Des chercheurs de la NASA ont découvert que le glacier Jakobshavn (à l’origine de l’iceberg responsable du naufrage du Titanic ) qui s’amincissait depuis 20 ans a fait une volte-face inattendue : le glacier s’écoule maintenant plus lentement, s’épaississant et avançant vers l’océan au lieu de reculer.
Cette découverte a fait l’objet d’une étude publiée le 25 mars dans Nature Geoscience [1], par des chercheurs du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. Elle est basée sur les données de la mission Oceans Melting Greenland (OMG) ainsi que sur d’autres observations.
Le glacier Jakobshavn qui est situé sur la côte ouest du Groenland, draine environ 7 % de l’inlandsis de l’île. En raison de sa taille et de son importance pour l’élévation du niveau de la mer, les scientifiques de la NASA et d’autres institutions l’observent depuis de nombreuses années. Le retrait rapide du glacier avait commencé au début des années 2000 avec la perte du plateau de glace, une extension flottante du glacier qui ralentit son écoulement.
L’inversion de tendance s’est produite parce qu’un courant océanique apporte de l’eau plus fraîche depuis 2016. La température de l’eau à proximité du glacier est maintenant plus froide qu’elle ne l’était depuis le milieu des années 1980. Cette source d’eau plus froide a été localisée dans l’océan Atlantique Nord à plus de 966 kilomètres (600 milles) du glacier.
Les chercheurs supposent que l’eau froide a été mise en mouvement par un changement de phase de l’Oscillation de l’Atlantique Nord (NAO), qui passe du chaud au froid tous les cinq à vingt ans. La NAO s’est récemment installée dans une phase froide, refroidissant l’Atlantique en général. Bien que les derniers hivers aient été relativement doux au Groenland, ils ont été beaucoup plus froids et venteux que d’habitude sur l’océan Atlantique Nord. Sous l’influence de la NAO, l’océan Atlantique près du Groenland s’est refroidi d’environ 1 degré Celsius entre 2013 et 2016, ouvrant la voie à un refroidissement rapide du courant océanique dans le sud-ouest du Groenland et propulsant des eaux plus fraîches qui ont atteint le glacier Jakobshavn pendant l’été 2016.
Jusqu’à présent, on pensait qu’une fois que les glaciers avaient commencé à se rétracter, rien ne pouvait les arrêter. Cette étude montre qu’il n’en est rien. Cela devrait être considéré comme une bonne nouvelle ; que nenni, les scientifiques affirment que cette inversion de tendance n’est pas durable, et que rapidement, avec la bascule de la NAO en phase chaude, le glacier Jakobshavn reprendra son déclin rapide.
On relève aussi que si les records de chaleur en Alaska ont été largement commentés par la presse française, celle ci (à l’exception de Ouest-France) n’a pas fait mention du redressement du glacier Jakobshavn.
[1] Interruption of two decades of Jakobshavn Isbrae acceleration and thinning as regional ocean cools https://www.nature.com/articles/s41561-019-0329-3