Plus de 70 incendies se sont déclarés dans la soirée de lundi 9 août dans le nord du pays, notamment en Kabylie, région montagneuse fortement boisée et densément peuplée. Au moins 69 morts sont à déplorer, selon les derniers décomptes annoncés mercredi 11 août au soir.
Dans un communiqué, la protection civile faisait état jeudi 12 août de 92 incendies dans 16 wilayas (préfectures) dont 37 à Tizi Ouzou et 15 à El Tarf près de la frontière tunisienne.
La presse a promptement attribué ces incendies à la canicule qui touche le pays « sur fond de dérèglement climatique », qui aurait au minimum « créé les conditions favorables à leur essor » (France TV Info). En effet, il a fait chaud comme cela est habituel dans cette région à cette époque de l’année : dix-neuf wilayas du nord du pays avaient été placées en vigilance orange canicule et des températures supérieures à 35 voire 40°C ont été relevés sur la majorité du pays mercredi, avec un pic à 47°C dans plusieurs zones, dont celle de Tizi Ouzou.
Le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud évoque des actes criminels : « Cinquante départs de feu en même temps, c’est impossible. Ces incendies sont d’origine criminelle », a-t-il déclaré. Quant au Premier ministre, il a indiqué dans un communiqué, mardi 10 août : « Des analyses préliminaires au niveau de la région de Tizi Ouzou ont montré que les sites de déclenchement des incendies ont été soigneusement sélectionnés pour être difficiles d’accès pour les secours et causer le plus de dégâts possible ».
Le conservateur local des forêts, Youcef Ould Mohamed a affirmé de son côté : « Le déclenchement simultané d’une trentaine de feux, dont dix importants, dans différentes communes de la wilaya le jour même où un bulletin météorologique spécial (BMS) lance une alerte canicule ne peut avoir une origine naturelle », ajoutant : « De par notre expérience, il est impossible que l’origine de ces départs de feux soit naturelle, il s’agit d’incendies criminels. »
Il faut certes accueillir avec prudence les déclarations émanant d’un État défaillant. Libération relève ainsi « l’absence de véritable politique de protection forestière, le sous-équipement en matériels de lutte contre le feu, le manque crucial d’eau malgré tous les milliards soi-disant investis dans les infrastructures, etc. »
Cependant, de nombreuses études et rapports ont montré les causes véritables de la vulnérabilité de cette région aux incendies.
Par exemple, la Revue cinq continents a publié en 2019 un article intitulé « Les causes des incendies de forêts : enquête auprès des bergers dans la Wilaya de Tizi Ouzou (Algérie) ».
Résumé :
La wilaya de Tizi Ouzou est très touchée par les incendies de forêt, avec une moyenne annuelle de 175 feux et de 3 092 ha de surfaces parcourues (période 1986-2017)…Cette recherche vise à étudier l’origine des incendies de forêt dans 12 communes de la wilaya de Tizi Ouzou, appartenant à 5 daïras les plus touchées par les incendies de forêts (Azeffoun, Tigzirt, Azazga, Bouzguene, Draa El Mizan).
Source : cinq continents (Volume 9 / Numéro 19 Été 2019)
Elle porte sur les dires des bergers, corps social jamais considéré dans la recherche du secteur forestier, mais qui est strictement en relation avec le phénomène et souvent criminalisé comme sa cause majeure. L’enquête a été réalisée au moyen de questionnaires ad hoc renseigné en face à face auprès de 482 bergers choisis au hasard dans des villages forestiers. Les incendies résultent essentiellement des causes volontaires, dans l’ordre, les feux pastoraux pour le renouvèlement des pâturages, les incendies politiques, l’incinération des décharges non contrôlées. Les feux de négligence occupent la seconde place avec : les jets de mégots de cigarettes, les travaux agricoles (brûlage après nettoiement, brûlage des chaumes) et les activités forestières dans la forêt.
Ou bien encore, cette publication de 2013 dans la revue géographique des pays méditerranéens :
Contrairement à ce qu’il est courant d’entendre dire, les grands feux et les années noires ne sont pas un problème récent. En Algérie également, l’examen des statistiques démontre non seulement qu’autrefois les boisements brûlaient aussi, mais encore, que les superficies parcourues étaient légèrement supérieures à celles d’aujourd’hui, dans les limites de la comparabilité des données.
Les grands incendies de forêt en Algérie : problèmes humains et politiques publiques dans la gestion des risques (revue géographique des pays méditerranéens)
https://doi.org/10.4000/mediterranee.6827
Bonjour,
le doc sus référencé est complémentaire sur le constat de la prévention et de la gestion du risque dans ce pays.
Cordialement,
Laurent Peynaud
Ah, il fait très chaud en Algérie, l’été… ça alors !!
Le gouvernement algérien sait de quoi il parle ! Il a d’excellentes raisons de penser qu’il a eu affaire à des incendies d’origine criminelle.
Voilà une vidéo prise en Kabylie qui montre une série de départs de feux à quelques dizaines de mètres les une des autres dans une région inaccessible par route. Curieusement, les media français semblent faire l’impasse sur cette vidéo pour mettre en cause l’incurie du gouvernement algérien alors qu’ils ne font jamais cette hypothèse lorsque des feux ravagent des régions entières en Provence ou aux USA.
https://www.youtube.com/watch?v=vWsrGm2J3QI