expert dans le(s) domaine(s) de son choix.
Si on a fait la « Fresque du climat », c’est un plus ?
Concis, limpide. félicitations
Aux distorsions entre rapport scientifique et résumé pour les décideurs (« summary pour policy makers »), vous pouvez ajouter les cyclones, tyhons et ouragants.
Faible probabalibilité ans les rapport scientifique
Forte profitabilité dans le résumé.
L’article et les commentaires ont tout dit : une vaste fumisterie sur fond de boboïsme d’enfants gâtés irresponsables qui se cherchent une raison d’exister – et accessoirement de se faire une carrière de catastrophiste bien en vue.
Ceci dit, 90 000 « fresqueurs » sur 900 millions de personnes qui se posent plus ou moins la question, ça ne fait que 1 sur 10 000 : 4 fois moins que le taux de CO² dans l’atmosphère ! Le vrai problème, c’est l’invasion de la propagande écologiquement correcte dans pratiquement tous les médias, particulièrement ceux qui étaient autrefois un service public digne de ce nom et sont toujours payés par nos impôts.
L’ACR devrait trouver le moyen d’intervenir factuellement dans ce débat qui risque d’avoir des conséquences financière (donc sociales) catastrophiques pour les génération (françaises) futures.
…/…
coquille révélatrice : » génération (?) future (s) » …
bonjour,
regardez vous meteo-climat sur France2. je trouve ces enfants ( 8 – 10 ans) qui posent des questions sur le climat intellectuellement brillants. La messe est bien apprise et le vocabulaire est précis. Un show hollywoodien de singes savants. Je vais me convertir à la nouvelle religion, les intervenants sont trop hillarants dans ce monde de catastrophes permanent
Eloquent, Daniel… merci de ce témoignage sans prétention et qui nous en dit tant : j’espère échapper à ce lavage de cerveau en entreprise digne des plus pures méthodes staliniennes, avec l’aveu public forcé (réitéré en « brief » et « debrief ») de toute déviance idéologique forcément coupable (avec les éventuelles conséquences professionnelles dans cette véritable chasse aux sorcières de quiconque ne marche pas dans la voie droite)…
– Une simple remarque : « IPCC » = « Intergovermental (et non » International », énorme nuance qui souligne bien tout l’aspect politique de l’institution) Panel on Climate Change »).
– Une question : pourriez-vous mettre les liens, svp, qui nous renvoient directement au grand écart souligné dans votre tableau entre le « rapport scientifique » et le « résumé pour les décideurs », si possible ?
Merci d’avance.
Oh la, oui, merci pour la rectification « intergovernmental » !
Pour les références précises au texte, voyez le 3ème lien qui suit l’article ! tout est dans la vidéo.
J’ai été obligé aussi de faire la fresque et l’organisateur ne connaissait même pas la définition d’un climat…
Nul part il est question, par exemple, de la « faible vraisemblance » du pire scénario (Chap 1, AR6), le SSP5-8.5, ni du tableau 12.12 de l’AR6 sur le bilan global et rassurant qui concerne l’observation des extrêmes. Aucune mention des incertitudes mentionnées dans l’AR6 non plus.
J’avais rencontré par ailleurs le Cédric Ringerbach il y a une quinzaine d’années. Quand il parlait de Jean marc Jancovici, on aurait dit dans son regard tout à coup quasiment mystique qu’il parlait presque de Jésus !
Bref, vu le nombre de personnes obligées de faire la fresque, les affaires marchent bien pour The Shift Project…
Voir aussi :
Florence Gaunet, Anne Vigouroux, Marie Jeanne Trouchaud, Michel Hirschowitz, Alice Guyon. Evaluation de l’efficacité d’outils innovants d’intelligence collective pour promouvoir le concept de “ One Health ” et le passage à l’action : une revue narrative. HEGEL, La revue de santé Intégrative., 2024, ff10.3917/heg.141.0045ff. ffhal-04728140f
Sans commentaire !
Petite histoire sur cette « fresque ».
