Le texte qui suit est le résumé d’un article intitulé « Sécheresses et canicules avant le global Warming – 1500-1950 », (Editions Hermann) écrit par l’historien du climat Emmanuel GARNIER (Institut Universitaire de France – Centre de Recherche d’histoire quantitative. UMR – CNRS Université de Caen).
Ce n’est que depuis la seconde moitié du XVIIe siècle que l’on dispose de données directes sur les températures. Pour reconstruire des séries historiques avant l’ère des mesures instrumentales, les scientifiques du climat ont recours à des Proxy-data (sources indirectes) comme par exemple, les dates des vendanges ou l’étude des anneaux d’arbre.
Pour l’étude des vagues de chaleur Emmanuel GARNIER a utilisé les archives sur les processions religieuses (qualifiées de rogations pro pluvia ou pro serenitate) qui étaient pratiquées dans la majeure partie de l’Europe méditerranéennes à l’appel de l’Église catholique ou des autorités municipales. Il a ainsi reconstitué les périodes de sécheresse extrême survenues entre les années 1550 et 2009.
Le diagramme de la figure 1 ci-dessous présente la répartition dans le temps des 69 événements de type « sécheresse » qui ont été recensés en Île de France entre 1550 et 2000, soit sur une période de 500 années. La durée moyenne de ces événements est de l’ordre de 101 jours.
La courbe de la figure 2, montre l’évolution sur la période du nombre d’évènements en fonction de leur durée lissée par une moyenne mobile de 29 ans.
Cette courbe fait clairement apparaître trois périodes de sécheresse de forte intensité (1540-1590, 1620-1740, et 1900-1990), et une période creuse de 16 année (1740-1900).
- 1540-1590, une période chaude de 50 ans ;
- 1620-1740, une seconde période chaude de 120 années ;
- 1750 -1900 , une période froide de 150 années ;
- 1900-1990, une troisième période chaude qui se poursuit aujourd’hui.
La période « froide » 1750-1900, pourrait selon l’auteur correspondre à la dernière phase du Petit Age Glaciaire (PAG) avec entre 1815 et 1859, le pic de froid du « second hyper-PAG ».
Le XVIe siècle a connu 12 sécheresses avérées, soit un événement tous les 8 ans pour un total de 1546 jours. La majorité d’entre elles sont intervenues dans la seconde moitié du siècle avec un désastre majeur en 1578.
Le XVIIe siècle a connu 13 sécheresses les plus intenses d’entre eux s’étant produit dans la seconde moitié du siècle. Un épisode notable se détache : la sécheresse de 1632 qui dura 330 jours entre septembre 1631 et juillet 1632. Comme à l’accoutumée, sainte Geneviève fût appelée en renfort le 23 juillet sous la forme d’une procession « pour la pluie ».
Le XVIIIe siècle a connu 21 sécheresses (un événement tous les 4,7 ans) avec une durée moyenne de 110 j ours. La figure 3 ci-dessous en montre le détail.
La période postérieure à 1830 se caractérise par des sécheresses nettement moins fréquente et de moindre sévérité (moins de 100 jours) : treize sécheresses au XIXe siècle, dix au XXe.
La palme des événements extrêmes revient non pas au XXe siècle mais au XVIIIe siècle qui, avec une durée moyenne de 105 jours, marque en quelque sorte un apogée des sécheresses.
Sécheresses remarquable au XVIIIe
L’énumération qui suit est extraite d’un article publié par Direction de la Météorologie Nationale sous le titre : « Les grands étés en France : 1135-1800 ».
1704 Sécheresse et chaleurs remarquables dans le Midi et dans l’Ouest. Dans la Beauce, de nombreux moissonneurs meurent frappés d’insolation.
1705. — Un été caniculaire en France. À Paris, les 39 degrés sont atteints durant plusieurs jours tandis que dans le sud du royaume la chaleur est telle que « les thermomètres de Cassini et de la Hire sont brisés par la dilatation du liquide ». Dans le Midi, une « chaleur intolérable » ; à Montpellier, le 30 juillet, la chaleur égalait celle qui sort du four d’une verrerie et on faisait cuire des œufs au soleil ». Il y eut entre 200 000 et 500 000 décès causés par l’infection de l’eau.
