Nouvelle frappe des éditions de l’Artilleur, qui publient cette fois une traduction française du livre de la grande climatologue américaine Judith Curry. Cette célèbre repentie de l’alarmisme climatique, engagée médiatiquement en faveur du GIEC jusqu’à la fameuse affaire du Climategate de 2009 qui lui ouvrit les yeux sur les pratiques de son milieu scientifique, nous livre un irremplaçable témoignage de ce qui se joue dans les sciences du climat.
Modèle d’argumentation posée, l’ouvrage de Judith Curry commence par nous raconter comment l’idéologisation de la science a conduit des scientifiques à revêtir les habits de militants de causes sans rapport avec l’étude rationnelle du climat. L’analyse presque clinique de l’évolution du phénomène se conjugue au recours à des images frappantes et efficaces, comme le concept de « blanchiment de données » (comment « nettoyer » un ensemble de résultats pour que, de l’article scientifique au résumé puis au communiqué de presse, ne subsistent que les conclusions qui vont dans le sens voulu) à celui du « moment feu de camp » que nous vivons, où le but du jeu consiste à trouver l’histoire qui fera le plus peur.
Parfaitement informé et structuré, l’ouvrage donne à voir une lionne qui dévore tranquilllement son déjeuner, quartier de bœuf après quartier de bœuf. Quand elle pose sa patte sur la notion de consensus scientifique, quelques pages plus loin à peine il ne reste pas la moindre miette de cette chimère qui ne favorise que les biais de sélection et d’excès de confiance. Lorsqu’elle serre délicatement dans sa mâchoire la question de la décarbonation, le lecteur a vite fait de comprendre que les sommes astronomiques qui y sont consacrées n’ont rien d’une politique raisonnable. Jette-t-elle son dévolu sur les modèles climatiques, ou sur les scénarios de température pour 2050 ? Un conseil : ôtez vos doigts.
Il faut souhaiter à cette excellente synthèse le même succès que la traduction de celle de Steven Koonin (Climat, la part d’incertitude, L’Artilleur, 2022), qui a fait grand bruit il y a deux ans notamment grâce à la venue de l’auteur à Paris à l’invitation de l’Association des Climato-Réalistes. (Oui, oui, on essaiera de voir s’il nous est possible de faire venir aussi Judith Curry, mais n’anticipons pas…) Les deux livres ont pour points communs leur remarquable pondération, le caractère irréprochable de leurs sources, l’appel sincère à un travail qui réunirait toutes les bonnes volontés plutôt que les tenants d’un seul camp, et leur contenu remarquablement informatif qui donne beaucoup à réfléchir sur bien des questions comme celle du lien entre science et politique. En guise de conclusion, parmi la masse d’excellents conseils donnés par l’auteur, mentionnons par exemple celui-ci en forme d’avertissement adressé à nos démocraties :
L’expression « suivez la science » sonne bien. Mais la science ne conduit nulle part. Elle peut éclairer diverses lignes de conduite, quantifier les risques et les arbitrages. Mais pas faire des choix à notre place. En suivant la science, les décideurs évitent d’assumer la responsabilité des choix qu’ils font. Quand la science est invoquée pour légitimer le transfert de responsabilités d’un corps démocratique à un corps technocratique, le sort les décisions de l’arène du débat politique.
Judith A. Curry, Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était, L’Artilleur, 2024, 479 p., 23 €. (Lien pour commander chez l’éditeur)