Crue dévastatrice dans l’Oisans.

Le 21 juin 2024, le hameau de La Bérarde, situé sur la commune de Saint-Christophe-en-Oisans (Isère) a été ravagé par une crue exceptionnelle du torrent des Étançons, torrent qui se jette ensuite en aval dans le Fénéon.

Cette crue s’est accompagnée d’un important charriage de boue et de blocs rocheux, soutenu par un fort débit dû à la forte pente du torrent. Certaines habitations du hameau ont été intégralement submergées. 97 personnes ont été évacuées de La Bérarde et des hameaux en aval, mais fort heureusement, il n’y a eu aucun décès.

Des causes multifactorielles

Cet événement hors norme est dû à la conjonction de plusieurs facteurs : des précipitations exceptionnelles, la fonte du manteau neigeux encore très important pour la saison en altitude, la vidange brutale d’un lac situé sous le glacier de Bonne Pierre.

Des précipitations exceptionnelles

La cause la plus évidente est celle des précipitations. Entre mercredi 19 et vendredi 21 juin, il est tombé en moyenne entre 40 et 50 mm de pluies. Sur certains secteurs notamment autour du massif des Ecrins, ces cumuls ont été encore plus élevés, atteignant 70 à 100 mm. Il est tombé jusqu’à 101 mm sur la station de Saint-Christophe-en-Oisans en 48 heures. Ces valeurs représentent donc environ un mois de pluie (moyenne de juin) tombés en moins de 3 jours.

La fonte d’un enneigement excédentaire

Ces fortes précipitations ont provoqué une fonte du manteau neigeux, qui à son tour a favorisé l’augmentation du débit. Le météorologue Guillaume Séchet explique son blog que la présence d’une dépression (goutte froide) vers l’Aquitaine a provoqué la remontée d’une masse d’air très douce en altitude sur l’Est du pays. Mercredi et jeudi, il fallait dès lors monter au-dessus de 4 000 mètres d’altitude pour trouver des températures négatives sur les différents massifs des Alpes.

De ce fait, toutes les précipitations sont tombées sous forme de pluie jusqu’aux plus hauts sommets des Alpes.

Pluies abondantes et douceur ont provoqué une fonte des neiges importante en altitude. A la sortie d’un hiver humide et d’un printemps plutôt frais en montagne, le stock neigeux était donc excédentaire par rapport à la moyenne en ce début d’été sur les Alpes du Nord. En seulement 3 jours l’épaisseur de neige est passée de 90 cm à 64 cm sur la station météorologique de La Meije situé à 3100 mètres d’altitude, soit une fonte de 26 cm.

La vidange d’un lac supraglaciaire

Selon Le Dauphiné, la vidange progressive d’une poche d’eau formée par la fonte du glacier de Bonne Pierre expliquerait le caractère hors norme du débordement du torrent des Étançons qui a ravagé la Bérarde. Ce lac glaciaire alimenté par la fonte du permafrost (sols dont la température reste sous le seuil de 0° C pendant au moins deux années consécutives), pourrait avoir alimenté les crues. La vidange brutale d’un lac glaciaire est connue sous le terme de Glacial lake outburst flood (GLOF).

Une crue centennale dont on trouve un précédent en 1957

Le 14 juin 1957, des pluies torrentielles associées à une fonte spectaculaire de la neige ont grossi les cours d’eau provoquant des inondations catastrophiques dans le Queyras, en Maurienne et en Ubaye.

Comme en 2024, ces crues qui dévastèrent le village d’Isola avaient été provoquées par la conjonction de fortes pluies (du 8 au 14 juin 1957, il était tombé jusqu’à 320 mm à Abriès dans le Queyras) et de la fonte d’un manteau neigeux encore important en altitude, après un mois de mai 1957 froid et fortement pluvieux pendant lequel le manteau neigeux en altitude s’est épaissi.

Selon Symon Welfringer, prévisionniste à Météo-France, l’épisode de crue que nous venons de connaître est de l’ordre du centennal.

Le rôle du réchauffement climatique

Au cours de ces dernières décennies, on a observé une augmentation de près de 2°C des températures de l’air et une diminution de la part des précipitations tombant sous forme de neige qui ont entrainé une importante réduction du manteau neigeux alpin, que ce soit dans sa durée ou son épaisseur.

Toute la glace en haute montagne, sous forme de glaciers, de glaciers noirs et de permafrost qui sont normalement gelés en permanence, est très impactée par le réchauffement. Le recul du front glaciaire libère de vastes zones non végétalisées et très instables. Libérés de leur gangue de glace, ces terrains composés de débris rocheux peuvent être facilement mobilisés lors des événements orageux et des fortes pluies. Ces débris sont alors charriés par les rivières gonflées qui dévalent les pentes.

La question de savoir si ce réchauffement est d’origine naturelle ou anthropique reste ouverte.

