John Raymond Christy est climatologue à l’Université de l’Alabama à Huntsville (UAH). Ses principaux domaines de recherche sont la télédétection par satellite des températures mondiales. En février 2019, il a été nommé membre du conseil consultatif scientifique de l’agence pour l’environnement américaine (EPA). Cette interview a été conduite en anglais par Grégoire Canlorbe journaliste indépendant qui en a réalisé la traduction en français.
Grégoire Canlorbe : Vous vous êtes efforcé de montrer que les modèles climatiques donnent une sur-prévision du réchauffement par un facteur de deux environ. Pourriez-vous revenir sur cette prétendue falsification ?
John Christy : Nous devrions appliquer la méthode scientifique aux affirmations faites par les scientifiques (et d’autres) sur le climat. Dans ce cas, j’ai téléchargé les résultats de 102 modèles de simulation du climat utilisés par le GIEC et comparé la température troposphérique depuis 1979 entre les modèles et différentes données d’observation, en incluant les données satellite que nous générons. Les modèles, en moyenne, réchauffaient l’atmosphère à une vitesse nettement supérieure à celle observée. C’est un résultat de test à partir duquel on peut affirmer que les modèles ont échoué, et donc on ne devrait pas se fonder sur la sortie de modèle pour caractériser le climat futur.
Grégoire Canlorbe : Vous êtes notamment connu pour votre implication – aux côtés de Roy Spencer – dans la conception du premier enregistrement de température par satellite réussi. Il s’avère que vous aviez préalablement créé vos « premiers ensembles de données climatiques » à l’âge de douze ans, en utilisant un crayon mécanique, du papier graphique, et une division posée (pas de calculatrice à l’époque). » Pourriez-vous nous en dire plus sur cette vie d’invention?
John Christy : J’étais fasciné par les conditions météorologiques autour de mon domicile dans la vallée de San Joaquin en Californie (un désert essentiellement) et par le contraste avec le climat des montagnes de la Sierra Nevada immédiatement à l’est. J’étais curieux de savoir pourquoi certaines années étaient humides, d’autres sèches… pourquoi les montagnes de la Sierra avaient plus de précipitations et pourquoi les niveaux de neige variaient autant. J’ai été le premier élève du secondaire en Californie à écrire un programme simple permettant de prévoir le temps et de calculer le niveau de neige dans les montagnes. Il s’agissait de modèles statistiques très rudimentaires de 1968, conçus pour des ordinateurs beaucoup moins sophistiqués que les téléphones portables actuels. Mais ils m’ont fait découvrir le codage informatique et le pouvoir qui était requis pour étudier. Cela était il y a plus de 50 ans.
Grégoire Canlorbe : Il est parfois allégué qu’au vu de l’impossibilité d’obtenir – à partir de l’étude des conditions météorologiques moyennes sur une période donnée – des prévisions fiables sur les conditions atmosphériques futures, la climatologie n’est pas une science à part entière. Au mieux, il s’agirait d’un art mobilisant divers domaines scientifiques (tels que la géographie physique, l’océanographie, et la métrologie) ; au pire, cela serait un outil de propagande. Reconnaissez-vous une certaine pertinence à de telles critiques ?
John Christy : L’une des caractéristiques fondamentales de la méthode scientifique est que, si nous comprenons un système, alors nous pouvons prédire le comportement de ce système. Nos travaux dans lesquels nous comparons les « prévisions » des modèles climatiques aux changements effectifs du monde réel indiquent que la compréhension actuelle du changement climatique est plutôt médiocre. Cette compréhension n’est certainement pas assez mature pour une politique de régulation. Le fait que certains experts et élites refusent de constater le degré d’immaturité de la compréhension en matière de climat est étonnant.
Cependant, il est compréhensible qu’étant donné à quel point le climat est un système complexe, il soit plus facile et plus réconfortant pour ces élites d’ignorer simplement la complexité et de déclarer qu’elles croient que le CO2 est dangereux et que nous devrions les croire en raison du statut d’autorité qu’elles ont acquis. Elles affirment que la « science est établie » uniquement parce qu’elles n’ont pas effectué les tests scientifiques nécessaires, ce qui les conduirait à la conclusion inverse.
Grégoire Canlorbe : En ce qui concerne l’argument climato-réaliste selon lequel le CO2 est l’aliment des plantes, il est communément répondu que toute bonne chose en excès – y compris le CO2 – devient un poison ; et que des niveaux de CO2 continuant de croître ne profiteraient qu’à celles des plantes abritées dans des serres hautement contrôlées.
