István Markó (1956 – 2017) était professeur et chercheur en chimie organique à l’université catholique de Louvain. Son nom est associé à celui de Kevin Lam pour sa contribution à la mise au point de la réaction de Markó-Lam. Il s’était fait le défenseur, dans plusieurs médias francophones sur internet, et lors de débats publics, d’un point de vue sceptique sur la question du réchauffement climatique lié à l’homme.
Il avait été interviewé par Grégoire Canlorbe, journaliste politique et scientifique, peu de temps avant son décès.
Grégoire Canlorbe : L’activisme climatique passe pour le cheval de Troie du Marxisme, une manière pour ses adeptes d’avancer masqués, dans la sempiternelle guerre sainte que le Marxisme réclame en vue d’établir le totalitarisme communiste. Pourtant, ce fut bien Margaret Thatcher, égérie du libéralisme conservateur, qui donna le coup d’envoi au GIEC. Comment vous l’expliquez-vous ?
István Markó : Plus précisément, Margaret Thatcher, quoique chimiste de formation et donc consciente du caractère mensonger d’une telle allégation, a été la première à avancer l’excuse du problème climatique posé par le CO2 pour parvenir à ses fins politiques. À l’époque, c’est-à-dire le milieu des années 1980, Thatcher guerroyait avec le tout-puissant syndicat du charbon, lequel se rémunérait avec les deniers publics et votait énormément de lois et de subsides pour maintenir à flots une industrie qui n’était plus rentable par elle-même.
Alors qu’elle faisait face à une grève des mineurs britanniques, présidée par Arthur Scargill qui devait plus tard fonder et diriger le Parti travailliste socialiste, Thatcher a cru bon d’entériner la thèse du réchauffement lié aux émissions de CO2 pour en finir avec les syndicalistes qui tenaient son pays en otage. Mais elle n’a pas vraiment été à l’origine du GIEC. Le « coup d’envoi », selon votre expression, est davantage venu de personnalités, versées dans l’écologisme radical, comme la Norvégienne Gro Harlem Brundtland, qui a présidé la Commission de l’ONU responsable du fameux rapport « Notre avenir à tous » de 1987, ou le Canadien Maurice Strong, qui compte parmi les membres fondateurs du GIEC.
La croyance en un effet de serre catastrophique dû aux émissions de CO2, croyance qu’elle savait infondée, mais qu’elle a largement contribué à asseoir et à populariser, a fourni à Thatcher un atout supplémentaire, dans son bras de fer avec le syndicat, pour mettre en œuvre la sortie du charbon du Royaume-Uni et sa transition énergétique vers le nucléaire. On peut certes déplorer cette stratégie de Thatcher fondée sur une perversion de la science. Toujours est-il qu’à cette époque, les industries qui produisaient de l’électricité notamment à partir du charbon ne le faisaient pas dans des conditions très propres ; et quand bien même le CO2 n’a absolument rien d’un poison, il existait alors une réelle pollution associée au charbon brûlé.
En effet, la combustion du charbon n’a pas seulement pour effet les émissions inoffensives de CO2 : elle s’accompagne de déchets soufrés et azotés ; engendre des émissions de SO2, des émissions de SO3, et des émissions de NOx ; éjecte des particules fines ; et laisse des cendres radioactives. Depuis les années 1980, le traitement de la pollution industrielle a cependant évolué ; et une usine de fabrication de l’électricité qui emploie le charbon comme matériau de base pollue désormais très peu son environnement.
Grégoire Canlorbe : À vos dires, une personne sensible aux charmes champêtres, éprise des salons de verdure et des lits d’herbes diaprés, ne peut que saluer la hausse de la concentration du dioxyde de carbone dans l’air. Pourriez-vous revenir sur la nécessité de dé-diaboliser le CO2 au vu des données objectives de la chimie ?
István Markó : Encore une fois, le CO2 n’est pas, et n’a jamais été, un poison. Chacune de nos respirations émet une quantité astronomique de CO2, par rapport à celle qui se trouve dans l’atmosphère ; et il est très clair que l’air que nous expirons ne tue pourtant personne en face de nous. Ce qu’il faut bien comprendre, du reste, c’est que le CO2 est la nourriture élémentaire des plantes : sans CO2 il n’y aurait pas de plantes, et sans plantes il n’y aurait pas d’oxygène et donc pas d’humains. L’équation est aussi simple que cela.
Les plantes ont besoin du CO2, de l’eau, et de la lumière du jour, dans le mécanisme de la photosynthèse, pour générer les sucres qui vont leur servir de nourriture de base et de blocs de construction. Cette donnée fondamentale de la botanique est l’une des raisons primordiales pour lesquelles quiconque est sincèrement attaché à la préservation du « monde naturel » devrait s’abstenir de diaboliser le CO2. On observe effectivement, sur les trente dernières années, une augmentation du taux de CO2 qui est graduelle. Mais ce qu’on observe aussi, c’est qu’en dépit de la déforestation, la planète a verdi d’environ 20% ; et cette extension de la couverture végétale de la planète, les amoureux de la nature la doivent très largement à la hausse de la concentration du CO2 dans l’atmosphère.
Si l’on étudie, cependant, ce qui s’est passé au niveau géologique depuis plusieurs millions d’années, on se rend compte que la période présente est caractérisée par un taux de CO2 extraordinairement bas. Au cours du Jurassique, du Trias, etc., le taux de CO2 grimpait à des valeurs parfois de l’ordre de 7000, 8000, 9000 ppm, ce qui excède considérablement les malheureux 400 ppm que nous avons aujourd’hui. Non seulement la vie existait bel et bien, en ces temps reculés où le CO2 était aussi présent dans l’atmosphère, mais des plantes telles que les fougères atteignaient couramment 25 mètres de haut. Réciproquement, loin de profiter à la végétation actuelle, la diminution de la présence du CO2 dans l’atmosphère serait susceptible de compromettre la santé, voire la survie, de très nombreuses plantes. Descendre au-dessous du seuil de 280 ou 240 ppm se solderait, tout simplement, par l’extinction d’une large variété de nos espèces végétales.
