Les cyclones tropicaux à l’ère du réchauffement global

le GWPF (Global warming policy foundation) a récemment publié un rapport intitulé « Tropical hurricanes in the age of global warming » (rédigé par Paul Homewood)Nous fournissons ci-dessous une traduction de ce document dont la version originale peut être obtenue en format .pdf en cliquant sur ce lien.

Résumé

L’année 2017 a été marquée par une saison cyclonique particulièrement intense dans l’Atlantique Nord. Les cyclones sont plus destructeurs qu’ils ne l’étaient  quelques décennies auparavant; ils sont l’objet d’une couverture continue par les medias. Il en résulte que l’opinion accepte majoritairement l’idée selon laquelle le réchauffement de la planète entraîne mécaniquement  une augmentation de l’activité cyclonique. Cette thèse repose sur le postulat que puisque les cyclones naissent dans les eaux chaudes, leur nombre et/ou leur intensité doit augmenter lorsque celles-ci se réchauffent.

L’un des problèmes que pose l’évaluation des tendances à long terme des cyclones est lié aux changements radicaux des méthodes d’observation depuis le XIXe siècle. Jusqu’aux années 1940, il n’y avait que des journaux de bord des navires et des observations terrestres ponctuelles. La reconnaissance aérienne a commencé dans l’Atlantique en 1944, mais ce n’est que depuis les années 1970 que les satellites et les bouées assurent une couverture systématique complète. Par conséquent, de nombreux cyclones des décennies précédentes n’ont pas été enregistrés du tout ; dans d’autres cas, la vitesse de pointe des vents a été sous-estimée. Plusieurs études menées pour déterminer les tendances de fond réelles ont été soigneusement examinées par le GIEC dans son cinquième rapport d’évaluation en 2013 ; son verdict est clair :

« Un faible degré de confiance est accordé à toute augmentation observée à long terme (100 ans) de l’activité cyclonique dans les zones tropicales (intensité, fréquence, durée), si l’on prend en considération l’évolution des moyens d’observation. Des évaluations plus récentes indiquent qu’il est peu probable que le nombre annuel de tempêtes tropicales, de cyclones et de cyclones majeurs ait augmenté au cours des 100 dernières années dans le bassin de l’Atlantique Nord. Il semble toutefois que la fréquence et l’intensité des cyclones tropicaux les plus violents depuis les années 1970 dans cette région aient augmenté de façon quasi certaine ».

Depuis 2013 les données d’observation, tout comme les nouvelles études ont conforté cette évaluation.

La base de données la plus longue et la plus fiable sur ce type d’événements est celle des cyclones ayant atterri aux États-Unis. La division de la recherche sur les cyclones de la NOAA a soigneusement ré analysé les enregistrements originaux de tous les cyclones jusqu’en 1960. Sa base de données HURDAT montre qu’il n’y a pas eu d’augmentation de la fréquence des cyclones ou des cyclones majeurs (catégorie 3 et plus) depuis le début du relevé en 1851.

Avant Harvey, aucun cyclone majeur n’avait frappé les États-Unis depuis Wilma en 2005, la période la plus longue sans cyclone jamais enregistrée. D’autre part les deux cyclones majeurs (Harvey et Irma) qui ont frappé les côtes des États-Unis ne sont pas sans précédent. En 1893 et en 1909 par exemple, Il y en a eu trois. L’année record pour les cyclones ayant touché terre est 1886 qui en a enregistré sept. Seuls trois cyclones de catégorie 5 ont frappé le continent américain : le cyclone de la fête du Travail en 1935, Camille en 1969 et Andrew en 1992.

Les données fournies par HURDAT montrent également que l’activité cyclonique récente dans l’Atlantique Nord n’a pas été inhabituelle par rapport aux normes historiques. En 2017, il y a eu six cyclones majeurs dans l’Atlantique contre huit en 1950. Sur les six cyclones de 2017, deux étaient de catégorie 5 (Irma et Maria) mais encore une fois, cela n’est pas inhabituel,  cela a été observé cinq fois auparavant notamment au cours des années 1932 et 1933.

Les données historiques montrent que les cyclones de l’Atlantique, particulièrement les cyclones majeurs, étaient beaucoup plus fréquents dans la période 1930-1960 qu’au cours des trois décennies suivantes. Depuis 1990, les chiffres sont revenus aux niveaux antérieurs. Il est largement admis que ce schéma est lié à l’oscillation pluri décennale de l’atlantique (AMO), correspondant à un cycle naturel et récurrent de changements de température à la surface de la mer.

