Désendettement et décarbonation

Par Rémy Prud’homme, professeur des universités (émérite)

Le pire n’est pas toujours sûr, mais en ce qui concerne la dette de la France, le pire est devenu possible, sinon probable. La Cour des Comptes, la Commission européenne, les agences de notation, le FMI, et le simple bon sens, nous somment de réduire nos déficits et notre dette. Mais comment ? Les trois voies classiques (plus de croissance, plus d’impôts, moins de dépenses) sont si pénibles et si contradictoires qu’elles apparaissent impraticables. Plus d’impôts dans le pays le plus imposé du monde ? Non. Moins de dépenses dans un pays où la qualité des services publics est en chute libre ? Non plus. Plus de croissance dans un pays qui augmenterait les impôts et diminuerait les dépenses ? Evidemment pas. Il y a pourtant une sorte de quatrième voie, qui doit être examinée froidement : l’abandon total ou partiel de la féroce politique de décarbonation engagée sous le nom de « planification écologique ». Nous vivons au « Décarbonisant ». S’en éloigner permettrait de faire des économies sur les trois champs de bataille cités.

Cela permettrait de réduire les dépenses publiques et d’augmenter les impôts affectés par la transition écologique. Les dépenses budgétaires sont actuellement estimées à 40 milliards par an, mais la planification écologique officielle affichée va rapidement doubler ce montant. Les grandes innovations technologiques des deux siècles passés (chemins de fer, électricité, voiture, téléphone, télévision, informatique, etc.) qui répondaient toutes à une demande solvable. Au contraire, la plupart des « innovations vertes » (renouvelables, batteries, hydrogène, etc.) n’existent et ne se développent que grâce à la volonté des politiciens et à l’argent des contribuables. Moins de vert égale moins de déficit et de dette.

Certaines de ces économies sont plus difficiles à voir que d’autres. La seule élimination des véhicules thermiques coûtera aux finances publiques les 40 milliards d’impôts spécifiques de la fiscalité des carburants; renoncer à cette élimination, c’est augmenter (ne pas amputer) les recettes fiscales de ce montant. Le transport ferroviaire est subventionné à hauteur de 15 milliards par an ; au nom de la décarbonation, il est décidé de le doubler ; c’est (sans le dire) organiser l’augmentation de la dépense publique et la dette de quelques 15 milliards par an ; y renoncer, c’est réduire d’autant les impôts.

L’abandon de la décarbonation aurait aussi, et surtout, pour effet de promouvoir la productivité et la croissance. En examinant la décarbonation et la productivité dans une vingtaine de pays développés, au cours des années récentes (2015-2021), on constate une relation claire : plus la décarbonation a été forte, plus les gains de productivité ont été faibles. A un extrême la Pologne, qui n’a pas décarboné du tout, a vu sa productivité augmenter de 3% par an ; à un autre extrême, le Royaume-Uni, qui a réduit ses émissions de CO2 de 4% par an, a vu sa productivité stagner.

La raison en est que, pour l’essentiel, les coûts de la « transition écologique » ne prennent pas la forme de dépenses budgétaires, ni même de dépenses d’investissement, mais sont la conséquence de normes, d’interdictions, d’obligations, de règlementations, qui affectent – négativement  la production des entreprises et le bien-être des ménages. La diminution voulue de 20% de la production agricole ne coûtera rien au budget, mais beaucoup aux agriculteurs. La forte diminution voulue de la mobilité ne coûtera pas grand-chose au budget, mais réduira la taille et l’efficacité des marchés du travail et des marchandises, augmentant les coûts, limitant la concurrence, freinant les économies d’échelle, affectant la productivité et la production. Une bonne partie de ces surcoûts se traduit par une diminution du PIB, et par voie de conséquence des recettes fiscales. Une autre partie engendre une perte de la satisfaction des ménages (pensons par exemple à l’allongement des temps de transport, ou à la diminution de la taille des logements) qui n’est pas ou mal reflétée dans le PIB, mais qui n’en est pas moins déplorable. Abandonner tout ou partie de ces folies est une façon de contribuer à la croissance, et donc aux recettes fiscales et au désendettement de la France.