En outre, notre croisade acharnée pour réduire le taux de CO2 pourrait s’avérer d’autant plus nuisible à la nature que les plantes ne sont pas les seuls organismes à baser leur alimentation sur le CO2. Les espèces du phytoplancton, elles aussi, se nourrissent de CO2, utilisant le carbone du CO2 comme unité de construction et relâchant de l’oxygène. Au passage, il est bon de rappeler que 70% de l’oxygène présent dans l’atmosphère aujourd’hui provient du phytoplancton, et non des arbres : contrairement à la doxa, ce ne sont donc pas les forêts, mais bien les océans, qui constituent les « poumons » de la terre.
En ce qui concerne, plus particulièrement, le lien supposé entre réchauffement de la planète et émissions de CO2, il est tout à fait faux que le CO2 ait un effet de serre majeur. Il est bon de rappeler, là aussi, que le CO2 est un gaz mineur : aujourd’hui, il représente seulement 0,04% de la composition de l’air ; et on attribue à son effet de serre la valeur de 1. Le gaz à effet de serre majeur dans l’atmosphère est bien plutôt la vapeur d’eau : dix fois plus puissante que le CO2 dans son effet de serre, la vapeur d’eau est présente à hauteur de 2% dans l’atmosphère. Ces faits sont, en principe, enseignés à l’école et à l’université ; mais on réussit tout de même à incriminer le CO2 auprès des élèves, en se servant d’une entourloupe qui consiste à présenter l’effet de réchauffement du CO2 comme mineur mais exacerbé, à travers des boucles de rétroaction, par les autres effets de serre.
Grégoire Canlorbe : Bien des théories qui se prétendent scientifiques relèvent d’une élaboration plus ou moins rigoureuse au point de vue logique, plus ou moins robuste au point de vue expérimental, destinée à justifier certains sentiments secrètement contenus dans ces mêmes théories. Or, les hommes se laissant entraînés bien plus par leurs sentiments que par des raisonnements, le pouvoir persuasif d’une théorie viendra essentiellement des sentiments qu’elle exprime – et non du vernis logico-expérimental qui les recouvre.
Au-delà des intérêts politiques, quels sont donc les sentiments qui inspirent la thèse du réchauffement anthropique et qui la rendent si attrayante ?
István Markó : En tant que scientifique, j’espère naturellement que je réussis à me cantonner dans le champ de ce que Vilfredo Pareto appelait la démarche logico-expérimentale ; et que je ne me laisse pas biaiser, à mon insu, par des sentiments qui interféreraient avec le sérieux de mes théories et la validité de mes expériences. Mais mes sentiments sont très certainement en jeu lorsque j’endosse le discours du militant à l’endroit de la thèse du réchauffement anthropique et de l’étrange emprise qu’elle exerce sur les gouvernements et l’opinion publique.
Déjà, je crois à la science : je veux dire que je crois à la possibilité de connaître objectivement la réalité par l’entremise de la science. Je pense qu’il y a le vrai et le faux, que la science nous permet de trancher entre les deux, et que la vérité doit se savoir ; que la connaissance scientifique doit être mise entre les mains de la population. Je crois également à la liberté : je crois que tout homme est habilité à mener sa vie et à gérer ses biens comme il l’entend ; qu’il est seul possesseur de lui-même ; et que le dirigisme étatique est aussi moralement répréhensible qu’il est nocif dans ses conséquences sociales, économiques, et environnementales.
Je constate deux choses qui me désolent : de un, la population est de plus en plus désinformée scientifiquement ; et de deux, les médias et les gouvernements en profitent pour propager une théorie qui est douteuse, celle du réchauffement anthropique, et pour promouvoir des mesures coercitives en son nom. Rares sont les personnes qui prennent le temps de s’informer sérieusement sur l’empreinte réelle du CO2 ; et rares sont les personnes, plus généralement, qui s’intéressent encore à la science. Je regrette intensément que nos sociétés occidentales en soient arrivées à cultiver une telle méfiance à l’endroit de la science : une telle réticence à avoir confiance en sa capacité de connaître objectivement le monde et de le transformer positivement.
La théorie du réchauffement anthropique se veut scientifique ; mais si les gens acceptent cette théorie, s’ils la tiennent pour vraie, ce n’est clairement pas par intérêt pour la science. Une théorie aussi fragile, au vu des faits sur le CO2 que je vous ai présentés ci-haut, n’aurait jamais pu être acceptée par des gens qui se soucient réellement de la science ; et qui jouissent d’une culture solide en ce domaine. À mes yeux, il y a deux raisons principales – ou si vous préférez, deux grands types de sentiments – qui font que les gens se laissent si aisément séduire par la théorie du réchauffement anthropique. En premier lieu, la religion catholique est en déclin dans le monde occidental ; et ce que j’appelle l’écologisme vient la remplacer.
En second lieu, les occidentaux ont un goût prononcé pour l’auto-flagellation ; et la théorie du réchauffement anthropique vient justifier ce penchant possiblement ancré dans notre héritage judéo-chrétien. D’un côté, nous avons donc des sentiments religieux : la foi en un nouveau système de pensée, qui est l’écologisme ; la vénération d’une nouvelle divinité, qui est la Nature bienveillante et protectrice. De l’autre, nous avons un sentiment de culpabilité, qui s’exprime dans notre conviction que, si le climat se réchauffe, c’est de notre faute ; et que, si nous ne limitons pas immédiatement nos émissions de CO2, nous aurons souillé et défiguré notre planète.