Il existe une base de données des cyclones dans le monde, avec des données remontant à 1970. Elle montre une augmentation du nombre de cyclones majeurs et de leur énergie accumulée entre 1970 et 1993. Ceci est également associé au cycle de l’AMO. Depuis 1993, on observe une diminution de la fréquence de tous les cyclones (y-compris des cyclones majeurs) et de l’énergie accumulée.

En résumé, il y a peu de preuves que le réchauffement de la planète ait entraîné un accroissement  du nombre ou de l’intensité des cyclones ces dernières années. Au contraire, les données disponibles confirment que les cyclones, y compris des cyclones majeurs, étaient aussi fréquents dans le passé que dans la période actuelle.

1. Introduction.

Les cyclones sont des tempêtes tropicales géantes accompagnées de vents pouvant atteindre des vitesses de plus de 257 km/h,  libérant plus de 9000 milliards de litres d’eau de pluie par jour. La saison des cyclones dans l’océan Atlantique s’étend de la mi-août à la fin octobre, avec en moyenne cinq à six cyclones par an.

Il y a des siècles, les Espagnols utilisaient le terme huracan, un mot indigène qui signifie mauvais esprits ou dieux de la météo, pour désigner les tempêtes qui coulaient leurs navires dans les Caraïbes. Aujourd’hui, cyclone est l’un des trois noms pour désigner une tempête tropicale avec des vents d’au moins 119 km/h (64 nœuds). Ces tempêtes sont appelées ouragans lorsqu’ils se développent au-dessus de l’Atlantique ou de l’est du Pacifique, cyclones lorsqu’ils se forment au-dessus du golfe du Bengale et du nord de l’océan Indien, et typhons lorsqu’ils se forment dans le Pacifique occidental.

Par souci de clarté nous utiliseront le terme cyclones pour désigner indifféremment cyclones, ouragans ou typhons.

Il est naturel que les cyclones attirent plus que jamais l’attention du public, les médias s’en faisant l’écho 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. D’autant que de plus en plus de personnes vivent dans des zones vulnérables aux cyclones et qu’il y a beaucoup plus d’infrastructures, de logements et de biens exposés. En conséquence, les pertes financières résultant de ces événements, qu’ils soient assurés ou non, semblent augmenter toujours davantage, même après prise en compte de l’inflation et de la croissance du PIB (Produit Intérieur Brut).

Le présent document a pour but de passer en revue l’état de la recherche scientifique sur les cyclones, y compris le cinquième rapport d’évaluation du GIEC (AR5), et d’examiner les données d’observation à la lumière de l’évolution des pratiques d’observation depuis le XIXe siècle.

La théorie de base suggère qu’à mesure que les océans et l’atmosphère se réchauffent, l’activité cyclonique doit s’intensifier, avec toutefois des incertitudes sur la fréquence des cyclones; la section 2 examine certains de ces arguments plus en détail. La section 3 résume les conclusions du rapport AR5 du GIEC et examine les articles pertinents qui ont été publiés depuis. Au fil des ans, la façon dont les cyclones ont été observés a radicalement changé : de nombreux cyclones qui seraient restés inaperçus dans le passé sont maintenant enregistrés. De plus, les satellites sont maintenant en mesure d’évaluer en continu la vitesse du vent, ce qui permet d’enregistrer les vitesses de pointe du vent qui ne pouvaient  pas être évaluées avant l’arrivée des satellites. La section 4 traite d’un grand nombre de ces questions et de leurs implications. La base de données la plus longue et la plus cohérente est celle des cyclones ayant «atterri » aux États-Unis détenue par la division de recherche sur les cyclones de la NOAA qui dispose de données remontant à 1851 ; ces données sont analysées dans les section 5.  Les données sur les cyclones de l’Atlantique sont commentées dans la section 6. Comme le GIEC l’a signalé dans son rapport de 2013, il y a des preuves montrant qu’il y a eu à partir des années 1970 une augmentation de la fréquence des cyclones les plus intenses. La section 7 porte sur l’examen du rôle de l’AMO (oscillation multi décennale atlantique) dans cette évolution. La section 8 examine les tendances mondiales des cyclones depuis 1970, tandis que la section 9 passe en revue les études concernant l’évolution des précipitations provoquées par les cyclones.