En effet, le climat des Alpes est principalement contrôlé par la circulation atmosphérique sur le proche atlantique. La variabilité de la couverture neigeuse dans les Alpes dépend des conditions climatiques de large échelle, incluant notamment l’Oscillation Nord-Atlantique. Selon une étude de 2019, les fluctuations de ce phénomène océanique et atmosphérique jouent un rôle prépondérant sur le climat alpin et donc, sur la couverture neigeuse au sol. Selon cette même étude, le régime des chutes de neiges printanières est, depuis les années 1970, influencé par l’Oscillation Atlantique Multi décennale (fluctuation naturelle périodique de la température de surface de l’océan Atlantique Nord), qui a particulièrement contribué à la réduction de ces précipitations neigeuses et à celle du manteau neigeux depuis les années 1990.

Partager

8 réflexions au sujet de « Crue dévastatrice dans l’Oisans. »

  1. Je ne vois pas trop ce que vient faire cet article sur le site de l’ACR. Il est de plus en plus évident que la lave de débris exceptionnelle qui a recouvert le hameau de la Bérarde conjugue les effets d’une crue régionale somme toute pas si exceptionnelle et surtout d’un foirage glaciaire. Ce genre d’aléa sous-glaciaire se produit n’importe quand. Les foirages récents des glaciers suspendus andins génèrent des coulées de boue dévastatrices dans les vallées où les vitesses de déplacement dépassent les 100 km/h et sont capables de transporter des piles de pont en béton armé sur des dizaines de km.
    En regardant les photos des maisons du hameau de la Bérarde ensevelies sous les cailloux, je m’étais d’abord dit mais comment peuvent-ils construire sur un cône torrentiel de cette nature ? En fait, en regardant les images 3D du relief anté-crue on voit que le hameau est bien situé sur un cône alluvial mais ancien, datant probablement de la déglaciation holocène. Suite au lent soulèvement en cours des massifs cristallins externes alpins (ici l’Oisans), le torrent a recreusé son lit dans l’ancien cône, de sorte que le hameau de la Bérarde était aujourd’hui situé sur un plateau résiduel bien au-dessus du lit du torrent. Il a fallu un événement exceptionnel – pas uniquement fluviatile – pour combler la topographie et provoquer le débordement sur la partie en relief, un débordement qui paraissait bien improbable même pour une crue torrentielle centennale. Bref, c’est plutôt la faute à pas de chance qu’au climat.

  2. Suite :
    Quant aux crues exceptionnelles historiques, elles sont légion et non liées à un quelconque réchauffement climatique, surtout dû au CO2. Au cours de la crue de l’Ardèche de septembre 1890 (pas de CO2 excédentaire à l’époque), le niveau est monté de plus de 15 m au Pont d’Arc. En amont de Vallon, la rivière faisait plus d’un km de large. Dans mon petit livre de géographie de CE2, dans les années 50, on apprenait que les rivières gardoises pouvaient monter de plus de 10 m en qq heures à l’occasion de ce qu’on a popularisé sous l’étiquette d’épisodes cévenols.

  3. Curieux que vous ne mentionnez pas le dramatique épisode de l’Aiguat survenu en octobre 1940 sur le massif du Canigou qui s’est traduit par les mêmes crues dévastatrices (plus de 1200 mm d’eau en trois jours !!!) : https:/ /fr.m.wikipedia.org/wiki/Aiguat_de_1940
    Un phénomène identique de nos jours aboutirait à une catastrophe sans précédent vu l’évolution de la densité urbaine dans la vallée du Têt.

  4. En parlant de crues, j’ai habité Mâcon et il y a des petites indications sur les maisons qui montrent les différentes crues de la Saône, qui est donc un événement connu et prévisible.
    Et on voit bien qu’il n’y a aucune corrélation entre les crues de la Saône et le réchauffement climatique. En 1840, c’était la plus forte jamais enregistrée et “sans précédent”.
    Si le RCA doit favoriser les crues, il doit le faire partout.

    février 2021 : 5.21 m (1860 m³/s)
    Janvier 2018 : 5.78 m (2100 m³/s)
    Mars 2001 : 6.54m (2550 m³/s)
    Mars 1999 : 5.67m
    Janvier 1994 : 6.34m
    Décembre 1992 : 6.50m
    Mai 1983 : 6.65m
    Décembre 1981 : 6.65m
    Janvier 1955 : 6.96m
    Novembre 1840 : 8.05m

    https://www.macon.fr/fileadmin/medias/03_MACON_ET_VOUS/Securite/histogramme_crues.pdf

      • Il vous fait rigoler peut-être, moi non ; et beaucoup de monde ne se rend pas compte qu’il ouvre leur carnet de chèque pour payer leurs conventions à travers le monde , ce qui est un détail par rapport à la facture pour payer leur énergie renouvelable
        fritz

      • Je dois avouer que le GIEC ne me fait pas rire non plus avec ses propositions d’actions à plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars pour des résultats incertains alors qu’il y aurait beaucoup de mesures plus intéressantes à prendre avec une petite partie de ce budget (alphabétisation et lutte contre la faim comme début d’un catalogue de bonnes intentions).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

captcha