Électricité, où en est-on ?

Par MD

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Introduction.

L’article précédent avait traité de l’énergie en général à partir du document de référence annuel Statistical review of world energy maintenant publiée par l’« Energy institute » (ci-après EI). On examine maintenant le cas particulier de l’électricité qui occupe, à raison, une place considérable dans la base de données. Les productions et les consommations d’électricité sont exprimées en wattheure Wh et multiples (mégawattheure MWh et térawattheure TWh).

Production et consommation d’électricité.

Comme l’électricité n’est pas transportable à très longues distances, elle est généralement produite et consommée sur place. Sauf exceptions régionales, production et consommation nationales sont donc pratiquement égales. Il existe parfois des échanges entre pays limitrophes grâce à des réseaux d’interconnexion : c’est notamment le cas en Europe où le marché est actif, avec des évolutions horaires des cours parfois erratiques surtout depuis l’essor des productions intermittentes. Mais il n’existe pas de marché mondial de l’électricité contrairement aux autres énergies.

Production d’électricité par habitant.

Cet échantillonnage montre les écarts considérables qui existent entre pays et groupes de pays. On voit à quel point certains continents sont encore loin des standards des pays occidentaux : voir par exemple la différence entre OCDE et non-OCDE, entre Chine et Inde, et surtout la position de l’Afrique (0,6 MWh/habitant en moyenne, dix fois moins que l’Union européenne). On retrouverait une hiérarchie peu différente concernant les consommations d’énergie en général, et d’autres indicateurs économiques comme le PIB.

Évolution de la production d’électricité par régions du monde.

Les pays de l’OCDE sont mis en évidence par une trame hachurée sur le graphique.

Les pays de l’OCDE (à laquelle appartiennent presque tous les États de l’Union européenne) ont stabilisé leur production et leur consommation depuis une quinzaine d’années. La croissance se situe désormais au sein des pays en développement. La Chine a connu un progrès spectaculaire, au point que l’ensemble de sa population bénéficie maintenant d’un raccordement aux réseaux, avec une électricité fiable. L’exemple de la Chine préfigure l’avenir de la production et de la consommation électriques dans les autres pays en développement.

Évolution de la production d’électricité par sources d’énergies.

Les énergies fossiles (essentiellement charbon et gaz) ont tendance à se stabiliser en volume depuis quelques années mais restent largement majoritaires. Les énergies intermittentes (éolien et solaire) n’ont commencé à se développer que depuis 2005 et sont en forte progression.

Il est intéressant de comparer les « mix » électriques entre 1990 (année de référence) et 2023.

En trente-trois ans, la production électrique a été multipliée par 2,5. En pourcentages, le charbon est resté largement majoritaire, le gaz a supplanté le pétrole et l’ensemble des énergies fossiles est passé de 64% à 60% du « mix » électrique. La croissance des énergies intermittentes a été spectaculaire : éolien et solaire fournissent actuellement 13% de l’électricité mondiale, mais cette croissance a surtout mordu sur le nucléaire et l’hydraulique, tout aussi peu émetteurs de CO: c’est ce qui explique que les émissions mondiales de CO2 continuent à augmenter, comme on l’avait déjà constaté.

Production d’électricité en 2023 par sources d’énergie pour quelques États ou ensembles.

Les moyennes mondiales dissimulent une variété considérable de situations. On voit immédiatement la position exceptionnelle qu’occupe la France à l’égard des énergies fossiles, grâce au nucléaire : avis à nos jeunes exaltés climatiques et à ceux qui les égarent.

Productions d’électricité intermittentes. Facteurs de capacité.

L’éolien et le solaire constituent des productions électriques aléatoires qui échappent à tout contrôle (non-pilotables). Elles bénéficient généralement d’une priorité pour l’injection sur les réseaux sous peine d’être perdues, puisque l’électricité n’est pas stockable à grande échelle. A l’inverse, lorsqu’elles ne produisent pas, ou insuffisamment, il est nécessaire de leur substituer un « back-up » mobilisable instantanément, le plus souvent alimenté en énergie fossile.