2. Les cyclones sont-ils plus violents ? la théorie de base

Qu’elles émanent des scientifiques ou des médias, les affirmations selon lesquelles l’activité cyclonique augmente sont tellement répandues de nos jours qu’elles sont acceptées comme vérité universelle. Récemment, le MIT Technology Review a parlé de « cyclones hyperactifs » résultant d’un  « monde altéré [1] » pendant que le professeur Kerry Emmanuel du MIT prétendait de son côté que le réchauffement de la planète augmentait le risque de cyclones du niveau de celui d’Harvey [2]. Le Dr Michael Mann [3] a affirmé que le cyclone Harvey a été plus intense qu’il ne l’aurait été en l’absence de réchauffement anthropique, avec des vents plus forts, davantage de dommages causés par le vent, une zone de tempête plus large, etc. De telles affirmations s’appuient sur la théorie selon laquelle les cyclones se développent dans les eaux chaudes ; or si les mers se réchauffent sous l’effet du changement climatique alors les cyclones doivent nécessairement augmenter en intensité.

Cependant, dans son cinquième rapport d’évaluation [4] (AR5), le GIEC a constaté qu’il y avait un faible niveau de confiance dans l’augmentation de la fréquence des cyclones jusqu’au milieu du XXe siècle à l’échelle des bassins océaniques comme à l’échelle mondiale. Le GIEC affirme que même si certaines études prévoient une augmentation à court terme de la fréquence des cyclones les plus intenses (catégories 4 et 5), le niveau de confiance dans les prévisions à court terme de l’intensité des cyclones dans tous les bassins océaniques est faible.

Dans le cadre d’un étude spécifique le Dr Roy Spencer rapprochant la survenue de cyclones majeurs ayant touché terre au Texas avec les températures de l’eau de surface dans le dans le golfe du Mexique n’a trouvé que peu de corrélation (figure 1). Comme il l’a souligné, le Golfe est assez chaud chaque été pour produire un cyclone majeur.

Roy-Spenser : Températures à la surface de la mer et ouragans

Figure 1: Températures à la surface de la mer et ouragans. Ligne bleue : Anomalie de la température de la surface de la mer dans l’ouest du golfe du Mexique (25-30°N, 90-100°W). Points rouges : années d’ouragans majeurs au Texas. Source: Roy Spencer.

De nombreux autres facteurs entrent en jeu ; les raisons pour lesquelles les systèmes s’intensifient ne sont pas bien compris [5]. De nombreux facteurs complexes déterminent la formation des cyclones. Julian Heming, le spécialiste des prévisions tropicales du Met Office a donné les raisons pour lesquelles Irma était devenu un cyclone d’une telle ampleur en 2017 [6] :

  • Le cisaillement du vent (changement de vent en fonction de la hauteur) est faible, ce qui signifie que l’air peut entrer et sortir du cyclone de manière très efficace, favorisant ainsi son intensification ;
  • Il n’y a pas eu d’effets desséchants telles que les poches de poussières sahariennes qui dérivent parfois au-dessus de l’Atlantique ;
  • Irma s’est déplacé suffisamment rapidement pour empêcher l’eau froide de remonter sous le cyclone et d’avoir un impact sur l’apport continu d’air chaud et humide dans le cyclone ;
  • Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’interaction avec de grandes masses terrestres qui aurait pu contrarier l’intensification du cyclone en coupant l’alimentation en humidité.

Les recherches ont révélé que les périodes d’intense activité des cyclones dans l’Atlantique coïncident avec des pluies abondantes au Sahel. Et l’inverse est aussi vrai : les sécheresses au Sahel coïncident avec des périodes de faible intensité cyclonique; ces éléments ne sont pas fortuits, ils font partie intégrante d’un même système climatique[7].

3. Que dit le GIEC ?

« Un faible degré de confiance est accordé à toute augmentation observée à long terme (100 ans ou plus) de l’activité cyclonique dans les zones tropicales si l’on prend en considération l’évolution des capacités d’observation. Des évaluations plus récentes indiquent qu’il est peu probable que le nombre annuel de tempêtes tropicales, de cyclones et de cyclones majeurs ait augmenté au cours des 100 dernières années dans le bassin de l’Atlantique Nord. Il est toutefois quasi certain que la fréquence et l’intensité des cyclones tropicaux les plus violents aient augmenté dans cette région à partir des années 1970 [8]. »

Depuis le rapport AR5 du GIEC il y a eu deux articles notables :

Msadek et al. [9] (2015) ont passé en revue l’activité passée, présente et future des cyclones dans l’Atlantique Nord, à partir d’une analyse des données d’observation et des projections des modèles. Ils ont déclaré qu’après ajustement pour tenir compte des cyclones tropicaux probablement manqués, les données d’observation ne montrent aucune augmentation ou diminution significative de la fréquence des cyclones dans l’Atlantique Nord.

