par Jean-Louis Legrand.
Jean-Louis LEGRAND, X-Mines de formation, a fait carrière dans l’industrie automobile et dans la haute fonction publique. Aujourd’hui, il exerce des activités dans la vulgarisation scientifique, avec un ouvrage en chantier sur le climat.
Des manipulations de toutes origines nous communiquent la peur du réchauffement climatique. La désinformation institutionnelle et médiatique, elle, n’a peur de rien. On nous annonce mi juin un record historique de températures pour un mois de juin. Il s’agit en réalité du début du mois, qui aurait été le plus chaud jamais enregistré dans le monde. Les températures sont l’objet d’un joyeux mélange entre El Niño on ne sait où, des feux au Canada, de la sécheresse autour de la Méditerranée, des vagues de chaleur en Asie du Sud et au Mexique. On nous annonce également que l’Europe se serait réchauffée de 2,3 °C par rapport à l’ère préindustrielle, deux fois plus que le reste du monde sur la même période. Le tout est plongé dans un brouillard météorologique épais où passé, présent et futur se confondent. Essayons de trier les patates ; pas les soi-disant experts ou journalistes, les faits.
El Niño
El Niño est un phénomène naturel. Il s’agit d’un réchauffement d’une partie de l’océan Pacifique équatorial, qui se traduit souvent par une élévation des températures mondiales et qui augmente le risque d’événements météorologiques extrêmes dans plusieurs régions. El Niño se produit tous les deux à sept ans et dure de neuf mois à deux ans. Autant dire qu’il ne s’agit pas d’un cycle régulier. Les conditions étant remplies depuis peu, il devrait se renforcer graduellement dans les mois à venir. Les effets sur les températures se font en général sentir l’année suivant son émergence. Donc ce sera au tournant de 2024, pas maintenant.
Les feux au Canada
Avant 1960, ce sont les études de dendrochronologie qui permettent d’obtenir des résultats, en comptant et en analysant la morphologie des anneaux de croissance des arbres. Réalisées indépendamment et sur différents territoires répartis dans toute la forêt boréale nord-américaine, de l’Alaska jusqu’au Québec, elles arrivent toutes à la même conclusion : entre 1700 et 1850, les surfaces brûlées annuellement étaient de deux à dix fois plus importantes qu’au cours des soixante dernières années. Ensuite, depuis 1960, les surfaces brûlées annuellement ont diminué, avec trois hauts antérieurs à 2000 et un bas en 2020. Donc il n’y a aucune corrélation avec l’augmentation des températures.
En mal de sensationnel, cartographie imaginaire à l’appui, on nous dit qu’en 2023 une surface grande comme 500 fois Paris ou une région française a brûlé. Or le Canada est grand comme 20 fois la France métropolitaine. Finalement, nous devons rapporter une surface brûlée de 5 millions d’hectares – estimation maximale qui inclut les petits feux – à 10 millions de kilomètres-carrés. Pour qui sait encore calculer, cela donne 0,5 %. S’agissant d’une forêt particulièrement vulnérable, composée principalement de résineux, cela n’a rien d’exceptionnel. Le feu est même indispensable à la reproduction de certaines essences comme le pin gris et l’épinette noire.
La sécheresse autour de la Méditerranée
On élucubre sur le réchauffement climatique, mais le facteur humain est dominant. Les surfaces irriguées autour de la Méditerranée ont doublé en un demi-siècle. Cette agriculture représente à elle seule les deux tiers de la consommation totale d’eau. Les subventions de l’Europe et des gouvernements nationaux ont encouragé l’abandon de plantations traditionnelles comme les oliviers et les citronniers au profit de cultures très consommatrices en eau. Longtemps tenu pour exemplaire, le modèle espagnol semble désormais condamné. Dans les pays ne faisant pas partie de l’Union européenne comme la Turquie, ce phénomène est aggravé par des méthodes d’irrigation inefficaces.
Nous pouvons améliorer l’efficacité de l’irrigation, sélectionner des variétés agricoles plus résilientes. Israël recycle la quasi totalité de ses eaux usées. L’Arabie Saoudite transforme son désert en forêt verte, grâce aux pétrodollars il est vrai. Nous pouvons aussi rationaliser le tourisme centré sur l’été. Ce problème est prioritaire dans les Pyrénées-Orientales, où la proportion de résidences secondaires est considérable.
Les vagues de chaleur en Asie du Sud et au Mexique
L’Asie du Sud a effectivement connu des vagues de chaleur en avril 2023. Citons quelques records : 44,6 °C à Tak en Thaïlande, 44,1 °C à Thanh Hóa au Vietnam, 43,8 °C à Taunggyi en Birmanie. La capitale du Bangladesh, Dhaka, et certaines grandes villes en Inde ont aussi souffert. Au moment où cet article est écrit, mi juin 2023, la température ne dépasse plus 33 °C en Thaïlande, au Vietnam ou en Birmanie ; et elle est tombée sous 30°C à Dhaka. Tout naturellement, ces pays sont déjà passés de l’été à la saison humide.