Grégoire Canlorbe : On se figure couramment les faits suivants comme autant de preuves du réchauffement de la planète, que celui-ci ait ou non quelque chose à voir avec la toxicité du CO2. En premier lieu, le niveau des mers et des océans monterait année après année, engloutissant des îles entières, tandis que le niveau des glaciers et des calottes polaires diminuerait ; en second lieu, les températures enregistreraient une augmentation graduelle, tandis que la fréquence des intempéries et la superficie des sécheresses atteindraient, elles aussi, des niveaux de plus en plus élevés ; en troisième et dernier lieu, la résurgence de certaines maladies telles que celle de l’anthrax, en Russie, ferait suite au retour de bactéries libérées par le dégel.
Lesquels de ces faits communément admis jugez-vous avérés ?
István Markó : Sur les 12 000 dernières années, c’est à une oscillation entre des périodes de chaud et de froid, donc des périodes de hausse et des périodes de baisse du niveau des eaux, que l’on assiste. Incontestablement, le niveau des mers et océans monte depuis la fin du Petit Âge glaciaire, lequel s’étend approximativement du début du XIVème à la fin du XIXème siècle. Au terme de cette période, la température globale s’est effectivement mise à augmenter : cela dit, la hausse enregistrée est de 0,8 degré centigrade et n’a donc rien d’extraordinaire. Si la température monte, l’eau des océans se dilate forcément et certains glaciers reculent ; mais c’est quelque chose que les glaciers ont toujours fait, et non une spécificité de notre époque.
C’est ainsi que, du temps de Rome, les glaciers étaient beaucoup plus petits que ceux que nous connaissons actuellement ; et j’invite le lecteur à consulter les documents datant de l’époque de Hannibal, lequel a pu passer avec ses éléphants pour la raison qu’il n’a pas rencontré de glace sur son chemin, hormis lors d’une tempête de neige juste avant d’arriver dans la plaine d’Italie. Aujourd’hui, vous ne pourriez plus faire le trajet de Hannibal ; et c’est bien parce qu’il faisait plus chaud du temps des Romains que Hannibal a été capable d’un tel exploit.
Le niveau des eaux, actuellement, monte ; mais c’est un phénomène que nous surestimons : la hausse enregistrée est de 1,5 millimètre par an, soit 1,5 cm tous les dix ans, et n’a donc rien de dramatique. Certes, il arrive que des îles entières soient englouties ; mais dans 99% des cas, cela est dû à un classique phénomène d’érosion, et non à la montée des eaux. Quant à Venise, le fait qu’elle s’enlise n’est aucunement dû à quelque augmentation du niveau de la lagune ; et ne fait que manifester la triste réalité que « la cité des Doges » s’enfonce sous son propre poids. Encore une fois, le niveau global des mers et océans monte ; mais la menace censément représentée par ce phénomène est loin d’être tangible. Je constate que les îles de Tuvalu, dont on nous annonçait naguère l’engloutissement imminent, non seulement n’ont pas été submergées, mais ont vu leur niveau augmenter par rapport à celui des eaux autour d’elles.
Encore un autre phénomène que nous exagérons est la fonte des calottes polaires. Cela fait plus de dix ans que la quantité de glace en Arctique n’a pas diminué : l’on peut bien constater, d’une année à l’autre, des fluctuations du niveau de la glace, mais en moyenne, ce niveau reste constant. Au sortir du Petit Âge glaciaire, puisque la température a monté, l’Arctique s’est mis à fondre ; mais le niveau de la glace en Arctique s’est finalement stabilisé. Du reste, cela fait plus de trente ans que la glace s’accumule en Antarctique ; et c’est également ce que l’on observe au Groenland, dont la quantité de glace a augmenté de 112 millions de kilomètres cube l’année passée. À l’échelle du globe, les glaciers comptant pour des cacahouètes, et la majorité des glaces se trouvant en Antarctique et sur le Groenland, force est de constater que la quantité de glace n’a quasiment pas changé depuis des centaines d’années.
Bien d’autres mythes et légendes climatiques existent. Des intempéries aux tornades, les événements extrêmes sont véritablement en diminution partout dans le monde ; et lorsqu’ils se produisent, leur ampleur est bien moindre également. Comme l’explique Richard Lindzen, physicien au MIT, la diminution du différentiel de température entre l’hémisphère nord et la partie équatoriale de notre planète rend l’énergie cyclonique beaucoup plus petite : la gravité et la fréquence des événements extrêmes diminuent donc. Mais encore une fois, la hausse des températures accuse une ampleur bien moindre par rapport à celle que l’on se figure couramment.
Si vous jetez un œil sur les données satellites et les données des ballons sondes, vous constatez ainsi que l’augmentation des températures dans le monde est relativement modeste ; qu’elle est beaucoup plus faible que celle que l’on nous annonce et qui repose sur des calculs qui, faute de pouvoir prendre en compte les températures passées, sauf en ajustant des données x, y, z que l’on ne connaît pas toujours, sont autant de projections hasardeuses. Du reste, les sauts de température mesurés par les satellites et ballons sondes procèdent d’un phénomène classique que l’on appelle le phénomène El Niño ; et qui consiste en un retour des eaux très chaudes à la surface de l’océan Pacifique équatorial, la chaleur ainsi dégagée dans l’atmosphère tirant la température mondiale vers le haut et le CO2 ne jouant strictement aucun rôle dans ce processus.