Dans le discours public, on confond (innocemment ou intentionnellement) la capacité installée (MW) avec la production effective (MWh). On désigne comme facteur de capacité – généralement exprimé en pourcentage – le rapport entre la production effective et la production maximale théorique,. Les graphiques ci-dessous présentent un échantillonnage d’États. Les installations sont maintenant en assez grand nombre et les techniques assez éprouvées pour que l’on puisse tirer des enseignements généraux valables pour l’avenir de ces filières. Par contre, les parcs sont encore relativement jeunes et l’effet du vieillissement ne s’est pas encore manifesté.

Éolien.

L’éolien terrestre est largement majoritaire dans cet ensemble : l’éolien offshore ne représente globalement que 7% de la capacité installée, et il est concentré dans une dizaine d’États, surtout en Europe qui compte à elle seule les 8/10èmes de la capacité offshore mondiale. Sur l’année, l’éolien produit, selon les régions, l’équivalent de 20% à 40% de la capacité théorique (moyenne mondiale 28). Le Royaume-Uni et la Belgique disposent chacun de plus de 40% de capacité éolienne off-shore, d’où leurs relativement bons scores au sein des pays européens.

Solaire.

Le solaire à concentration est négligeable (0,5% de la capacité installée). Il s’agit donc ici du  photovoltaïque, qui produit de 9% à 33% de la capacité théorique (moyenne mondiale 15%). La bonne économie impliquerait que l’on réserve leur développement aux régions ensoleillées ; ce n’est pas toujours le cas comme on le voit.

Évolutions des facteurs de capacité.

La différence du simple au double entre solaire et éolien résulte évidemment du rythme nycthéméral. La lente croissance de ces deux facteurs est probablement due aux progrès techniques, dont le gigantisme des nouveaux générateurs éoliens. L’avenir dira à quels niveaux plafonneront ces performances.

Minéraux spéciaux dits « critiques ».

Certaines matières minérales sont de plus en plus utilisées pour la fabrication de batteries de voitures électriques et hybrides, de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes, de moteurs électriques, etc. Elles sont qualifiées de « critiques » en ce que leur plus ou moins grande disponibilité rendra ou non possible l’augmentation future spectaculaire de ces nouvelles technologies, comme l’envisagent certaines projections officielles hasardeuses.

Évolution des productions de minéraux critiques.

Les productions sont déjà en forte croissance depuis quelques années.

Répartitions géographiques des réserves de minéraux critiques.

Les estimations de ces réserves sont très approximatives. Les réserves cataloguées «Reste » (du monde) ne sont pas géographiquement précisées.

Les réserves actuellement répertoriées sont très irrégulièrement réparties et spectaculairement concentrées dans certains pays. Les besoins allant croissant, il est probable que de nouvelles découvertes viendront infléchir ce paysage général, mais les principaux détenteurs actuels conserveront probablement leur prépondérance.

Prix des minéraux critiques.

Cours mondiaux du cobalt et du carbonate de lithium.

Conclusion.

Parmi les inégalités et les carences qui affectent la population mondiale, l’accès à l’électricité est un facteur discriminant fondamental : il détermine la qualité de vie, la santé, l’instruction et l’information, et en fin de compte le désir de vivre et de rester au pays. Comme l’électricité est presque toujours produite et consommée sur place, tous les États du monde aspirent à produire pour leurs besoins propres une électricité adéquate, constamment disponible et bon marché. Les graphiques précédents suffisent à se convaincre que cette aspiration ne peut être satisfaite dans un futur prévisible que par une utilisation massive des énergies fossiles. Le système mondial de production électrique présente en effet une inertie considérable, et il est vain d’espérer des ruptures brutales dans ce domaine, comme le préconisent certains exercices académiques d’anticipation, hasardeux et périmés dès leur publication. C’est ce que les pays en voie de développement ont parfaitement compris. Nous serions bien inspirés de les accompagner dans cette évolution, au lieu de tenter vainement d’y faire obstacle.

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7 réflexions au sujet de « Électricité, où en est-on ? »

  1. Bonjour,
    Lorsque les Américains ont quitté le pays on pouvait lire dans les gazettes que l’Afghanistan possédait d’énormes réserves de lithium, très convoitées par les Chinois (le chiffre 1000 milliards de dollars était cité ce qui représente des dizaines de millions de tonnes). Or ce pays n’apparaît pas dans le graphique, où le “reste du monde” ne totalise que 2 millions de tonnes.
    Sait-on ce qu’il en est réellement ?

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