La faillite de Northvolt : le début de la fin pour la stratégie européenne des batteries ?

Par Samuel Furfari

Northvolt AB, le fleuron suédois de la production de batteries pour véhicules électriques, vient de déposer le bilan. Elle a cru à la doctrine verte de la Commission européenne. Or la transition énergétique ne se déroule pas du tout comme l’avait annoncé l’Union européenne. Bien que les ventes de véhicules électriques continuent de croître globalement, leur progression a ralenti en 2024. Parallèlement, l’importation massive de véhicules électriques chinois soulève des inquiétudes quant à la compétitivité de l’industrie automobile européenne. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que Northvolt soit en sérieuses difficultés.


Gros sous et faillite imminente ?

La Commission européenne avait autorisé l’Allemagne à lui accorder une subvention directe de 700 millions d’euros et une garantie de l’État de 202 millions d’euros. Cette entreprise suédoise est en sérieuses difficultés, son PDG venant de démissionner. En septembre 2023, Northvolt a pris une décision drastique en annonçant la suppression de 1600 emplois. Cette mesure s’accompagnait de la suspension de nouveaux projets, signalant déjà des difficultés financières importantes. La situation s’est encore aggravée début novembre, lorsque plusieurs créanciers ont saisi les autorités suédoises pour des impayés de Northvolt. Le montant total de ces dettes non réglées s’élevait à 41 millions d’euros, révélant l’ampleur de la crise financière à laquelle l’entreprise était confrontée. Le Financial Times rapporte que la direction avait envisagé une faillite totale avec liquidation d’actifs, conformément au chapitre 7 de la loi américaine, mais cette option a finalement été écartée.

Elle vient de se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Cette décision vise à restructurer sa dette et à ajuster ses opérations. Cette décision devrait permettre à Northvolt d’accéder à un financement de 145 millions de dollars garantis sur ses actifs, ainsi qu’à un financement client supplémentaire de 100 millions de dollars. Le choix d’une juridiction américaine est le signe aussi d’un manque de confiance dans les procédures européennes de restructuration, ce qui est potentiellement embarrassant pour l’UE.

L’abandon des solutions pratiques et concurrentielles

Le 16 février 2016 ― juste après l’adoption de l’accord de Paris ―, la Commission européenne avait publié une communication sur une stratégie européenne pour le gaz naturel liquéfié (GNL) dans laquelle on développait son utilisation comme carburant alternatif dans les transports. Le projet LNG Blue Corridors de la Commission européenne démontrait la faisabilité avec succès de l’utilisation GNL comme carburant ; une centaine de poids lourds ont parcouru un total de 31,5 millions de kilomètres. Le marché mondial du GNL comme carburant pour les véhicules connaît une croissance significative, avec un taux de croissance annuel composé projeté de plus de 8 % d’ici 2027, porté notamment par la Chine où les ventes de camions au GNL ont atteint 152 000 unités. L’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas sont les leaders européens dans le développement de camions circulant au GNL. Il s’agit d’activités commerciales sans intervention de la politique, car malheureusement, la nouvelle Commission a ordonné d’abandonner purement et simplement le GNL au profit des véhicules électriques à batterie. Elle a voulu créer un « Airbus des batteries » en injectant des milliards d’euros de subventions dans ce secteur.

L’obligation de mettre fin à la vente des véhicules thermiques en 2035 n’a été véritablement contestée que par le gouvernement de Giorgia Meloni. Les Allemands, quant à eux, ont d’abord suivi l’Italie avant de se rallier à la Commission. C’est Frans Timmermans qui a convaincu l’Allemagne que les carburants de synthèse — que certains appellent molécules vertes — allaient sauver l’industrie automobile allemande. Quelle ineptie ! Ces carburants n’existent pas et n’existeront probablement jamais à un coût compétitif par rapport à toutes les autres options énergétiques.

Pire encore, l’Allemagne fait face à un manque cruel de capacité électrique. Au début de ce mois, l’approvisionnement en électricité allemand a atteint ses limites. Dans la soirée du 6 novembre, le prix de l’électricité a augmenté extrêmement vite jusqu’à plus de 800 euros par mégawattheure, soit environ dix fois plus cher que d’habitude. L’Allemagne néglige depuis des années sa capacité d’alimentation électrique pilotable. Il est urgent qu’elle se ressaisisse, car il sera impossible de développer l’utilisation de véhicules électriques et l’IA dans ces conditions. Elle se voit contrainte d’importer de l’électricité de France, produite notamment par la centrale électrique d’Émile Huchet en Lorraine, qui fonctionne au charbon. Quelle ironie pour un pays qui prétend être à l’avant-garde de la transition énergétique !

Il est important de préciser que ce n’est pas le véhicule électrique en soi qui est en cause, mais plutôt la politique d’imposition et d’interdiction du gaz naturel comme carburant automobile. Le gaz naturel aurait pu offrir une solution de transition plus réaliste et moins coûteuse, tout en permettant une réduction significative des émissions de CO2.