Puis, en 2016, Walsh et al [10] ont rapporté ce qui suit :

« les relevés géologiques des climats passés ont révélé des variations séculaires dans le nombre de cyclones. Bien qu’aucune tendance significative n’ait été identifiée dans l’Atlantique depuis la fin du XIXe siècle, des tendances notables ont été observées dans le nombre et l’intensité des cyclones dans ce bassin au cours des dernières décennies, et des tendances dans d’autres bassins sont de plus en souvent identifiées. Cependant, la compréhension des causes de ces tendances est incomplète et la confiance dans ces évolutions continue d’être entravée par le manque d’observations cohérentes dans certains bassins ».

Le message général est très clair : il y a peu de preuves de l’existence de tendances à long terme. Deux questions spécifiques se posent cependant :

  • Il y a eu des changements dans les méthodes d’observation ;
  • d’importantes évolutions ont été décelées dans l’Atlantique Nord depuis 1970.

Ces questions sont abordées ci-dessous.

4. Changements radicaux des méthodes d’observation

Depuis le 19e siècle, la façon dont nous observons, surveillons et mesurons les cyclones a changé de façon radicale (Figure 2), comme l’ont résumé Hagen et Landsea [11].

« La base de données sur les cyclones dans l’Atlantique (ou HURDAT) remonte à 1851. Cependant, comme les tempêtes tropicales et les cyclones passent une grande partie de leur “vie” en haute mer (certains ne frappant jamais la terre) de nombreux systèmes n’ont pas été répertoriés à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle (Vecchi et Knutson 2008). À partir de 1944, on a commencé à effectuer une reconnaissance systématique par avion pour surveiller les cyclones tropicaux et les perturbations susceptibles de se transformer en tempêtes tropicales et en cyclones. Cela a permis d’améliorer considérablement la surveillance, mais environ la moitié du bassin atlantique n’était toujours pas couverte (Sheets, 1990). À partir de 1966, des images satellitaires quotidiennes sont devenues disponibles au National Hurricane Center et par conséquent les statistiques sont désormais plus complètes (McAdie et al., 2009). Pour les cyclones qui frappent les côtes américaines de l’Atlantique et du Golfe du Mexique, on peut remonter plus loin dans le temps avec des dénombrements relativement fiables car suffisamment de personnes ont vécu le long des côtes depuis 1900 [12]».

Dans les océans Pacifique et Indien, la couverture initiale était encore plus lacunaire. La couverture satellite complète n’a été disponible qu’à partir des années 1980 [13].

Cyclones : changement des méthodes d'observations

Figure 2 : Évolution des technologies de détection des cyclones.

La barre grise de la période 1944-1943 est le point de référence pour la période par rapport auquel l’activité de la catégorie 5 est mesurée. Adapté de McAdie et al (2009).

Ce manque de couverture a un impact particulier sur le recensement des tempêtes de courte durée qui dans bien des cas n’auraient pas été répertoriées dans les précédentes décennies. Ce qui permet à Vecchi et Knutson [14] de conclure : (voir la figure 3) :

« Il y a une légère tendance positive à la hausse de la fréquence des tempêtes tropicales de 1878 à 2006. Mais les tests statistiques révèlent que cette tendance est si faible, par rapport à la variabilité de la série, qu’elle n’est pas significative et peut même être ignorée. . Ainsi, l’historique des tempêtes tropicales ne fournit aucune preuve convaincante d’une augmentation à long terme induite par le réchauffement de la serre ».

Cyclones : effet du changement des méthodes d'observation

Figure 3 : Effet de l’amélioration des méthodes d’observation

Le nombre de cyclones dans l’Atlantique qui durent plus de deux jours n’augmente pas. Le nombre de tempêtes de moins de 2 jours a fortement augmenté, probablement en raison de l’amélioration des méthodes d’observation. Adapté de Landsea et al (2009).

Il n’y a pas que le nombre de tempêtes à avoir été sous-estimé. Hagen et Landsea ont démontré que la force des cyclones de catégorie 5 les plus intenses était également sous-estimée avant l’ère satellitaire :

« Les observations de l’intensité maximale des cyclones étaient beaucoup moins courantes à la fin des années 1940 et au début des années 1950 qu’au cours des années récentes parce que la capacité à mesurer la pression centrale et la vitesse maximale des vents des grands cyclones était très limitée à cette époque. Une classification en catégorie 5 n’était possible que si un cyclone touchait terre à proximité immédiate d’une station météorologique en restant de catégorie 5, ou si un navire traversait son centre alors que son intensité était encore de catégorie 5. La reconnaissance aérienne quant à elle ne permettait que d’enregistrer des cyclones de catégorie 4 tout au plus en raison de l’impossibilité de pénétrer dans les cyclones intenses [11] ».

