La distance minimale entre éoliennes et bâtiments, marqueur de l’écologisme

Par Rémy Prud’homme, Professeur des universités (émérite)

La distance minimale entre éoliennes et bâtiments est d’autant plus courte que le pays est engagé dans l’écologisme : 1250 mètres en Pologne, 1000 mètres en Hongrie en Finlande et en Suède, 700 mètres en Allemagne et 500 mètres en France parangon de veru écologique.

Le cabinet allemand se déchire sur une question environnementale : quelle doit être la distance minimale entre une éolienne et le plus proche bâtiment ? Plus cette distance est petite, et plus la zone dans laquelle on peut construire des éoliennes est grande ; mais plus les nuisances causées par les éoliennes sont graves. On assiste au combat entre besoins de l’industrie allemande et qualité de vie des Allemands. Ce combat est classique.

Ce qui l’est moins (et qui justifie qu’on évoque cette querelle d’Allemands), c’est qu’elle se fait à front renversé. Au conseil des ministres,  c’est Peter Altmaier, le ministre de l’Economie et de l’Energie, qui propose un allongement de cette distance (la porter de 700 à 1000 mètres) ce qui réduira les nuisances éoliennes, cependant que Swenja Shultze, sa collègue ministre de l’Environnement, s’oppose vivement à cette proposition, et se bat pour garder la distance actuelle (700 mètres) dans le but de favoriser l’industrie éolienne.

Ce paradoxe est intéressant parce que révélateur. Comment l’expliquer ? A la fois par le contexte idéologique, et par la réalité éolienne.

Le contexte, qui n’est pas propre à l’Allemagne, est que l’environnement, entendu comme la protection de la nature et la lutte contre les pollutions, a pratiquement disparu des préoccupations socio-politiques: il a été presque totalement remplacé par la lutte contre le CO2. Adieu les environnementalistes ; bonjour les réchauffistes. Au rancart, les défenseurs de la nature, amoureux du silence, des oiseaux, et des paysages ; place aux valeureux « combattants du climat », comme ils se désignent.

Ce glissement majeur est particulièrement bien illustré en France par l’évolution du nom du ministère en charge de ces questions. Il a longtemps été appelé : ministère de l’Environnement. Puis: ministère de l’Ecologie et du Développement Durable. Et aujourd’hui : ministère de la Transition écologique et solidaire. L’environnement est passé à la trappe.

On le vérifie dans le cas des la distance minimale entre éoliennes et bâtiments : elle est d’autant plus courte que le pays est engagé dans l’écologisme. 1250 mètres en Pologne, pays champion de la ringardise, qui a l’audace de se soucier de la qualité de la vie de ses habitants. 1000 mètres en Hongrie (presque aussi arriéré que la Pologne), en Finlande et en Suède. 700 mètres en Allemagne, un pays écologiquement vertueux. 500 mètres en France, qui se veut un modèle de transition énergétique. Chez nous, des Parlementaires réactionnaires ont bien essayé de porter cette distance à 1000 mètres, en arguant que la hauteur des éoliennes, et les dommages environnementaux qu’elles causent, avaient doublé depuis le début du siècle; heureusement les militants écologistes veillaient, et ils ont bloqué cette tentative rétrograde. Peu importe que nos éoliennes décarbonnées, qui remplacent des centrales nucléaires encore plus décarbonnées, ne réduisent en rien nos rejets de CO2, l’essentiel est de montrer l’exemple au monde. A bas l’environnement, vive la transition énergétique.

La réalité éolienne, qui n’est pas non plus propre à l’Allemagne, est que l’électricité éolienne n’est pas seulement néfaste pour la qualité de l’environnement, mais également désastreuse pour la santé de l’économie. En militant pour les 1000 mètres de distance, et en freinant l’éolien, M. Altmaier n’est peut-être pas principalement motivé par la protection de l’environnement, mais bien plutôt par l’envolée du coût de l’électricité en Allemagne (ce coût est déjà, à cause de l’éolien, deux fois plus élevé que le coût de l’électricité en France), et par les menaces de coupure ou de panne du réseau électrique allemand. Mme Shulze a une idéologie (« l’idéologie, c’est ce qui pense à votre place » disait Jean-François Revel), qui lui dit : « l’éolien sauve la planète, tout pour l’éolien, point final». Nombreux sont ceux, pas seulement en Allemagne, qui croient dur comme fer qu’il vaut mieux avoir tort avec Mme Shultze que raison avec M. Altmaier (pour reprendre une formule célèbre concernant Sartre et Aron).

Qui de ces deux ministres gagnera le bras de fer engagé à Berlin. 700 mètres ou 1000 mètres ? 875 mètres peut-être.

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2 réflexions au sujet de « La distance minimale entre éoliennes et bâtiments, marqueur de l’écologisme »

  1. J’ai un petit doute concernant quelques détails, certaines de vos informations au sujet des distances retenues, sur lesquelles il vaut mieux être précis, se résumant par l’idée que la législation française ne me paraît pas être la plus laxiste… à en croire le gouvernement.
    Après, le gouvernement est tout de même un peu hypocrite quand ils prétend qu’il y a toujours la possibilité pour le préfet d’intervenir sur ce point, ce qui semble contredit par les dernier aménagements législatifs dont j’ai ouïe dire et qui font obstacle aux recours possible des riverains qui n’accepterait pas une implantation pour différents motifs.
    Hormis ces détails, je suis tout de même d’accord avec vous pour dire que la distance est un bon marqueur idéologique, que la philosophie du gouvernement le range plus dans l’idolâtrie de l’écologie que dans la mesure et la réflexion, sur les éoliennes comme sur d’autres problématiques.
    https://blogavocat.fr/space/albert.caston/content/r%C3%A9glementation-pour-limplantation-d%C3%A9olienne_

  2. Mon avis (de pur technicien) est que ce n’est pas la distance qui importe pour la gêne occasionnée pour les habitants à proximité, mais l’angle sous lequel on les voit. Rien de comparable entre une éolienne culminant à 15m (en bout de pales) à 500m de distance, et une qui culmine à 150m à 1000m de distance. Je ne comprend pas que ce ne soit pas ce paramètre qui soit pris en compte.,

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