Abandonner l’illusion du Green Deal

La stratégie européenne en matière de mobilité électrique est erronée. Elle repose sur des hypothèses technologiques et économiques, idéologiques qui ne se sont pas concrétisées. Elle néglige les réalités du marché et les préférences des consommateurs. L’infrastructure de recharge est loin d’être en place.

La faillite de Northvolt devrait servir de signal d’alarme pour les décideurs européens. Ils devraient cesser d’imposer des choix technologiques. Il faut laisser le marché décider et nul doute que l’utilisation du gaz naturel, s’imposerait au moins pour le fret routier. L’UE ne peut pas se permettre de sacrifier son industrie automobile sur l’autel d’une vision idéologique de l’électrification. Comme l’ont demandé certains députés européens, c’est tout le Pacte vert qui doit être abandonné. Je l’ai toujours dit, l’énergie est trop importante pour être laissée aux mains des idéologues qui prétendent décider à la place des marchés et des ingénieurs (voir mon livre pour la démonstration).

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14 réflexions au sujet de « La faillite de Northvolt : le début de la fin pour la stratégie européenne des batteries ? »

  1. “Les idéologues qui prétendent décider à la place des marchés et des ingénieurs”, comme leur nom l’indique, n’y connaissent rien.
    Die Grünen ont battu tous les records d’incohérence. Vouloir imposer l’électrification des transports et “en même temps” fermer les centrales nucléaires n’est tout de même pas très malin.

    Le résultat était prévisible.

  2. Les consommateurs sont têtus : ils achètent ce qui leur semble utile.
    Malgré un matraquage publicitaire insupportable, peu succombent au charme irrésistible des bagnoles à piles.
    C’est difficile à comprendre pour nos dirigeants de Bruxelles qui vivent dans un monde extraordinaire où il suffit de pondre une loi ou un décret pour sauver le climat !

    • Les pubs ont évolué depuis quelque temps. Les “100% électrique” sont à présent proposées en version hybride, déjà plus rationnelle, mais très chère, et même en version classique à moteur thermique essence, plus abordable.
      Bientôt le retour du diesel ?

      Vous avez mille fois raison, ce n’est pas une loi ou un décret qui va sauver le climat, si tant est qu’il a besoin d’être sauvé.

  3. Interview de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, au journal Rossiïskaïa Gazeta, 27 novembre 2024

    Question: La conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques vient de s’achever à Bakou. Le dialogue sur les questions climatiques en lien avec la sécurité énergétique et la protection de l’environnement se poursuit également dans d’autres formats, notamment au sein du G20…

    Sergueï Lavrov: Oui, c’est exact. Dans ces discussions, notre priorité est la dépolitisation de la coopération sur les questions climatiques. Les objectifs dans ce domaine doivent être réalistes, et leur mise en œuvre doit contribuer au développement socio-économique équilibré de tous les pays.

    Les résultats du travail du G20 dans le domaine énergétique peuvent être évalués comme positifs. Cela est dû en grande partie aux efforts efficaces de la présidence brésilienne, qui a exempté les formats sectoriels du G20 des questions géopolitiques afférentes. Ainsi, après une interruption de trois ans, il a été possible d’adopter une déclaration ministérielle sur l’énergie, dont les dispositions sont rédigées de manière à prendre en compte les intérêts des pays du Sud global.

    La délégation russe, comme auparavant, a mis en garde tous les participants contre l’augmentation du financement global du secteur des énergies renouvelables au détriment des investissements dans les secteurs énergétiques traditionnels. Nous pensons que pour éviter les chocs sur les marchés énergétiques et l’aggravation du problème de la pauvreté énergétique, il est nécessaire d’investir dans tous les types de combustibles disponibles.

    Actuellement, la transition vers l’utilisation de technologies à faibles émissions est assez activement discutée sur les plateformes internationales. L’idée est que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) créent un effet de serre qui, à son tour, conduit au réchauffement climatique. On en conclut que si l’on limite les émissions de CO2, il n’y aura pas d’augmentation des températures, ou elle se produira moins rapidement. En même temps, en tant que professionnels, nous devons tenir compte du fait que tous les scientifiques ne partagent pas ces évaluations. Il existe aussi une “école de pensée” dont les représentants montrent de manière concrète et très convaincante que le changement climatique est un processus cyclique et que, par conséquent, l’importance du facteur anthropique dans les calculs des partisans de la “lutte contre le changement climatique” est fortement exagérée.

    Quoi qu’il en soit, nous considérons la tâche de la “transition énergétique” dans le contexte de l’accès universel à des sources d’énergie abordables, fiables, durables et modernes. Nous accordons un rôle clé dans ce processus au gaz naturel, le plus propre de tous les hydrocarbures et le combustible de “transition” idéal.