Alors que l’augmentation de la température (des suites de l’augmentation du CO2) engendre une augmentation de la taille des déserts, la croissance plus importante – ainsi que la plus grande évaporation d’humidité – des plantes améliorées à l’aide du CO2 augmente leur besoin en eau ; en règle générale, un apport excessif en CO2 entraîne une réduction de la disponibilité d’autres éléments nutritifs et, dans le cas de certaines plantes, peut aussi engendrer une réduction de la photosynthèse ou une plus grande vulnérabilité des insectes. Comment évaluez-vous cette analyse ?
John Christy : Les résultats des observations satellitaires montrent très clairement que la Terre a connu un « verdissement » considérable au cours des 20 dernières années, donc cela indique que le CO2 supplémentaire que nous avons rejeté dans l’atmosphère a un impact très positif sur la biosphère. Il convient de noter que la plupart des êtres vivants qui nous entourent se sont développés il y a des millions d’années dans une atmosphère contenant quatre à dix fois plus de CO2 qu’aujourd’hui.
Donc, les déserts n’augmentent pas, mais se contractent. C’est là que la méthode scientifique est si importante – lorsqu’une personne fait une déclaration à propos d’un changement dans le climat ou le système terrestre, d’autres doivent la vérifier par des observations réelles. Aujourd’hui malheureusement, les médias préfèrent souvent annoncer la nouvelle dramatique d’un changement terrible sans vérifier les faits.
Grégoire Canlorbe : En réponse au fait de montrer que le climat est à peine sensible au CO2, il n’est pas rare d’affirmer qu’il est impossible que l’industrie des combustibles fossiles, l’agriculture mécanisée, et l’urbanisation de masse n’aient pas perturbé le cours naturel du climat d’une manière ou d’une autre. Jusqu’à quel point rejetez-vous cette affirmation ?
John Christy : Je pense que le cours naturel du climat a été changé, en particulier dans les zones urbaines où l’environnement naturel a été radicalement modifié. Les températures sont plus chaudes (surtout la nuit) dans ces zones urbaines. À l’échelle mondiale, l’impact du CO2 supplémentaire sur le climat est, je crois, moins important que le signal de réchauffement urbain dans nos grandes villes. Il convient de noter que les peuples du monde s’acheminent vers la modernisation et que cela est accompli grâce à une énergie abordable – qui provient aujourd’hui de la combustion de combustibles à base de carbone. À l’avenir, d’autres sources d’énergie abordables seront déployées et ce prétendu problème du « changement climatique » disparaîtra.
Il est important de noter que nous n’avons pas quitté l’âge de pierre parce que nous étions à court de pierres. Nous avons quitté l’âge de pierre parce que quelque chose de mieux a été découvert par l’ingéniosité humaine. Nous quitterons l’âge du carbone, non pas parce que nous sommes à court de carbone, mais parce qu’une source d’énergie différente et plus abordable sera développée. Pour le moment, les énergies renouvelables traditionnelles ne sont pas la solution, parce qu’elles elles fournissent trop peu d’énergie par rapport à la superficie qu’elles couvrent et ne sont pas en mesure de fournir de l’énergie « à la demande » comme le requiert une économie moderne.
Grégoire Canlorbe : Le récent incendie de Notre-Dame de Paris a occasionnellement été qualifié de conséquence du réchauffement climatique. Selon d’autres interprétations existantes, l’incendie serait la punition de Dieu contre l’Église catholique romaine – en raison de son prétendu crypto-paganisme qui culminerait l’écologisme du pape François et à son adhésion à la croyance au réchauffement anthropique. En tant qu’ancien missionnaire, comment réagissez-vous à cette diabolisation de l’Église catholique ?
John Christy : Je ne pense pas que de telles interprétations soient utiles. Je dirais seulement que, en général, la foi chrétienne défend la valeur de la vie humaine, de telle sorte que les actions qui augmentent la durée et la qualité de la vie humaine constituent l’impératif moral. À l’heure actuelle, l’utilisation d’une énergie à base de carbone fournit exactement ce dont nous avons besoin ici – l’énergie nécessaire pour allonger et améliorer la qualité de la vie humaine. Sans énergie, la vie est brutale et courte, comme je l’ai appris en tant qu’enseignant / missionnaire en Afrique.