Hagen et Landsea ont ré analysé dix cyclones de catégorie 5 qui se sont produits entre 1992 et 2007, et ont constaté qu’en utilisant la technologie des années 1940, seulement deux auraient été classés en catégorie 5, les cyclones Andrew et Mitch qui ont touché terre en catégorie 5. Ils en ont conclu qu’avant l’ère des satellites, plusieurs cyclones des catégories 4 et 5 ont probablement été classés à tort comme étant plus faibles.

Il ressort clairement de tout ce qui précède que la fréquence et l’intensité des cyclones étaient sous-estimées avant l’ère des satellites, ce qui rend extrêmement difficile la mesure des tendances à long terme.

5. Cyclones ayant  « atterri » aux États-Unis

La plus longue base de données des cyclones concerne ceux qui ont frappé les côtes américaines de l’Atlantique et du Golfe du Mexique. Comme l’indique la Division de la recherche sur les cyclones (HURDAT) :

« Pour les cyclones qui frappent les côtes américaines de l’Atlantique et du Golfe du Mexique, on peut remonter plus loin dans le temps avec des dénombrements relativement fiables car il y a suffisamment de personnes ayant vécu le long des côtes depuis 1900. Ainsi, les enregistrements qui peuvent  être considérés comme fiables sont ceux de la période 1966-2016 pour l’ensemble du bassin atlantique et la période 1900-2016 pour le littoral américain [12] ».

En fait, HURDAT qui tient des archives remontant à 1851 a soigneusement ré analysé tous les cyclones jusqu’en 1960 car les mesures originales de la vitesse du vent n’étaient sans doute pas exactes, particulièrement au cours des premières années de l’historique. Les données ré analysées sont présentées à la figure 4a. Rien n’indique que les cyclones soient devenus plus fréquents. La moyenne de la série est de 2,2 cyclones par année. Depuis 2000, il y en a eu 28, soit une moyenne de 1,5 par année. L’année où il y a eu le plus est 1886 avec 7 cyclones.

Encore une fois, on ne distingue pas de tendance apparente pour les cyclones majeurs de catégorie 3 et supérieures (figure 4b). Les années 2004 et 2005 ont connu un nombre exceptionnel de cyclones, mais la période suivante jusqu’en 2017 est la plus longue jamais enregistrée pendant laquelle aucun cyclone majeur n’est survenu.

Seules trois tempêtes de catégorie 5 ont frappé le continent américain :

  • « Fête du Travail » (1935)
  • Camille (1969)
  • Andrew (1992).

Ce nombre est trop faible pour permettre de tirer des conclusions.

6. Cyclones dans l’Atlantique

Selon HURDAT, les données de la période 1966-2016 sont fiables pour l’ensemble du bassin atlantique [12]. Mais même si certains cyclones n’ont été répertoriés avant 1966, il est clair que les périodes antérieures, comme les années 1940 et 1950, sont comparables aux deux dernières décennies (figure 5). Par exemple, entre 2009 et 2018, il y a eu 69 cyclones, dont 28 majeurs. Au cours des années 1950, il y a eu 69 cyclones dont 39 majeurs. Bien que l’année 2017 ait été une année « particulièrement active », elle n’est pas sans précédent, que ce soit pour le nombre total de cyclones que pour celui des cyclones majeurs.

7. L’oscillation atlantique multi décennale (AMO)

La Figure 5 montre une augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones dans l’Atlantique Nord à partir des années 1970 (comme cela a été identifié par le GIEC) ; mais il est non moins clair que cette évolution s’inscrit dans un cycle car on observe une augmentation similaire dans les années 1940 et 1950.

C’est ce qui ressort également des données sur la le nombre de cyclones ayant atterri aux Etats-Unis.  Ce cycle correspond à celui de l’oscillation multi décennale atlantique (AMO figure 6). Au cours des années 1950 et 1960, et de nouveau autour de l’année 1995, l’AMO était dans une phase chaude. Les années  «  calmes » (des années 1960 aux années 1980) correspondent à une phase froide. La NOAA explique ainsi les effets de AMO sur les cyclones de l’Atlantique :

« Pendant les phases chaudes de l’AMO, le nombre de tempêtes tropicales qui se transforment en cyclones violents est au moins deux fois plus élevé que pendant les phases froides ».