    Nous restons opposés à la transformation “verte” accélérée promue par les pays occidentaux. L’obsession par ce sujet a déjà conduit à une augmentation injustifiée des prix de l’énergie et, par conséquent, à un coût record des engrais minéraux. Nous insistons sur le respect par les pays développés de leurs engagements d’aide aux pays en développement. D’ailleurs, il sera intéressant d’observer comment sera mis en œuvre l’engagement pris à Bakou de fournir 300 milliards de dollars par an aux pays en développement pour des projets “verts”. Je rappelle que l’Occident n’a pas daigné respecter son précédent engagement de financement “vert”, qui était trois fois moins important en termes de volume annuel de fonds promis.

    • @Michel
      On n’a pas trop entendu les chinois ni les indiens sur ces questions durant la COP 29 mais on sait depuis longtemps qu’ils n’ont aucune intention de se limiter dans l’utilisation des énergies fossiles, ravis de laisser ainsi les européens à peu près seuls à se tirer des balles écologiques dans les pieds et les mains et s’auto-éliminer sans combattre de la compétition économique mondiale, Trump ayant depuis 2016 clairement fait connaitre ses positions climatosceptiques.
      Avec moins de 10% des émissions mondiales de CO2, l’objectif prétentieux du sauvetage de la planète de l’apocalypse thermique par l’unique et sublime vertu de l’Europe devient de facto inaccessible, se muant en une tragédie suicidaire pour ses citoyens et une pitoyable comédie pour ceux qui nous observent.

  4. Le vrai problème est le choix délicat de la technologie à développer. La voiture électrique a beaucoup d’avantages, notamment pour les citadines, mais l’évolution technique est très rapide…
    Northvolt a choisi la filière NMC, alors que la chimie LFP semble se propager sur les petites voitures et les batteries “solides” , voire Sodium, pointent leur nez. Vu le coût de construction d’une usine de taille suffisante pour obtenir des économies d’échelle, il vaut mieux être réactif et ne pas se planter…
    Les mastodontes pilotés par des technocrates ne sont peut-être pas la bonne solution !

  5. Les caves de Bruxelles ( certains) ne savent pas ce qu’est l’Énergie, sa définition.
    Ils disent : sortons du pétrole pour la mobilité .
    je les ai vus partant de leurs bureaux à Bruxelles dans des berlines luxueuses propulsées au pétrole et aussi des véhicules électriques énormes équipés de plus de 600 kg de batteries !
    ’’Appliquez mon idéologique petit peuple et laissez moi vivre dans le luxe et le confort, parce que je le vaux
    bien!”

  6. Comment faire sortir notre Europe des griffes des imbéciles écologistes ? Et ceci sans nous abandonner aux dérives socialistes suicidaires des protectionnistes admirateurs des autocrates de Russie, de Chine et du Venezuela.
    C’est la seule question qui vaille aujourd’hui

    • Nous avons eu un petit coup de froid étonnant et très inhabituel, quoique bref, début septembre, peu après la canicule du mois d’août.
      Météofrance nous prévoit à nouveau du froid à partir du milieu de la semaine avec des chutes de neige en début de semaine prochaine. Ce n’est pas encore sibérien mais cet hiver pourrait nous réserver des surprises.
      Je serais moins affirmatif que vous.

      • @Jack
        Vous souvenez vous des années 50 , et même debut 60 ? Et si vous êtes trop jeune , il y a internet ; sinon , je ne parlais pas des thermomètres , mais du climat social

  7. Ce qui se passe, surtout, c’est que nous ne sommes plus dans un monde dominé par les Européens et les USA, comme au XXe siècle (et avant pour l’Europe).
    Il n’y a qu’à voir l’arrogance de Macron avec Notre-Dame, qui se croit encore au temps des croisades. Quand on lisait des titres, genre « Le monde entier pleure Notre-Dame », en 2019, cela en dit long. Eh bien non, je n’ai pas « pleuré Notre-Dame », et je suis français. Et je pense que beaucoup de gens dans le monde ont d’autres chats à fouetter.
    Bref, aujourd’hui, chacun veut sa part du gâteau et il est légitime que les pays émergeants n’aient que faire de nos leçons, alors que l’on s’est enrichis grâce aux énergies fossiles.
    On sait très bien que le solaire, l’éolien et autres énergies renouvelables ne suffiront pas à satisfaire la demande mondiale qui progresse.
    Quant à la voiture électrique, il suffit de lire le livre de Christian Gerondeau, « La voitures électriques et autres folies », pour constater que ce n’est pas la panacée.
    Mon gendre a une Tesla. Il en est certes content, mais quand je vois qu’il est obligé de planifier ses voyages en fonction des bornes qu’il trouvera, ce n’est pas pour moi qui tiens à ma liberté de mouvement.
    L’économie aura raison de tout cela car au final, c’est le consommateur qui a les clés.

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