Beaucoup diront que ce coup de frein à la décarbonation de la France, qui desserrerait l’étau de la dette, serait un coup de poignard à notre planète. Cette objection part d’un bon sentiment, mais ne résiste pas à l’examen des chiffres. Certes, en théorie, cette moindre décarbonation impliquerait des rejets supplémentaires de CO2, réputés entraîner une augmentation de la température du globe, source présumée de toutes sortes de catastrophes. Mais en réalité la variation de température en jeu est si infime qu’elle en est en pratique inexistante. Selon les estimations officielles, l’arrêt de la décarbonation en France engendrerait en cumulé d’ici à 2030, environ 500 millions de tonnes de CO2 de plus. Le GIEC qui n’est pas une institution suspecte de minorer l’impact des rejets de CO2 sur la température écrit : « Chaque 1000 milliards de tonnes d’émission de CO2 est évalué causer une augmentation de la température de la planète de 0,45 °C ». L’arrêt de la décarbonation en France causerait donc une augmentation de température de 0,22 millième de degré, soit 0,00022 °C, qu’aucun appareil de mesure ne saurait détecter, et dont les conséquences sont littéralement inestimables. Le coup de poignard n’est même pas un coup de canif. Rien qu’un fantasme.

Désendettement ou décarbonation, il faut choisir. Notre endettement est une prison mortifère dont il nous faut absolument sortir. Toutes les portes sont fermées. Sauf une, celle de la fin (ou de la modération) de la décarbonation accélérée. Nous pouvons l’ouvrir à un coût négligeable, et elle est assez large pour nous permettre de retrouver la liberté.

Curieusement pourtant, à peu près tous nos dirigeants refusent de voir cette porte. Ils sont comme envoutés par le discours scientifique-prophétique de Greta Thunberg, devant qui ils se sont tous religieusement prosternés du secrétaire général des Nations-Unies au pape François en passant par le Président de la République française, les PDG de Davos, et les dirigeants du GIEC. Ils ont d’ailleurs un train de retard. L’ignorance haineuse de la passionaria suédoise a changé de cible : elle ne combat plus (ou plus seulement) le CO2, mais le juif. Cette évolution dessillera peut-être certains yeux.

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9 réflexions au sujet de « Désendettement et décarbonation »

  1. …….. Autrement dit, investir dans la décarbonation, c’est investir …… à fonds perdus. 😒
    Si l’on dépense 100 Milliards dans la transition énergétique, ce sera 100 Milliard de dette en plus des 3300 Milliards actuel.
    ….. En même temps, on n’en est plus à ça près !😁
    Il est vrai qu’investir dans les éoliennes, par exemple, est financièrement intéressant pour les Pays qui nous les vendent ! On peut compter sur ces Pays là, n’en doutons pas, pour nous sortir du marasme de la dette ….. avec l’argent qu’on leur a donné pour financer nos éoliennes !!👍👍
    Energétiquement vôtre. JEAN

  2. On peut toujours rêver…À la question :  « Qu’est-ce que le réel ? On peut répondre : « C’est quand on se cogne dedans ! ». Nous n’y sommes malheureusement pas. L’argent magique ne cesse de circuler tout en s’amplifiant, depuis 1974. Et il y a fort à parier que ça ne s’arrêtera pas demain. Quand le débiteur est à un tel niveau de dette, c’est lui qui tient le créancier…en effet, si la France s’effondre ce sera bien autre chose que la crise des subprimes de 2007. La question est : notre « cher allié » américain a-t-il un intérêt géostratégique à voir l’Europe s’effondrer ?