Figure 4

Cyclones :majeurs (catégorie 3)

(4a) Tous les cyclones

Cyclones : augmentation depuis 1970 des cyclones ayant atterri

(4a) Cyclones majeurs

Figure 4: Cyclones ayant atterri sur le continent américain de 1851 à 2018. Source : NOAA (Division de la recherche sur les cyclones)

Figure 5

Cyclones : augmentation depuis 1970

(5a) tous les cyclones

Cyclones :majeurs augmentation depuis 1970

(5b) Cyclones intenses (Catégorie 3 and supérieures)

Figure 5 : Cyclones de l’atlantique entre 1851 et 2018. Source : NOAA (Division de la recherche sur les cyclones).

AMO et cyclones

Figure 6:  Oscillation atlantique multi décennale 1895-2017 (moyenne janvier-décembre en abcisse – Echelle des anomalies en ordonnée)

« L’AMO étant passé en phase chaude vers 1995, les cyclones violents sont devenus beaucoup plus fréquents, provoquant même une crise dans le secteur de l’assurance.

La fréquence des tempêtes mineures (tempêtes tropicales et cyclones de faible intensité) n’est que peu affectée par l’AMO. Cependant, le nombre de tempêtes mineures qui évoluent en cyclones majeurs a sensiblement augmenté. Ainsi, l’intensité est affectée, mais la fréquence des cyclones majeurs est aussi affectée. Il est donc difficile faire la part entre fréquence et intensité, de sorte que cette distinction devient quelque peu vide de sens [15]».

La NOAA affirme aussi que :

« Les cycles d’AMO ne sont observés par les instruments que depuis 150 ans. Cependant, des études portant sur les indicateurs paléo climatiques ( cernes d’arbres et carottes de glace) ont              montré que des oscillations semblables à celles observées par les instruments se produisent depuis au moins le dernier millénaire donc clairement bien avant que l’activité humaine n’affecte le climat, de sorte que l’AMO est selon toute vraisemblance une oscillation naturelle du climat ».

Landsea also found that much of the multidecadal hurricane activity can be linked to the Atlantic Multidecadal Mode.16 In 1991, he also noted that hurricane activity during different phases of the AMO were intrinsically tied in with Western Sahel rainfall patterns – low Atlantic hurricane activity and Sahel drought during the cold phase of the AMO were part of the same weather patterns, just as more intense hurricane activity and greater Sahel rainfall were associated during the warm phase.17

Landsea a également découvert qu’une grande partie de l’activité cyclonique multi décennale peut être rattachée aux fluctuations multi décennales de l’Atlantique [16]. Il relevait dès 1991 que l’activité des cyclones au cours des différentes phases de l’AMO était intrinsèquement liée aux régimes pluviométriques du Sahel occidental : la faible activité des cyclones dans l’Atlantique et la sécheresse au Sahel pendant la phase froide de l’AMO s’inscrivent dans le même système climatique, de la même façon que l’on observe une activité cyclonique plus intense et l’augmentation des précipitations au Sahel pendant la phase chaude [17].

Walsh et al. ont de même observé que les niveaux d’activité des cyclones dans le bassin atlantique varient considérablement d’une décennie à l’autre, avec une période plus active du milieu des années 1870 à la fin des années 1890 ainsi que du milieu des années 1940 à la fin des années 1960. Ces périodes ont connu des niveaux d’activité similaires à celui observé depuis le milieu des années 1990 [10]. L’ensemble de ces périodes coïncident avec la phase chaude de l’AMO.

Wang et al. [18] ont également montré que pendant la phase froide de l’AMO, la réduction des précipitations au Sahel a entraîné une plus forte concentration de poussière au-dessus de l’Atlantique Nord, entraînant une diminution des cyclones dans l’Atlantique.

Enfin, une nouvelle étude de Balaguru et al. [19] a montré qu’au cours des 30 dernières années, l’intensification rapide des cyclones de l’Atlantique Nord a été plus fréquente dans les parties du centre et de l’Est de l’Atlantique en raison du changement de phase de l’AMO.

Comme cela a été dit dans la section 3, le rapport AR5 du GIEC a signalé une augmentation de la fréquence des cyclones très intenses dans l’Atlantique Nord depuis les années 1970. Il n’est pas possible de savoir à ce stade si cela peut être entièrement expliqué par l’AMO. Il faudrait plusieurs cycles de l’AMO, avec des données complètes sur les cyclones pour être en mesure de tirer des conclusions fiables.

8. Tendances mondiales

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’imagerie satellitaire quotidienne n’est devenue disponible qu’en 1966, et la couverture complète n’a probablement pas eu lieu avant 1980. Cependant, le Dr Ryan Maue [20]suit les données mondiales sur les cyclones tropicaux depuis 1970. Le diagramme de la figure 7 fait apparaître une légère diminution de la fréquence de tous les cyclones, et une légère augmentation du nombre des cyclones majeurs.