Quant au Mexique, il est clair que ce n’est pas clair. L’air estsuffocant lorsqu’il est pollué. Une température élevée n’aggrave pas la situation. Cela peut même être le contraire quand les aérosols protègent de l’irradiance solaire. Quel est le bilan officiel ? Entre le 14 avril et le 12 juin, période décrite comme étant la troisième vague de chaleur en 2023, sept victimes ont succombé à un coup de chaleur et une de déshydratation. Rappelons simplement que ce pays compte presque 130 millions d’habitants.
Les vagues de chaleur sont dépendantes de leur définition
Le soufflé étant retombé, ceci nous ramène à la notion de vague de chaleur. Elle est causée par un anticyclone persistant ou par un vent chaud persistant. À la différence d’un pic, une vague couvre plusieurs jours consécutifs. Seuil, durée et extension spatiale sont relatifs à une zone géographique. Au niveau international, rien n’est normé tant la disparité est forte. En France, le critère est d’au moins 25,3 °C pendant 3 jours. Météo-France a compté 9 évènements entre 1980 et 2000, 26 entre 2000 et 2020. Cet indicateur est conventionnel : une modification du critère peut aboutir à un autre comptage.
Rappelons que la météo se prévoit à au plus 15 jours et que le climat se prévoit à au moins 30 ans. La prévision du climat repose sur la science de l’attribution. Il s’agit d’une méthode récente qui affecte des événements météorologiques à un changement climatique. Grâce à des modèles qui se raffinent, on calcule la probabilité qu’un épisode extrême ait pu se produire sans changement climatique. On suppose alors que tel ou tel événement devient quatre ou six fois plus probable. Un réseau mondial, le World Weather Attribution (WWA), évalue sans délai le lien entre les événements météorologiques extrêmes et le dérèglement climatique. Attention : danger ! Un calcul de probabilités est un outil de réflexion, il ne valide pas une hypothèse scientifique.
La réanalyse du climat global de l’Europe
Les sources (HadCRUT5, Gistemp4, RSS v.4, UAH 6.0) auxquelles le GIEC se fie sont à l’unisson : à l’échelle de notre planète, les températures des huit dernières années sont tendanciellement étales ou légèrement décroissantes. Par le plus grand des hasards, à la fin de 2022, les températures étaient presque identiques à celles du début de 2015. La conclusion reste la même sur chacun des deux hémisphères, sur les continents ou sur l’océan. Personne ne sait à quoi est due la pause actuelle de la moyenne des températures sur Terre, ni si elle va durer ou non.
Du coup, les réfugiés climatiques internationaux sont mis de côté et l’Europe est mise sous le projecteur. Les tornades, que les météorologues ne savent pas prévoir et dont le nombre, selon le GIEC lui-même, ne devrait pas augmenter, deviennent en soirée les vedettes de débats télévisés à dormir debout. On cite les cellules de Hadley (circulation méridienne des vents se fondant sur des ascendances thermiques à l’équateur et des subsidences thermiques aux pôles) et le Groenland. Mais la doxa nous a toujours dit que le gaz carbonique est réputé bien mélangé, « well mixed », au bout de deux ans dans la troposphère, puis qu’il peut y rester pendant un siècle. Donc il devrait produire sur l’ensemble du globe des effets équivalents voire identiques. Si ce n’est pas le cas, si la régionalisation devient le maître mot dans la famille des dérèglements, alors il est légitime de penser que d’autres facteurs influent de façon notable sur le climat ; disons plutôt les climats.
On nous annonce que les aléas météorologiques, hydrologiques et climatiques survenus en Europe en 2022 ont affecté directement 156 000 personnes et causé 16 365 décès, quasi exclusivement en raison des vagues de chaleur. Nous devons rapporter ce chiffre – en supposant qu’il soit fondé car aucun acte ne porte ce motif – au total de 5,4 millions de décès, ce qui donne 0,3 %. Sachant que, toujours en 2002, la surmortalité a été plus importante que pendant le Covid notamment en raison d’épisodes de grippe très intenses.
Le journalisme militant, organisé en réseau, cite de plus en plus Copernicus, le programme d’observation de la Terre de l’Union européenne. Le 7 juin 2023, on nous a dit qu’en mai latempérature sur tous les océans libres de glace était la plus élevée jamais enregistrée. L’hypothèse cachée est que la surface de la Terre est partielle, bornée par les latitudes entre 60°S et 60°N. Le non-dit est que l’on ne sait pas prendre en compte la circulation méridienne de retournement (courant d’eau de surface, courant profond froid, remontée progressive et zone de plongée). Donc le périmètre d’observation est limité.
La dernière, mais non la moindre, c’est la référence au ERA 5 dataset du European Centre for Medium range Weather Forecasts (ECMWF), une réanalyse du climat global couvrant la période de janvier 1950 à nos jours. Il existe déjà une myriade de modèles fragiles, dont le large éventail des résultats est souvent en surchauffe lorsqu’on le compare au réalisé. En 2019, l’Institut Max Planck – c’est tout à son honneur – a officiellement multiplié d’un facteur 10 certains paramètres relatifs à la convection car sonmodèle débouchait sur un réchauffement deux fois supérieur aux données observées. Le GIEC lui-même a fini par admettre que son scénario d’émissions extrêmes est invraisemblable. Désormais les modèles climatiques génèrent également des interpolations historiques des variables de surface. Autrement dit, on invente des mesures.
Bref, en Europe, la climatologie est-elle une science jeune, ou bien une science fausse