par MD
Introduction.
Dans l’article de l’an dernier, on avait traité en détail la production et la consommation d’électricité du mois de janvier 2024. L’année 2024 étant écoulée et toutes les données étant maintenant connues, il est intéressant de faire un bilan de l’année complète. Les chiffres qui suivent sont empruntées pour l’essentiel au site du Réseau de transport d’électricité (RTE, filiale d’EDF), et plus particulièrement à sa base de données ECO2mix. On pourra aussi consulter sur le site RTE une synthèse de l’année 2024.
Consommation d’électricité sur longue période.
Les chiffres utilisés ci-après sont les consommations brutes et non les « consommations corrigées du climat » également publiées par RTE (consommations rectifiées pour tenir compte des températures). L’évolution de la consommation intérieure d’électricité est illustrée par les graphiques ci-dessous, limités aux trente dernières années.
Par années entières :

Par mois :
les mois de l’année sont classés par ordre d’importance des consommations : notons que le mois de février est « pénalisé » par son nombre de jours, qui réduit artificiellement la consommation de 10% (7% en années bissextiles) par rapport à janvier et décembre, les mois les plus « consommateurs ».

On constate une croissance tendancielle de la consommation jusqu’en 2010, suivie d’une décroissance tendancielle, aussi bien pour la consommation annuelle que pour les consommations mensuelles (noter la chute provisoire de 2020, année du covid). La consommation de 2024, si l’on tient compte de sa bissextilité, est restée pratiquement stationnaire par rapport à 2023 (+0,4%).
Consommation d’électricité et températures, année 2024
Le graphique ci-dessous illustre la consommation journalière en 2024 (quadrillage par débuts de quinzaines).

Les cycles hebdomadaires sont bien visibles, avec les dimanches marqués par une chute de consommation. Plus généralement on distingue bien les pics de la période d’hiver et le palier estival de mai à septembre. En période d’été, c’est à peine si l’on distingue une légère poussée de consommation vers la fin-juillet qui pourrait correspondre à l’usage accentué de la climatisation.
Le graphique ci-dessous (source : données publiques de Météo-France) confirme grossièrement la corrélation inverse entre les consommations et les températures journalières notamment en période hivernale. Comme période particulière, on notera la période de douceur du tout début de cette année, ayant entraîné une consommation anormalement faible.

Production d’électricité sur longue période.
Ce graphique retrace l’évolution de la production sur les trente dernières années, totale et par filière.

Détail des énergies intermittentes dites « renouvelables ».

La production éolienne a diminué entre 2023 et 2024 (passant de 51 TWh à 46,6 TWh, soit de 10,3% à 8,7% de la production) alors que la puissance installée a augmenté ; le facteur de charge a été de 22% (contre 26% en 2023). Voir en annexe une explication possible.
Comparaison entre production et consommation intérieure.

Depuis trente ans et plus, la production a constamment été excédentaire, d’au moins 50 TWh (à l’exception de l’année 2022 par un concours de circonstances qui ne sont pas toutes élucidées), ce qui fait de la France le premier ou l’un des tous premiers exportateurs mondiaux d’électricité : on verra plus loin à quelles conditions financières.
Production d’électricité, année 2024
La base de données ECO2mix fournit la production électrique tous les quarts d’heures et par filières. Pour une meilleure lisibilité, la production a été ici agrégée par journées (quadrillage en débuts de mois). Les échanges avec l’extérieur (courbe en noir) sont représentés en valeurs négatives lorsqu’il s’agit d’exportations.

On constate que la production est restée constamment excédentaire, à la modeste exception de quelques journées entre le 9 et le 20 janvier qui ont correspondu à une forte demande et à un éolien encalminé (la production éolienne tombant parfois à moins de 2%). En 2024, l’excédent annuel a été de 96 TWh (18% de la production).
Détail du graphique précédent.

On peut constater que les énergies intermittentes ont été presque intégralement exportées (il en avait été de même toutes les années précédentes sauf en 2022).
Le graphique ci-dessous indique les pourcentages de production par filières sur l’ensemble de l’année.

Faut-il répéter ici que l’électricité française est depuis plus de trente ans « décarbonée » à plus de 80% grâce au nucléaire et à l’hydraulique, ce que certains, en France et ailleurs, persistent à ignorer. Au surplus, le nucléaire n’a pas encore retrouvé sa pleine capacité : on croit même savoir qu’il est parfois obligé de se réfréner en cas de surplus intempestif d’éolien, puisque celui-ci a la priorité d’injection dans le réseau.
Commerce extérieur d’électricité.
Pour connaître les montants consolidés des importations et des exportations d’électricité, il convient de se rapporter à la Direction des douanes et des droits indirects, qui vient de publier les résultats de 2024. Les douanes fournissent mois par mois et produit par produit depuis 2004 les quantités et les montants échangés avec l’étranger (électricité : rubrique D35A), d’où on peut déduire les prix unitaires en euros/MWh. Les trois graphiques ci-après illustrent ces évolutions (quadrillages en débuts d’années).


Ces graphiques confirment la position historique fortement exportatrice de la France, en quantité et en valeur.

