Nous avons déjà montré sur ce site que le cycle de carbone est en fait un empilement d’incertitudes au point que le GIEC avait choisi pour son 5ème rapport d’exprimer ses quatre scénarios de réchauffement en 2100 en termes de valeurs préétablies de concentration de Gaz à Effet de serre (et non pas en termes de niveau d’émission comme dans ses précédents rapports). Dans une récente étude publiée dans Nature Geoscience des chercheurs suisses montrent que la vitesse des échanges gazeux entre l’eau des torrents de montagne et l’atmosphère a été sous-estimée par un facteur de 100 en moyenne conduisant à la nécessité d’inclure les émissions de CO2 des torrents de montagne dans le cycle global du carbone à l’échelle mondiale.
Des chercheurs de École Polytechnique Fédérale de Lausanne montrent dans une étude publiée le 18 mars 2019 dans Nature Geoscience que la contribution des ruisseaux de montagne aux émissions de gaz à effet de serre est bien plus importante que ce que l’on pensait. Leurs recherches menées dans les cantons de Vaud et du Valais démontrent que la vitesse réelle des échanges gazeux entre l’eau des torrents agités de montagne et l’atmosphère a été sous-estimée par un facteur de 100 en moyenne. (lire ici le communiqué de presse de l’EPFL).
La raison de cette imprécision importante réside dans le fait que, jusqu’à présent, c’étaient les ruisseaux de plaine qui servaient de référence. Or, en montagne, les ruisseaux plus tumultueux émettent plus de CO2 qu’en plaine.
Dans les écosystèmes aquatiques, comme les océans, les ruisseaux et les lacs, de nombreux organismes, allant des bactéries aux poissons, respirent de l’oxygène et expirent du CO2.
Ces gaz doivent ainsi être continuellement “échangés” de l’atmosphère à l’eau et inversement. Comme les ruisseaux de montagne s’écoulent souvent sur des pentes abruptes et des terrains accidentés, beaucoup de turbulence et de bulles d’air sont emprisonnées dans l’eau. La présence de bulles accélère les échanges gazeux. Le même mécanisme est à l’œuvre lorsque des vagues blanches apparaissent à la surface d’une mer agitée.
Pour mesurer la vitesse d’échange de gaz aussi précisément que possible les chercheurs ont ajouté de petites quantités d’argon comme gaz traceur dans les courants. Ils ont pu quantifier la perte d’argon de l’eau du ruisseau. Ils ont ensuite modélisé la vitesse d’échange de gaz à partir de la perte en aval du gaz traceur dans le cours d’eau. Leurs résultats ont révélé une vitesse d’échange gazeux dans les eaux montagneuses en moyenne 100 fois plus élevée que ce qui avait été calculé à partir de gaz traceurs dans des cours d’eau de basse altitude.
Considérant que plus de 30% de la surface de la Terre est recouverte de montagnes, les conséquences de cette découverte sont considérables et démontre la nécessité d’inclure les émissions de CO2 des torrents de montagne dans le cycle global du carbone à l’échelle mondiale.
Voir aussi l’article en français du site environnement magazine.