  3. [ L’ancien président américain, candidat à la succession de Joe Biden, veut «mettre fin au mandat des véhicules électriques» dès son entrée en fonction s’il est élu. Elles ne «vont pas assez loin» et sont «très chères», selon lui.
    Donald Trump a un soutien de choix en la personne d’Elon Musk. Le milliardaire américain, patron de Tesla, est prêt à soutenir l’ancien président des États-Unis en injectant chaque mois, et jusqu’au début de la campagne, plus de 45 millions de dollars. Mais lors de son discours à Milwaukee, lors de la convention républicaine, Donald Trump a évoqué un secteur en particulier : l’automobile électrique. En affichant sa ferme intention de «sauver l’industrie automobile américaine», le candidat républicain a répondu à Joe Biden sur les voitures électriques,
    D’ici 2030, les États-Unis veulent que les véhicules électriques représentent 50% des voitures neuves. Ce n’est pas vraiment du goût de Donald Trump : «Je mettrai fin au mandat des véhicules électriques dès le premier jour», a-t-il réagi. Pour lui, la fin de la voiture électrique permettrait d’«économiser des milliers et des milliers de dollars par voiture pour les clients américains». Pourquoi ? Car selon le candidat républicain, ces voitures «sont très chères» et «ne vont pas assez loin». Sans compter qu’elles sont aussi «très lourdes».
    Jeudi, lors de son discours, l’ancien président a même été plus loin en dénonçant «la nouvelle arnaque verte» où des «milliards de dollars» sont dépensés «de façon inutile». Ce budget qu’il compte économiser serait alors redirigé vers «des projets importants, comme des routes, des ponts et des barrages». Ce discours était aussi axé sur une critique du marché automobile dans sa globalité, et la mainmise de la Chine Donald Trump veut inciter à «faire revenir l’activité et les usines aux États-Unis», et c’est pourquoi «chaque personne qui travaille dans l’industrie automobile devrait voter pour Donald Trump», a-t-il scandé. Le Républicain veut enfin aller plus loin en instaurant des droits de douane de l’ordre de 100 à 200% sur les voitures chinoises afin qu’elles soient «invendables aux États-Unis».
    Il a d’ailleurs épinglé Joe Biden en l’accusant de le copier «avec à peu près quatre ans de retard». Pour rappel, en Europe, des surtaxes ont été mises en place sur les voitures électriques produites en Chine. Les principaux concernés sont BYD, ainsi que Geely et SAIC. ]

    C’est pas faux !
    La feuille de route de Donald Trump concernant le véhicule électrique contribue à réduire les dépenses inutiles. Maintenant, on n’est pas forcément d’accord sur tout son programme, mais il faudra bien que les Américains prennent en compte son projet …… réaliste, avant de voter !
    Climatiquement vôtre. JEAN

  4. Bonjour,
    Ce texte ne mentionne pas le gain fiscal engendré par la décarbonation par les énergies dites “vertes”.
    De même les taxes carbones combien rapportent elles ?
    A titre comparatif cela aurai été intéressant.
    En effet la décarbonation est inutile d’un point de vue climat, et coûte cher.

  5. Le lithium* est un métal rare mais aussi difficilement recyclable car il est très réactif, comme tous les alcalins. On est à l’opposé du cuivre et du plomb, ces bons vieux métaux. L’électrification totale du parc automobile par cette technique est à mon humble avis une utopie. Il faudra passer au sodium pour y arriver, car l’eau de mer en regorge.

    *sujet de ma thèse de doctorat en 1970, avec le césium.

  6. C’est vrai que 40 milliards d’euros par an vont dans cette gabegie dans notre état en quasi-ruine et surendetté. Si on fait un peu d’arithmétique et si on suppose que cet argent contribue à la baisse des émissions de GES de la France (on peut en douter quand on connaît l’utilisation de cet argent notamment pour les parcs éoliens absolument improductifs voire néfastes pour le réseau électrique national), cela représente près de 2000 euros d’argent public par tonne de céhodeux évitée.
    Comment faire connaître cette triste réalité ?
    Comment faire cesser cette gabegie ?

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