Grégoire Canlorbe : Le prétendu virage néoconservateur de la politique étrangère de Donald Trump ne manque pas de susciter la controverse. Lorsqu’il s’agit d’évaluer rétrospectivement le mouvement néoconservateur, ses actes positifs et ses erreurs, pensez-vous que des personnalités telles que George W. Bush, Paul Wolfowitz, William Kristol, ou John Bolton ont lutté contre le fanatisme écologique aussi véhémentement que contre la menace du marxisme ou celle de l’islam?
John Christy : Je ne pense pas trop à cette question. Je dirais qu’il faut regarder les données finales – le monde augmente ses émissions de carbone à mesure qu’il travaille à éradiquer la pauvreté. Ainsi, alors que le monde a été réprimandé pendant 25 ans par les élites d’organismes scientifiques ou universitaires, ou celles des gouvernements socialistes, rien n’a vraiment changé. Les gens rechercheront ce qui est dans leur intérêt – une vie longue, saine et épanouissante – et une énergie abordable rend cela possible.
Grégoire Canlorbe : On a émis l’hypothèse que les changements dans l’énergie solaire incidente – sur plusieurs décennies – sont le principal facteur causant ou, au moins, modulant les variations climatiques. Pourriez-vous partager votre opinion sur ce lien présumé entre le soleil et le climat ?
John Christy : J’ai examiné cette question et nous voyons l’impact de la variabilité solaire sur nos données de température stratosphérique. Cependant, dans la troposphère (où nous vivons), il est très difficile de tirer des conclusions, parce que notre ensemble de données est seulement de 40 ans et que d’autres perturbations majeures ont confondu la capacité de détecter un cycle de onze ans (éruptions volcaniques, El Niños, etc.). Il doit certainement exister une relation entre la variabilité solaire et le climat, et j’observe avec intérêt le travail de ceux qui étudient la connexion des rayons cosmiques directement liée aux variations solaires. Peut-être que des preuves encore plus nombreuses viendront bientôt dans ce domaine.
Grégoire Canlorbe : Il n’est pas rare – dans certains milieux chrétiens – de concevoir la théorie darwinienne de l’évolution comme un canular d’État comparable au réchauffement climatique causé par l’homme. Tous deux seraient des perspectives pseudo-scientifiques niant le caractère divin de l’homme et la présence de la Providence dans l’univers – et conduisant à idolâtrer l’État. En tant que scientifique protestant, comment évaluez-vous cette opinion ?
John Christy : C’est une question intéressante. Veuillez noter qu’un scientifique utilisant la méthode scientifique devrait générer un résultat reproductible, qu’il soit un Baptiste (comme cela est mon cas), un Bouddhiste ou un Bahaï. Les questions scientifiques sur le climat sont fondées sur les mesures que nous prenons pour tester les hypothèses, et non sur une opinion que l’on pourrait avoir. En ce qui concerne les politiques qui touchent directement les gens, en particulier les pauvres, nous devons maintenant examiner des questions non scientifiques telles que : faut-il infliger des souffrances à ceux qui peuvent le moins se le permettre en suivant des politiques qui n’auront manifestement pas d’impact sur le climat ?
Il n’est pas dans notre intérêt de faire appel aux sentiments religieux lorsqu’il s’agit de questions pouvant faire l’objet de tests scientifiques. Comme le sait l’individu moyen, il existe aujourd’hui une multitude d’opinions religieuses, mais un test scientifique devrait aboutir à des résultats que tous les gens rationnels, qu’ils soient religieux ou non, devraient pouvoir reconnaître.
Je pense aussi que le citoyen moyen a une expérience considérable en ce qui concerne les affirmations relatives à un avenir dangereux émanant de soi-disant experts, ce qu’il sait être simplement des exagérations. Et la personne moyenne sait que ces experts veulent faire passer des lois qui enlèvent une partie de la vie que la personne moyenne veut et dont elle a besoin. Les récentes élections dans le monde entier démontrent que le citoyen moyen reconnaît ces fausses déclarations de calamité et veut vivre sans porter le fardeau des taxes et des redevances plus élevées qui, de fait, n’auront guère d’impact sur le climat (comme nous l’avons montré avec des tests scientifiques). La personne moyenne est plus intelligente que ne le suspectent les experts et les élites.
Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Y a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter ?
John Christy : Non. Merci d’avoir mené cet entretien.