Début 2024, un de mes fils ingénieur pour une grande entreprise française a vu une note de service passer concernant la participation à une journée « fresque du climat ». Lui n’en a pas grand chose à faire il sait que tout cela est de la propagande. Dans son service d’environ 50 personnes ils étaient une majorité, 35 de mémoire, à ne pas avoir répondu à ladite invitation. La responsable qui s’est faite rappeler à l’ordre a alors demandé à l’équipe de venir, disant que sinon cela serait mal vu et pourrait nuire à la carrière !
Mon fils et de deux ses copains et collègues décident finalement d’y aller. Et évidemment ils ne se sont pas gênés pour mettre systématiquement les animateurs (2 personnes) en défaut. Les 2 animateurs en question étaient jeunes, saturés d’idéologie gauchiste (lors de l’intro un a soutenu que le patriarcat participait au réchauffement climatique) , et n’avaient aucune compétence scientifique, ils connaissaient juste par coeur le narratif du GIEC et de Carbon4. A chaque fois que mon fils démontait l’argument mis en avant par une carte (ce qui dans les faits était plutôt facile), les animateurs bafouillaient, et renvoyaient le célèbre argument du consensus porté par des « milliers de scientifiques de tous les pays ». Au bout de deux heures de ce régime, un des animateurs a perdu ses nerfs et a qualifié mon fils de climatodenialiste et qu’il ferait un rapport à sa direction. Mon fils (très joueur !) et ses copains ont continué le massacre (au sens intellectuel s’entend). La journée fut éprouvante pour les animateurs. Bref, la fresque c’est mal déroulée…
Environ 48h plus tard, mon fils et un autre collègue ont été convoqués par leur N+2. En gros, ce chef de département leur a dit en off qu’il était contre cette « ridicule fresque du climat » mais que cela venait de « plus haut », et qu’ils étaient maintenant « marqués ». Sous entendu que dans leur dossier il y avait une mention en rapport avec « cet incident ». Bref, officiellement il les recevait pour un remontage de bretelles, officieusement il les a félicité tout en disant qu’ils ne pouvaient pas le reconnaître…
En décembre, sans rapport avec cette journée, mon fils a démissionné et bosse maintenant pour une PME dans le secteur aéronautique où visiblement les gens ont bien plus les pieds sur Terre et où, pour le moment, les conneries type fresque n’ont pas leur place…
La Hire,
Et ils se plaignent de Trump dans leur « Stand-up for science » !
C’est la « science » au pas de l’oie : pour eux « science » = « dogme », et donc répression pour les déviants climatiques (au passage, tu parles de défense de la « diversité » dans ce culte autoritaire de la pensée unique)…
Sinon, effectivement, comme vous le dites si justement, rien ne vaut de travailler dans l’aéronautique pour garder… les pieds sur terre, et c’est un ancien élève-pilote d’aéronavale qui vous le dit 🙂 …
Climatiquement vôtre.
Comment ça, Climatiquement vôtre ?
Je suis en droit de vous demander des droits d’auteur ! Non mais 😂😂
Climatiquement vôtre, quand même JEAN
La Hire, merci pour votre analyse.
La mise en garde de votre fils est un bel aveu. Si on n’a rien à se reprocher, on ne « menace » pas. Et quand on n’a pas assez d’argument, on joue la carte de la propagande. Je pense que c’est ce matraquage insupportable des médias sur le RCA qui sonnera le glas de ce délire. C’est du Galilée, version XXIe siècle !
Il est bien évident que des gens comme Jean-Marc Jancovici, face à de vrais scientifiques comme Richard Lindzen, évitent tout débat où leurs théories seraient vite démontées par les faits.
@le bigre qui a dit
« » » » » » » »Il est bien évident que des gens comme Jean-Marc Jancovici, face à de vrais scientifiques comme Richard Lindzen, évitent tout débat où leurs théories seraient vite démontées par les faits. » » » » »
Faut donner des liens montrant que Jancovici n’est pas un scientifique
@La Hire
voir le post ci dessus et ma réponse au bigre qui cite votre post à vous ; j’ai cherche le nom de Jancovici dans votre poste et j’ai pas trouvé
Pensez vous comme lui que Jancovici n’est pas un scientifique