Ryan Maue (ACE)

Figure 7 : Fréquence mondiale des cyclones majeurs. Source : Ryan Maue

Ryan Maue surveille également l’énergie cyclonique accumulée (ACE), une mesure utilisée par divers organismes dont la NOAA pour exprimer l’activité de chaque cyclone individuel et leur agrégation au niveau d’une saison entière. Pour évaluer l’ACE on utilise une approximation de l’énergie du vent d’un système tropical pendant sa durée de vie (calculé toutes les six heures). L’ACE d’une saison est la somme des ACE de chaque tempête et tient donc compte du nombre, de la force et de la durée de toutes les tempêtes tropicales de la saison.

ACE par hémisphère

Figure 8 : Cyclones mondiaux ACE (Source : Ryan Maue)

La figure 8 ci dessus indique que l’augmentation de l’ACE depuis les années 1970 est limitée à l’hémisphère Nord. Nous avons vu à la Figure 4 que la fréquence des cyclones majeurs dans l’Atlantique Nord a augmenté considérablement depuis les années 1970, en liaison avec le cycle de l’AMO. La fréquence des cyclones majeurs à l’échelle mondiale et l’augmentation de l’ACE dans l’hémisphère Nord s’inscrivent dans cette tendance. Les deux montrent un changement radical dans les années 1990 ; depuis, les tendances n’ont guère changé. Encore une fois, cela correspond aux données de l’Atlantique Nord. En revanche, les tendances dans l’hémisphère Sud sont restées stables depuis 1970. Ryan Maue estime que les cycles océaniques à grande échelle jouent un rôle majeur dans la variabilité de l’ACE. Son article de 2011 « une activité cyclonique tropicale mondiale historiquement basse dans la période récente » (Recent historically low global tropical cyclone activity) montre une variabilité considérable dans l’ACE tropical, associée à l’évolution de mécanismes climatiques à grande échelle, dont l’oscillation australe El Niño et l’oscillation décennale du Pacifique [21].

9. Les précipitations associées aux cyclones tropicaux

Le but de cet article est d’évaluer les tendances de la fréquence et de la force des cyclones tropicaux. Cependant, une étude rapide des précipitations associées aux cyclones est également intéressante. Il est généralement admis que les modèles prévoient une tendance à l’augmentation de ces précipitations en liaison avec le réchauffement dû à l’effet de serre [22].

Walsh et al. ont cependant conclu qu’aucune tendance mondiale n’a été décelée dans les niveaux de précipitations associés aux cyclones [10]. Des niveaux de précipitations élevés sont souvent attribuables à des systèmes météorologiques lents, comme le cyclone Harvey l’an dernier. Chang et coll. [23]se sont penchés sur ce phénomène pour les cyclones affectant Taïwan et n’ont pu mettre en évidence aucun mécanisme qui permettrait d’attribuer cette tendance aux changements climatiques anthropiques .

10. Conclusions

Le GIEC conclut son rapport AR5 de la façon suivante :

« Un faible degré de confiance est accordé à toute augmentation observée à long terme (100 ans) de l’activité cyclonique dans les zones tropicales si l’on prend en considération l’évolution des moyens d’observation. Des évaluations plus récentes indiquent qu’il est peu probable que le nombre annuel de tempêtes tropicales, cyclones et cyclones majeurs ait augmenté au cours des 100 dernières années dans le bassin de l’Atlantique Nord. Il est quasi certain que  la fréquence et l’intensité des cyclones tropicaux les plus violents ont augmenté dans cette région depuis les années 1970 ».

Les données produites dans le présent document confortent cette conclusion. De plus, les données d’observation recueillies depuis la publication du rapport AR5 du GIEC de 2013 vont dans le même sens. Les observations montrent une augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones dans l’Atlantique Nord. Toutefois, tant les observations que la recherche révèlent qu’il y a peu de preuves de d’une tendance à long terme perceptible. Le présent document fait référence à plusieurs études qui établissent un lien direct entre les tendances des cyclones depuis 1970 et l’AMO (oscillation multi décennale de l’Atlantique).

Les changements dans les méthodes d’observation combinés au caractère lacunaire des observations dans de nombreuses régions font qu’il est difficile d’arriver à des conclusions solides sur les tendances mondiales. Il est clair, cependant, que les observations réelles ont gravement sous-estimé la fréquence et l’intensité des cyclones dans l’Atlantique Nord avant les années 1970, et peut-être avant les années 1980 pour les cyclones survenus dans d’autres parties du monde.