Pour 2024, selon les douanes, la France aurait exporté 103 TWh à 58,3 euros/MWh soit # 5 910 millions d’euros et importé 14 TWh à 55,4 euros/MWh soit # 830 millions d’euros ; l’excédent serait ainsi de 5 milliards d’euros. Les tarifs d’échanges se sont redressés en novembre-décembre 2024 et avoisinaient les 100 euros/MWh.
Les esprits malveillants feront observer que ces tarifs moyens de vente de l’ordre de 55 à 60 €/MWh sur l’année sont largement inférieurs aux tarifs de rachat des énergies intermittentes, qui avoisinent actuellement les 100 €/MWh. Ces coûts de rachat ne cesseront d’augmenter avec le développement de l’éolien en mer. Le « bénéfice » de 5 milliards d’euros nous coûte probablement fort cher.
Conclusion.
Ces quelques aperçus graphiques permettent à chacun de se faire une idée de l’évolution historique et de l’état actuel de l’énergie électrique en France. On peut mettre ces éléments en regard des projets annoncés de « triplement » des énergies intermittentes : on se disposerait donc à ajouter, à grand frais et dans la hâte, plus de 150 TWh de production annuelle aléatoire à un système bien équilibré et déjà largement excédentaire, alors même que la prolongation des réacteurs nucléaires existants est actuellement envisagée. Ces perspectives s’appuient sur des « scénarios » d’augmentations de consommations dont l’importance et l’échéance sont également incertaines. A-t-on vraiment bien pesé les besoins futurs de l’intelligence artificielle, la probabilité d’une « réindustrialisation profonde » (sic) de l’économie, et autres projections hasardeuses ?
À chacun d’en juger.
Annexe : régime des vents.
Le site de l’Open data réseaux énergie (ODRÉ) fournit depuis 2016 et heure par heure des données détaillées sur les vitesses des vents (à 100m de hauteur) pour les treize régions françaises métropolitaines. Simplement pour illustration, le graphique ci-dessous retrace l’évolution des vitesses moyennes mensuelles par régions.

Comme on l’avait déjà observé dans un précédent article, on observe un synchronisme remarquable des fluctuations annuelles sur l’ensemble du territoire, contrairement à l’assertion selon laquelle « il y a toujours du vent quelque part ». Cela étant, l’année 2024 a été en moyenne moins ventée que 2023 (en moyenne générale sur l’année : 5,7 m/s contre 6,0 m/s en 2023), ce qui peut expliquer la baisse de production. Il y a eu en particulier quelques périodes de disette notable en novembre et décembre (qui ont aussi affecté les pays voisins, notamment l’Allemagne).
L’article écrit :
« on croit même savoir que le nucléaire est parfois obligé de se réfréner en cas de surplus intempestif d’éolien, puisque celui-ci a la priorité d’injection dans le réseau. »
C’est bien là le plus grave problème lié à l’introduction prioritaire des EnR sur le réseau. C’est une erreur technique et économique qu’il faut dénoncer sans relâche. Les réacteurs doivent être exploités en base et non en suivi de charge pour de nombreuses causes déjà mainte fois évoquées : instabilité de la gestion du réseau, risque de black out, réduction de la durée de vie des réacteurs liée aux cyclages thermiques, réduction du coût du kWh produit si l’investissement n’est pas exploité à pleine puissance, perturbation du calendrier d’entretien des réacteurs, etc.
L’idée encore répandue chez nos « dirigeants » que plus d’EnR va aider notre indépendance énergétique est une fausse bonne idée.
Sauf lors de la récente “crise des fissures” dans les centrales nucléaires, une conséquence directe des velléités d’abandon purement politiques et insensées de la moitié de notre capacité de production électrique au profit des EnR, jamais notre indépendance énergétique ne fut menacée depuis un demi siècle.
Cette crise qui fit les choux gras de la politicoécolomédiasphère, fut surmontée à une vitesse record grâce à l’importation de dizaines de techniciens soudeurs hautement qualifiés, principalement américains, démontrant, avec les graves retards de Flamanville, l’ahurissante perte de savoir faire de notre industrie nucléaire vouée par de dangereux irresponsables à disparaitre comme une brève et négligeable péripétie de l’histoire.
Lire plutôt dans mon commentaire:
“augmentation du coût du kWh produit” bien sûr.
Pour compléter ce propos : Divisions géographiques de la France indiquées par une analyse des moulins (à eau et à vent) en 1809 [article] par Claude Rivals
Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1984 https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1984_num_55_3_4611
On y remarquera l’énorme suprématie des moulins à eau car le faible rendement des moulins à vent, fonctionnant environ 1/3 de l’année seulement, était déjà bien connu. Cependant dans certaines régions, les conditions naturelles pouvaient favoriser le moulin à vent qui était aussi moins cher à construire.
Les moulins à eau, bien plus productifs et les seuls suffisamment puissants pour un usage industriel (forges, papeteries, foulons…), pouvaient cependant s’arrêter en période de sécheresse et de grand gel car… figurez vous il y avait déjà régulièrement des extrêmes climatiques !
Le réel, s’il est imparfait selon Platon, est toutefois sensible et donc parfois douloureux. Le problème est que les délires éolien et photovoltaïque impactent toujours les mêmes, i.e les plus fragiles…