Autre chose encore : les déserts actuels, bien loin d’augmenter, diminuent ; et ils diminuent en raison de la plus grande quantité de CO2 disponible dans l’air. Il se trouve que les personnes cultivant des plantes sous serre injectent volontairement trois fois plus de CO2 dans la serre qu’il n’y en a dans l’atmosphère. Les effets que l’on constate sont que les plantes poussent plus vite et qu’elles sont plus grandes ; qu’elles sont plus résistantes aux maladies et plus résistantes aux insectes ravageurs ; et surtout, que leur photosynthèse est beaucoup plus efficace et qu’elles utilisent donc beaucoup moins d’eau. De même, l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’atmosphère fait que les plantes ont moins besoin d’eau ; et qu’elles peuvent donc se permettre de coloniser des régions arides.
En ce qui concerne les maladies et autres phénomènes étranges que l’on s’empresse d’attribuer au réchauffement climatique, il existe un site web – « globalwarminghoax.com », me semble-t-il – qui collectionne les diverses rumeurs et élucubrations entendues à ce sujet. Le fait que la fertilité masculine diminue ; le fait que les ailes des oiseaux rétrécissent ; le fait qu’un requin se manifeste en mer du Nord ; tout et n’importe quoi est susceptible d’être mis en relation avec le changement climatique si l’on y met suffisamment de malhonnêteté intellectuelle. C’est là que vous journalistes honnêtes avez un rôle à jouer : celui d’enquêter sur la vraie raison des phénomènes et de démystifier le prêt-à-penser que des puissances d’argent et des forces politiques demandent aux médias de relayer servilement.
En réalité, les maladies qui dépendent du climat en tant que tel sont relativement rares ; et même la malaria ne dépend pas directement du climat, mais de la manière dont nous permettons au parasite de se reproduire et au moustique de prospérer dans l’endroit où nous nous situons. Si vous vous trouvez dans une zone marécageuse, vos chances d’attraper la malaria seront élevées ; si vous avez asséché le système et que vous n’avez plus ces zones humides, vos chances d’attraper la malaria seront très faibles. En définitive, mettre la résurgence de quelque maladie automatiquement sur le dos du réchauffement climatique revient à déresponsabiliser les gens : à nier que ce soit leur rejet des vaccins, par exemple, ou leur manque d’hygiène qui puisse être en cause.
Grégoire Canlorbe : Dans son discours du Liechtenstein, de 1993, Alexandre Soljenitsyne s’alarmait des méfaits associés au fleurissement industriel et à la consommation de masse. « Premier point négligé, redécouvert tout récemment », affirmait-il, songeant aux régimes communistes mais aussi aux économies capitalistes, « c’est qu’un Progrès illimité s’accorde mal aux ressources limitées de la planète ; que la nature doit être préservée plutôt qu’exploitée à outrance ; que nous saccageons brillamment un environnement qui est aussi notre destin commun. »
L’abondance, à bon marché, des biens de consommation, les progrès de l’industrie, la poursuite de l’aisance matérielle, tout cela a également desséché l’âme des occidentaux. « La victoire de la civilisation scientifique et technique nous a insufflé une sorte d’insécurité spirituelle. Ses dons nous enrichissent, mais nous tiennent aussi en esclavage. Tout n’est plus qu’intérêts, on nous astreint à veiller aux nôtres, tout est lutte pour les biens matériels ; mais une voix intérieure nous dit que nous y avons laissé quelque chose de pur, de supérieur et de fragile. »
Que répondez-vous à cet archipel de vues acerbes ?
István Markó : L’analyse de Soljenitsyne, qui fustige ce qu’il appelle « la civilisation scientifique et technique », me semble mâtinée d’une curieuse défiance à l’endroit de la science et du progrès technologique : cette même défiance, en fait, qui s’est répandue dans nos sociétés occidentales comme une traînée de poudre. J’imagine que le biais pessimiste de Soljenitsyne est issu de sa vie sombre et douloureuse sous le régime soviétique. Je ne sais pas s’il faut également reconnaître dans son discours des traits de pensée typiquement slavo-orthodoxes : quoi qu’il en soit, son angoisse face au développement scientifique, industriel, et matériel n’est pas sans rappeler certains passages de Dostoïevski.
Pour commencer, ceux qui colportent l’idée que le caractère fini des ressources rend impossible une croissance infinie, font l’impasse sur la capacité de l’être humain à innover dans sa technologie, à enrichir sa connaissance de la nature, et à actualiser ses stratégies d’extraction. Prenons le cas de cette ressource finie qu’est le pétrole : on constate, de un, que de nouvelles nappes sont découvertes régulièrement ; de deux, que les anciennes nappes pétrolières sont exploitées par des méthodes plus évoluées qui améliorent le rendement ; et de trois, que le pic pétrolier, dont les malthusiens n’ont de cesse de nous dire qu’il est sur le point d’être atteint, est constamment repoussé. Par ailleurs, on met au point, en tâtonnant, des méthodes de recyclage qui laissent entrevoir la possibilité, dans un futur plus ou moins surréaliste, d’asseoir la croissance sur des ressources perpétuellement et intégralement recyclées.
Je ne nie pas que nous devions préserver notre environnement ; et éviter de l’ « exploiter à outrance ». Mais ce que nous devons aussi comprendre, c’est que la nature ne donne rien spontanément : les ressources ne s’offrent pas d’elles-mêmes ; elles sont toujours à aller chercher, extraire, au moyen de quelque technologie. Au demeurant, la nature n’est pas hospitalière par elle-même : pour survivre et prospérer, nous avons dû nous adapter à notre environnement ; et adapter notre environnement lui-même. Le bilan écologique des régimes communistes, lesquels échouent, ou ont échoué, en tout, est effectivement désastreux ; et la méfiance de Soljenitsyne à l’endroit de « la civilisation scientifique et technique » vient sans doute de là.