Depuis 1851, date de début des relevés, on dispose de données plus fiables sur les cyclones ayant atterri aux États-Unis. La division de la recherche sur les cyclones de la NOAA a soigneusement ré analysé toutes les données sur les cyclones survenus entre 1851 et 1960 afin de s’assurer que la vitesse et l’intensité des vents soient aussi précises que possible. Sa base de données montre qu’il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de cyclones ou de cyclones majeurs au cours de la période.

À l’échelle mondiale, on ne dispose de données cohérentes que depuis 1970 environ. Il y a peu de preuves d’une augmentation de la fréquence des cyclones depuis lors. La fréquence des principaux cyclones a augmenté au cours des années 1970 et 1980, en raison des cyclones survenus dans l’Atlantique Nord. Toutefois, depuis 1990 environ, la fréquence des cyclones majeurs et l’énergie accumulée n’ont pas varié.

En résumé, il y a peu de preuves que le réchauffement de la planète ait entraîné un plus grand nombre de cyclones ou une augmentation de leur intensité. En revanche, on dispose de preuves que la fréquence des cyclones (y-compris celle des cyclones majeurs) était aussi élevée dans le passé  qu’elle ne l’est aujourd’hui.


[1] MIT Technology Review https://www.technologyreview.com/s/609642/the-year-climate-chang e-began-to-spin-out-of-control/

[2] Kerry Emmanuel http://www.pnas.org/content/114/48/12681.full

[3] Michael Mann https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/aug/28/climate-change-hur ricane-harvey-more-deadly.

[4] IPCC AR5 WG1 (11.3) pp. 992–993 https://ipcc.ch/report/ar5/wg1/

[5] Roy Spencer http://www.drroyspencer.com/2017/08/texas-major-hurricane-intensity-not-relat ed-to-gulf-water-temperatures/

[6] Julian Heming http://www.telegraph.co.uk/news/2017/09/08/hurricane-irma-many-hurricanes

-will-future-asked-experts/

[7] Christopher Landsea http://www.aoml.noaa.gov/hrd/Landsea/sahel/index.html

[8] IPCC AR5 WG1 pp. 216-17 https://ipcc.ch/report/ar5/wg1/

[9] Msadek et al. (2015) North Atlantic hurricane activity: past, present and future http://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/9789814579933_0018.

[10] Walsh et al. (2016) Tropical cyclones and climate change. WIREs Clim Change ; 7: 65–89

[11] Hagen and Landsea (2012) On the classification of extreme Atlantic hurricanes utilizing midtwentieth-century monitoring capabilities. http://journals.ametsoc.org/doi/full/10.1175/JCLI-D-11-00420.1.

[12] Hurricane Research Division http://www.aoml.noaa.gov/hrd/tcfaq/E11.html

[13] Judith Curry https://www.thegwpf.org/gwpf-tv-climate-hysteria-vs-hurricane-resilience/

[14] Vecchi and Knutson. Historical changes in Atlantic hurricane and tropical storms. https://www.gfdl.noaa.gov/historical-atlantic-hurricane-and-tropical-storm-records/.

[15] NOAA. Atlantic Multidecadal Oscillation http://www.aoml.noaa.gov/phod/faq/amo_faq.php#f aq_6

[16] Landsea C. (1999) Atlantic Basin hurricanes – indices of climate changes https://link.springer.com/article/10.1023/A:1005416332322

[17] Landsea C. (1992) The strong association between western Sahel monsoon rainfall and intense Atlantic hurricanes http://www.aoml.noaa.gov/hrd/Landsea/sahel/index.html

[18] Wang et al. (2012) Multidecadal covariability of North Atlantic sea surface temperature, African dust, Sahel rainfall, and Atlantic hurricanes. https://notalotofpeopleknowthat.files.wordpress.com/2

[19] Balaguru et al. (2018) Increasing magnitude of hurricane rapid intensification in the central and eastern tropical Atlantic. https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018GL077597

[20] Ryan Maue. Global tropical cyclone activity http://www.policlimate.com/tropical/

[21] Ryan Maue (2011) Recent historically low global tropical cyclone activity. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2011GL047711/abstract.

[22] Scoccimarro et al. (2017) Tropical cyclone rainfall changes in a warmer climate. https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-47594-3_10

[23] Chang C-P et al. (2013) Large increasing trend of tropical cyclone rainfall in Taiwan and the roles of terrain. J Clim; 26: 4138–4147

Partager