1707. — Les chaleurs sont si fortes dans l’Ouest « au temps des faucheries de foin que non seulement des personnes en meurent mais même des bêtes ». Le 19 juillet, « le coche de Paris à Orléans, c’est-à-dire ceux qui étaient dans le coche, qui partirent ce matin-là d’Etampes, comptèrent quatorze chevaux morts de chaleur sur le pavé jusqu’à Orléans ».
1712. — Eté très chaud à Paris. Chaleurs et grande sécheresse dans le Midi.
1718 et 1719. — Deux étés caniculaires se succèdent. Une forme de climat saharien s’abat sur la région parisienne et les témoins rapportent même l’invasion de nuées de sauterelles en provenance d’Afrique du Nord qui ravagèrent les cultures jusqu’en Normandie. Ces deux étés caniculaires firent 700 000 morts, dont 450 000 pour la seule année 1719. Les victimes sont essentiellement des bébés et des enfants, atteints de dysenterie véhiculée par l’infection des eaux devenues trop basses.
1723. — Sécheresse générale d’une durée de trois mois, qui provoque une grave disette de fourrage.
1726, 1729 et 1731. — Années généralement sèches dans toute la France, y compris le Midi. En 1731, il ne tombe à Paris que 1 millimètre d’eau en mars et 6 millimètres en avril et pour obtenir la pluie nécessaire on découvre au début de mai la châsse de sainte Geneviève; au mois de novembre de cette année le niveau de la Seine est de 13 centimètres plus bas qu’il ne l’était en 1719.
1736. — Grande sécheresse en Normandie : elle dure jusqu’à la Toussaint et rend impossibles pendant tout le mois d’octobre les semailles de blé.
1741. — L’Archevêque de Paris prescrit des prières publiques et des processions pour obtenir la fin de la sécheresse qui sévit sur la région parisienne et dans le Centre.
1742 et 1743. — Sécheresse en Bretagne et dans le bassin de la Seine : en 1743 cette sécheresse s’étend à une grande partie de l’Europe occidentale.
1751. — Dans le Sud-Ouest « après un printemps dérangé et pluvieux il vint une sécheresse extraordinaire avec grandes chaleurs qui firent périr la récolte. Les herbages manquèrent. Ce fut une année des plus critiques et des plus disetteuses. »
1757 et 1759. — Etés chauds et secs dans le Nord et l’Est. En Normandie, les mois de juin et juillet.1757 et ceux de juillet et août 1759 sont particulièrement chauds et secs. A Paris, on note des températures de 37° 5 les 14 et 20 juillet 1757.
1767. — Les eaux de la Seine sont de 27centimètres plus basses qu’en 1719.
1772. — Dans le Midi, « les maïs furent semés et récoltés sans pluie, ce qui donne à la sécheresse une durée d’environ six mois ». A Paris, la température atteint 36° dès le mois de juin.
1778. — A Paris, la Seine est de 8 centimètres plus basse qu’elle ne l’était en 1719.
1784. — Dans le Bourbonnais « sécheresse continuelle en sorte que tous les étangs, les sources et la plupart des puits étaient taries et que l’on ne pouvait moudre qu’à bras ».
1785. — Grande sécheresse dans toute la France. A Paris, le total de l’eau tombée du 1er mars au 31 mai n’atteint que 21 millimètres. Dans de nombreux diocèses, les évêques prescrivent des prières publiques pour demander de la pluie.
1788. — Sécheresse dans le Sud-ouest. Lors de sa séance du 14 mai 1788, le conseil de ville de Montauban décide d’écrire à l’évêque pour lui demander d’ordonner des prières publiques « afin d’obtenir du ciel la cessation de l’affreuse sécheresse qui règne depuis longtemps et expose les fruits de la terre aux plus grands dangers ».
1790. — L’été et l’automne sont tellement secs dans la moitié nord qu’en de nombreuses régions les vignes ne donnent presque rien
1793. — Dans le Loiret, chaleurs excessives de la fin de juin à la fin d’août : « les légumes séchaient sur leurs tiges, les fruits se consumaient sur les arbres, la viande se décomposait en moins d’une heure». En Champagne, chaleur et sécheresse caractérisent les mois de juillet à octobre. A Paris, on enregistre 38° 4 le 8 juillet 1793 et pendant toute cette année on ne recueille que 331 millimètres de pluie.