S’en prendre à la consommation de masse et au progrès industriel en tant que tels me laisse, cependant, perplexe : ne serait-ce que parce que c’est le gaspillage, et non la consommation elle-même, qui est le vrai problème. Autant la lutte contre le gaspillage me semble donc fondée et nécessaire, autant la lutte contre « la société de consommation », qui a pu inspirer un certain terrorisme, me semble hors de propos. Je rappelle que ce sont notamment la consommation de masse et, en amont, l’exploitation industrielle des ressources fossiles, qui ont libéré l’homme occidental de la pauvreté et de toute une série de tâches qui l’avilissaient. Du reste, la victoire de la médecine, que l’on vante si souvent, n’aurait jamais pu voir le jour, elle non plus, sans la chimie des ressources fossiles ; et ce sont bien les progrès chimiques et industriels en matière de pesticides, d’insecticides, et de fertilisants, qui nous ont permis de maîtriser notre environnement.
À moins que l’on ne juge dégradant et asservissant le fait même d’améliorer nos conditions de vie, il est peu sérieux de reprocher à la science, à la technique, et à la consommation de nous tenir en esclavage. Il est vrai que la critique de Soljenitsyne semble éviter de nier les bienfaits économiques et sanitaires du « progrès » ; et qu’elle semble se focaliser sur les conséquences psychologiques. Mais même de ce point de vue, on exagère aisément les effets délétères associés au développement scientifique et technologique et, en aval, au confort matériel et à la consommation de masse. Les comportements pathologiques, tels que l’addiction, sont le fait d’une minorité de consommateurs : ils sont donc exceptionnels et accidentels ; et non une sorte de maladie congénitale des « sociétés de consommation ».
Quant à l’idée que le confort de vie nous assècherait moralement, qu’il nous rendrait cupides et sans cœur, elle ne résiste pas à l’examen, elle non plus : il suffit de constater à quel point les gens sont enclins, dans nos sociétés opulentes, à donner à des organisations caritatives de toutes sortes. Du reste, les sociétés asiatiques, qui sont restées fidèles à leurs traditions spirituelles, cultivent aujourd’hui un respect de la science et de la technique bien plus grand que celui qui règne dans l’Occident sécularisé : il est donc faux de prétendre, comme Soljenitsyne semble le faire, que la spiritualité des peuples s’atrophie à mesure que leur mode de vie s’axe davantage sur la science et sur la technique.
Cela dit, il y a bien un méfait psychologique que je pense pouvoir être légitimement imputé au confort matériel, c’est que celui-ci dispose peu à peu les gens, au fil des générations qui tiennent leur confort pour acquis, à perdre de vue le monde inhospitalier et dangereux dans lequel ils vivent. Aveuglés par l’aisance de leur niveau de vie, et les facilités permises par leur avancement scientifique, industriel, et technologique, les occidentaux ont finalement oublié une loi fondamentale : ce monde ne donne rien si on ne lui force pas la main. Encore une fois, la raison pour laquelle nous habitons cette planète dans des conditions aussi favorables à notre santé et à notre bien-être hygiénique, ainsi qu’à notre épanouissement économique et démographique, c’est que nous avons rendu hospitalier notre environnement.
Gaïa ne nous prend pas sous sa coupe ; et elle n’est pas non plus cette déesse délicate et innocente, offensée par le sang et le labeur, violée par les usines, les mines, et les groupements urbains, que les écologistes célèbrent. J’évoquais plus haut la colonisation des déserts par les plantes à la faveur de la plus grande quantité de CO2 dont elles disposent. C’est bien la nature elle-même, et non l’être humain, qui a inventé la colonisation, mais aussi l’industrie, le commerce, la guerre, ou encore les infanticides ; et nous avons seulement hérité de ces comportements. Si le lecteur ne me prend pas au sérieux sur les infanticides, qu’il songe aux ours polaires qui n’hésitent pas à tuer leurs propres rejetons et à emporter leurs têtes pour le repas du soir.
Grégoire Canlorbe : Vous semblez avoir une tendresse toute particulière pour la Chine, où vous avez beaucoup voyagé. Le nucléaire de quatrième génération chinois retient, en particulier, votre attention. Fort de votre expérience de terrain et de vos recherches, la politique environnementale de la Chine contemporaine et son mode semi-planifié d’économie capitaliste offrent-ils, à vos yeux, des résultats supérieurs à ceux obtenus en Russie et dans le monde occidental ?
István Markó : En tant que professeur invité dans deux universités chinoises, j’ai effectivement effectué de nombreux voyages en Chine ; et je dois avouer, comme vous l’écrivez, que j’ai une tendresse toute particulière pour ce pays. L’ouverture de la Russie à l’économie capitaliste a été beaucoup trop brutale et hâtive : elle a débouché sur ce que je serais tenté d’appeler un capitalisme de type mafieux. Les Chinois ont bien compris cela ; et, plutôt que de « libéraliser » à tout va, avec les conséquences fâcheuses que l’on sait, ont préféré opter pour une transition, en douceur, du totalitarisme communiste vers un capitalisme de type semi-planifié.
Les principaux membres du gouvernement chinois ont tous une formation de scientifiques ou d’ingénieurs : ce sont donc des dirigeants qui savent raisonner de manière logique, qui savent analyser et décortiquer un problème de manière scientifique ; et, n’ayant pas à se soucier d’organiser une campagne électorale tous les deux ou cinq ans, il sont en mesure de prendre des décisions sur le long terme. Ce type de production des élites est une force indubitable du capitalisme chinois ; et le développement du nucléaire de quatrième génération, sur lequel vous faites bien d’insister, est l’un des grands succès à mettre à leur crédit.
Ayant dit cela, je me sens obligé de préciser que je ne suis pas candide sur le sort des libertés politiques et sociales là bas. Je constate, cependant, que la liberté d’expression avance à une vitesse fulgurante ; et j’ai été témoin, en particulier, de manifestations sur la place Tian’anmen qui étaient dans le plus pur style européen, et qui n’ont valu à aucun des participants d’être fusillé ou décapité. En 1993, un doctorant qui voulait venir en Belgique ne pouvait le faire que si sa famille restait, en otage, sur le sol chinois : aujourd’hui, il n’y a plus aucun problème pour que sa famille l’accompagne.
Sur la toile chinoise, la parole est décomplexée ; et près de chaque jeune possédant un, voire deux téléphones portables, les choses se disent et se transmettent à un rythme phénoménal. Il existes certes des restrictions, mais pas plus en Chine qu’ailleurs ; et certes, Google et Facebook ont été bloqués, mais la faute en incombe aux propriétaires. Je ne prétends pas que la Chine est le paradis de la liberté : tout ce que j’entends faire remarquer, c’est que la Chine évolue vers la liberté et qu’elle respecte la science ; tandis qu’en occident, nous évoluons vers le communisme, l’atrophie de la liberté d’expression, et le mépris de la science. Donald Trump semble savoir cela ; et il semble être l’alpha naturel dont l’Amérique a besoin pour enrayer son processus de décadence, et pour maintenir son leadership face au concurrent chinois.
Deux choses méritent d’être dites sur le bilan écologique de la Chine. Contrairement à ce que suggère un certain préjugé misérabiliste, les Chinois sont de plus en plus riches : on constate l’émergence d’une véritable classe moyenne ; et à mesure qu’ils s’enrichissent, leurs préoccupations environnementales augmentent. Mais les Chinois, aussi bien les élites que les « citoyens ordinaires », se moquent du réchauffement climatique : leur souci porte sur la qualité de l’air, la préservation des forêts, la sauvegarde des espèces menacées ; et non sur un hypothétique réchauffement du climat qu’il conviendrait de contrecarrer. Par ailleurs, les Chinois ont compris que l’avenir de l’énergie électrique réside dans le nucléaire ou les énergies fossiles : et certainement pas dans les énergies intermittentes.
L’industrie éolienne, devant laquelle se pâment les écologistes, produit des résultats hautement hasardeux, car dépendants de l’intensité du vent ; et même dans de bonnes conditions atmosphériques, elle délivre trop peu d’électricité pour être une industrie rentable par elle-même. Warren Buffet, qui possède l’un des plus grands parcs éoliens de l’Iowa, l’a dit sans aucune gêne : « Sur l’énergie éolienne, nous obtenons un crédit d’impôt si nous construisons beaucoup de parcs éoliens. C’est la seule raison de les construire. Ils n’ont aucun sens sans le crédit d’impôt. » Du reste, le bilan écologique est tout aussi mauvais : les éoliennes terrestres tuent des centaines de milliers, voire des millions d’oiseaux et de chauve-souris par an ; quant aux éoliennes en mer, elles tuent nombre de mammifères marins, là aussi dans l’indifférence la plus totale des écologistes.
Nous sommes tenaillés, en Europe, par une peur bleue du nucléaire. Les Chinois, mais aussi les Russes et les Indiens, savent que cette peur est irrationnelle ; et que les énergies intermittentes, de toute manière, ne sont pas une alternative viable. Ils développent leur industrie nucléaire à vive allure et expérimentent déjà la génération suivante au thorium. Quant aux Allemands et aux Français, et bientôt les Belges, hélas, ils régressent : horrifiés par l’accident de Fukushima, encouragés par des élites idiotes, ils détruisent leurs fleurons énergétiques ; et deviennent ainsi la risée des pays émergents. Je rappelle que le séisme et le tsunami de 2011 ont certes fait de très nombreuses victimes : environ 20 000 morts ; mais que personne n’est mort des suites de l’accident industriel nucléaire en tant que tel.
Aux États-Unis, il se produit actuellement une recrudescence dans le financement de ce que l’on appelle les petites unités modulables. Mais la Chine possède assurément le leadership dans l’industrie nucléaire : en première position devant les Russes et les Indiens, les Chinois construisent régulièrement des centrales nucléaires ; et passés maîtres dans ce domaine, ils le font de plus en plus vite. Ils sont en train, aujourd’hui, de mettre au point deux pilotes nucléaires au thorium : ils savent que sa combustion aboutit à des produits hautement radioactifs, et avec une longue durée de vie ; mais ils sont arrivés à résoudre ce problème et à trouver un moyen d’obtenir des produits ultimes qui soient très peu radioactifs.
Du reste, les Chinois sont en passe de devenir leaders dans la conquête spatiale : ils ont construit leurs propres plateformes, qu’ils ont réussi à envoyer dans l’espace ; ils ont également leurs propres lanceurs, qui sont extrêmement fiables, et qui sont bien moins chers, par exemple, que les lanceurs Ariane. Si les Chinois sont aussi performants et innovants, c’est parce qu’à l’instar des Indiens et des Russes, ils ont foi en la science : ils ont foi en la capacité de la science à embellir leur futur et à bâtir un monde meilleur. En Europe, il fut un temps où nous aussi, nous avions foi en la science ; et foi en une évolution de nos sociétés qui repose sur la science. Aujourd’hui, nous n’avons pas seulement tourné le dos à la science : nous sommes étouffés et infantilisés par des bureaucrates qui sucent les forces vives du vieux continent.
Grégoire Canlorbe : Selon une affirmation récurrente de votre part, le panda (naguère en voie de disparition) constitue une « erreur de la nature » : une créature trop inadaptée à son environnement et trop alambiquée en termes de stratégie de survie ou de reproduction. Pourriez-vous nous en dire plus ? En définitive, où s’arrête la responsabilité des êtres humains et où commence celle de Mère Nature en personne dans l’extinction de ses enfants ?
István Markó : Il m’est arrivé, effectivement, de lâcher l’expression « erreur de la nature » pour qualifier le panda. Appartenant à la famille des ursidés, il est normalement un herbivore ; et il se nourrit presque exclusivement de bambous : un certain type de bambou, en fait, dont la capacité énergétique varie en fonction du moment de l’année. Par ailleurs, c’est un animal solitaire, qui évite de chercher la compagnie de ses congénères ; et qui quitte donc rarement son territoire. Ces deux faits concourent à rendre la reproduction du panda hautement hasardeuse, d’autant que le temps de fertilité d’une femelle panda est seulement de trois jours environ.
De un, lorsqu’elle est fertile, la femelle doit se mettre en route pour rencontrer un mâle disposé à la saillir ; et elle doit faire vite. De deux, lorsqu’elle tombe sur un mâle, celui-ci décline la proposition dans neuf cas sur dix ; et ce, parce qu’à cette période de l’année, le bambou a une très mauvaise qualité énergétique. Le mâle panda préfère donc se reposer, d’autant que son taux de testostérone, à cette période de l’année, est également très bas. En outre, les pandas s’occupent très peu de leurs enfants. Pour toutes ces raisons, je pense que le panda est une espèce naturellement en voie d’extinction : une espèce condamnée par la nature et sauvée par l’être humain.
Parmi les espèces qui disparaissent chaque année, certaines le font pour des raisons naturelles, d’autres doivent leur extinction à l’activité de l’être humain ; mais ce second cas de figure est, en réalité, minoritaire. À l’image du dodo, les espèces qui disparaissent, ou ont disparu, par la faute de l’être humain sont généralement insulaires : leur biotope étant réduit, elles ont peu de possibilités de se défendre. Il est tout à fait vrai qu’il y a environ 800 espèces, sur les 600 dernières années, qui ont disparu ; mais les chiffres que l’on nous martèle ad nauseam, les dizaines de milliers d’espèces censées disparaître chaque année, sont sortis du chapeau.
Un jour, j’ai écrit un e-mail à WWF pour leur demander d’énumérer, de préférence en latin, le nom des espèces disparues lors de l’année en cours ; ainsi que d’indiquer l’emplacement des cadavres concernés. Je suis sans réponse de leur part, encore à ce jour ; et pour une raison très simple : les ONG veulent nous effrayer et nous culpabiliser avec des allégations sans fondements. En outre, il arrive régulièrement que des espèces que l’on croyait disparues refassent surface : le coelacanthe, par exemple, mais aussi le loup de Guinée.
Grégoire Canlorbe : L’utopie du califat mondial, ravivée à l’ère de l’information et de la mise en réseau instantanée et globalisée, est d’autant moins anachronique qu’elle fait écho au rêve gaïaniste et « réchauffiste » de confier à un gouvernement mondial les rênes du développement durable. Voyez-vous une convergence des luttes se dessiner entre écologisme totalitaire et Islam ?
István Markó : De nombreuses personnes, généralement issues de l’ancien bloc de l’est, se laissent séduire par l’idée de confier la résolution de nos problèmes environnementaux à une gouvernance mondiale. À bien des égards, l’écologisme est lui aussi le communisme du XXIème siècle : au même titre que l’Islam, il occupe la place laissée vacante par le déclin du marxisme-léninisme. Je ne sais pas si une convergence des luttes entre islamistes et écologistes va effectivement se dessiner ; en revanche, je constate que nous avons d’ores et déjà l’équivalent, à plus petite échelle, du califat écologique mondial. Je songe à l’Union Européenne, laquelle nous donne un avant-goût de la gouvernance bureaucratique, mondiale, et totalitaire que l’ONU s’efforce manifestement d’instaurer.
Puisque nous parlons de la mondialisation, envisagée dans son aspect politique : la perspective d’un gouvernement mondial ; mais aussi dans son aspect économique et disons informationnel – la mise en réseau, parfois instantanée, des hommes, des marchandises, et des idées – je voudrais faire remarquer un possible effet pervers. À mesure que les cultures et les mentalités se mélangent, la religion écologiste (ou gaïaniste) des occidentaux, ainsi que leur penchant pour le repentir, semblent finalement gagner certains des peuples asiatiques. Le Japon, qui est sorti émasculé, au plan spirituel, de la Seconde Guerre mondiale, est d’autant plus propice à se laisser envahir par cette sanctification occidentale du déni de soi.
Grégoire Canlorbe : À l’occasion de l’Austrian World Summit, en juin 2017, Arnold Schwarzenegger décrivait en ces termes le sort qu’il réserverait à un climato-sceptique dans un scénario. « Dans un film, ça aurait été plus simple. On aurait dit : « Qui pense que les gaz à effet de serre ne sont pas des polluants ? » Et celui qui aurait répondu « Oui, moi », je lui aurais encastré la bouche sur un tuyau d’échappement [et] j’aurais démarré le moteur. »
Quant à vous, quel traitement apprécieriez-vous de voir un fidèle du réchauffement anthropique subir à l’écran ?
István Markó : Ayant moi-même pratiqué le bodybuilding dans ma jeunesse, je suis un grand admirateur d’Arnold Schwarzenegger : l’homme et sa cinématographie. Mais je suspecte ses connaissances chimiques, du moins ce qu’il en laisse entrevoir, d’être un peu légères, ne serait-ce que par rapport à celles d’un Dolph Lundgren diplômé en génie chimique ; et pour ce qui est d’obtenir un avis éclairé en politique ou en philosophie, je ferais davantage confiance à Jean-Claude Van Damme.
Arnold s’exprime ici comme s’il ignorait tout bonnement que tous les gaz à effet de serre ne sont pas des poisons ; et qu’encastrer la bouche de quelqu’un sur un tuyau d’échappement et démarrer le moteur n’aura jamais pour seul effet que de faire exploser les poumons de la personne, ce qui n’a pas grand chose à voir avec l’effet de serre. Pour ma part, la pire des situations que je souhaiterais à un fidèle du réchauffement anthropique d’avoir à endurer, à l’écran ou dans la réalité, c’est d’être confronté à des informations honnêtes, des données et chiffres non manipulés, qui l’obligent à reconnaître la vacuité de son dogme.
À savoir que, parmi les gaz qui sortent d’un moteur mis en marche, on en trouve effectivement certains qui sont des polluants – par exemple, le monoxyde de carbone, l’oxyde d’azote, ou l’ozone – mais que le dioxyde de carbone n’en fait pas partie ; et que parmi ces gaz polluants, tous n’ont pas un effet de serre. Ou encore que dans de très nombreux endroits, notamment en Europe, le niveau de la terre monte par rapport à celui des eaux : phénomène classique que l’on appelle un rebond ; et qui est dû au fait qu’au sortir de la dernière glaciation, les énormes quantités de glace qui recouvraient le continent européen et nord-américain ont fondu, permettant à la terre qui était poussée vers le bas de remonter petit à petit.
On nous annonce que le niveau des eaux va augmenter partout dans le monde et augmenter au point de submerger une large partie de nos continents ; mais comme l’a bien montré Hans von Storch, l’un des plus grands climatologues modélisateurs, les modèles à l’appui de ces prévisions sont, pour 98% d’entre eux, totalement faux. On nous annonce que l’air que nous respirons dans les grandes villes n’a jamais été aussi pollué ; mais il suffit de se documenter sur l’air que les gens respiraient à Londres dans les années 1960 pour réaliser à quel point la pollution urbaine a diminué. À Pékin, souvent pointé du doigt, il se produit de temps à autre un brouillard réminiscent du smog londonien ; mais même la pollution de ces jours-là est loin de rivaliser avec celle qui régnait naguère à Londres.
On nous met en garde contre le glyphosate, on nous somme de le bannir ; mais je suis prêt à boire dix grammes de glyphosate devant vous. La vérité est que le glyphosate est un produit deux fois moins toxique que le sel ; et qu’en pratique, il n’est pas plus polluant pour notre environnement qu’il n’est cancérigène pour notre organisme. Derrière la campagne anti-glyphosate, vous retrouvez toutes sortes d’ONG que je qualifie d’éco-terroristes ; et qui se montrent prêtes à tout, y compris à bannir la vérité scientifique elle-même, pour avoir la peau de Monsanto. Je ne suis ni un partisan ni un ennemi de cette firme ; mais je déplore l’animosité injustifiée qui entoure un produit véritablement génial, alimentée par une propagande honteuse de la part des Avaaz et autres Greenpeace.
Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Voudriez-vous ajouter une chose ou deux ?
István Markó : Je voudrais vous remercier pour la pertinence de vos questions. J’étais dernièrement à Santa Barbara, en Californie, où j’ai eu l’occasion de manger avec des assiettes et couverts faits en maïs, et donc biodégradables ; c’est une initiative que je salue, et qui n’a rien à voir avec la lutte vaine, dispendieuse, et mortifère contre les émissions de CO2. S’il y a bien un dernier message que j’aimerais faire passer, c’est que nous devons nous soucier des véritables problèmes écologiques ; et cesser de nous laisser manipuler par des causes qui prétendent avoir en vue le bien de notre planète, mais qui sont autant de prétextes pour asservir et ligoter l’humanité.
Dieu sait s’il y a des choses abominables qui arrivent à notre planète ! Pensez à la pollution des océans et au « septième continent » ; pensez à l’extinction en cours de certaines espèces maritimes comme le cabillaud, lequel est victime, non seulement d’un excès de pêche, mais de la prolifération des phoques dont on a interdit la chasse. Nous devons préserver notre environnement, cela va de soi ; mais nous devons aussi exercer notre esprit critique et identifier les véritables problèmes, ce sans quoi nos bons sentiments ne sont que des larmes insolentes et stupides, parfois même hypocrites.
L’accord de la COP 21 de Paris n’a pas été signé pour sauver la planète et pour éviter que nous ne rôtissions avec une augmentation de température imaginaire de +2°C. Derrière toute cette mascarade se cache, comme toujours, le visage hideux du pouvoir, de la cupidité, et du profit : tous les industriels qui sont favorables à cet engagement, qui va ruiner l’Europe et appauvrir immensément ses citoyens, le font pour la bonne raison qu’ils y trouvent une source de revenus énorme et facile. Quant aux ONG, lorsqu’elles ne sont pas simplement motivées par la cupidité, leur mobile tient en une idéologie résolument malthusienne : revenir à une population mondiale très petite, de l’ordre de quelques centaines de millions d’individus ; et pour ce faire, appauvrir le monde, supprimer les énergies fossiles, et faire en sorte d’augmenter le nombre de décès.
Grégoire Canlorbe, journaliste politique et scientifique, a mené de nombreuses interviews pour des journaux tels que Man and the Economy, fondé par le lauréat du Prix Nobel d’économie Ronald Coase, Arguments, ou encore Agefi Magazine ; et des think-tanks tels que Gatestone Institute et Mises Institute. Il compte plusieurs articles et passages radio, comme analyste politique, à son actif. Et il collabore avec le sociologue et philosophe Howard Bloom sur un ouvrage de conversations, traitant du comportement de masse dans l’univers, des atomes aux humains.