De la chute de Rome au Petit Âge glaciaire
par Robert Girouard.
(Cliquer ici pour l’épisode 1 et cliquer là pour l’épisode 2.)
Divers facteurs ont concouru à la chute de Rome. Mais selon l’historien Kyle Harper, l’effondrement s’explique essentiellement par des épidémies successives et une détérioration du climat. Le refroidissement des températures commence vers 250 de notre ère ou même avant. Une douzaine de proxys tels que carottes glaciaires, avancées des glaciers, pollens et sédiments marins et lacustres attestent la réalité de ce Petit Âge glaciaire de l’Antiquité tardive, auxquels il faut ajouter les écrits de l’époque et d’autres données de base comme les variations solaires. Ainsi, les greniers à blé d’Afrique et de Sicile se tarissent, causant des famines. Les steppes d’Asie centrale sont en proie à une forte sécheresse à l’origine des migrations des Huns, lesquelles pousseront les Goths à envahir Rome. On connaît la suite.
L’Amérique n’est pas épargnée par le changement climatique, qui se manifeste toutefois de manière différente. La chute de Teotihuacan, la plus grande cité précolombienne, vers 550, coïncide avec une modification du régime de moussons dans le bassin de Mexico. Du côté du Yucatan, plusieurs cités mayas succombent également aux assauts de la sécheresse, et ce, malgré tous les sacrifices humains et autres rites barbares imaginés par les élites pour amadouer le dieu de la pluie Chaac. En Asie, plus tard, des changements climatiques défavorables contribueront à la désertion d’Angkor.
Après six siècles de temps difficiles, la douceur de vivre est de retour à compter de 900. Au cours de cet optimum médiéval qui durera environ quatre siècles, ponctués de hauts et de bas, l’Europe connaîtra un essor sans précédent, tant sur le plan démographique qu’économique et culturel. D’innombrables sources écrites qu’ont étudiées des historiens de talent comme Emmanuel Le Roy Ladurie et Pierre Alexandre confirment la réalité de cette période chaude. À certains moments, il fait suffisamment chaud pour que l’Angleterre du Nord produise de l’excellent vin, exportable, et que l’on cultive la vigne jusqu’en Prusse orientale et dans le sud de la Norvège. Les surplus agricoles permettent de financer les croisades, la construction de cathédrales, la pratique des arts en général. Les mœurs s’adoucissent aussi, avec l’avènement de la courtoisie et de l’esprit chevaleresque.
Au même moment en Chine s’épanouit la civilisation des Song, de loin la plus sophistiquée et la plus avancée de l’époque. On lui doit notamment la construction de systèmes de canaux, de ponts de grandes dimensions et de ports de commerce, de même que l’invention de la poudre à canon, de la boussole et de l’imprimerie. L’art de vivre atteint un niveau de raffinement jamais vu. Les Songs sont également les premiers à développer une véritable industrie métallurgique utilisant des hauts fourneaux. Leurs navires de guerre géants, propulsés par des roues à aubes et capables d’accueillir un millier de soldats, n’ont aucun équivalent. Ils seront néanmoins défaits en 1279 par les Mongols qui, eux aussi, ont grandement profité de cette embellie climatique marquée en Asie centrale par une forte pluviosité.
Le réchauffement médiéval s’étend à des contrées aussi nordiques que l’Islande, le Groenland et Terre-Neuve, où les hardis Vikings ont réussi à établir des colonies plus ou moins durables. Les deux communautés établies sur les côtes du Groenland ont résisté plusieurs siècles, jusqu’au retour du froid. Étant des éleveurs et des buveurs de bière, les Vikings ne seraient pas restés aussi longtemps s’ils n’avaient pu y cultiver le maïs et l’orge. Or aujourd’hui on peine encore à y faire pousser des patates. De même, la découverte sous un glacier d’Alaska de restes d’une forêt vieille de 1 000 ans laisse supposer que là aussi les températures étaient plus élevées qu’aujourd’hui.
Arrive ensuite le Petit Âge glaciaire, qui s’installe en Europe dès 1300 et qui amène son lot de misère, de famines, d’épidémies, de migrations, de révoltes, etc. La population fond de moitié à cause de la peste et des effets délétères du changement climatique, et il lui faudra un siècle pour se reconstituer. Entre 1560 et 1630, les glaciers alpins se mettent à avancer rapidement au cours de la Fluctuation de Grindelwald. Le milieu du XVIIe siècle compte parmi les périodes les plus froides de l’Holocène. On patine alors sur les canaux de Hollande et de Belgique dépeints par Brueghel père et fils, tandis que des foires se tiennent sur la surface gelée de la Tamise jusqu’en 1814. La plus renommée de ces frost fairs a lieu pendant le Grand gel de 1683-84, au cours duquel la Tamise est restée complètement gelée pendant deux mois. Selon Le Roy Ladurie, la crise climatique de la triplette 1787-1789 aurait aussi été l’élément déclencheur de la Révolution française.
De nombreux témoignages historiques de cette époque attestent de la sévérité du Petit Âge glaciaire, qui en outre ne s’est pas limité à l’Europe. Entre autres, la Chine des Ming a été frappée encore plus brutalement, le pire se produisant dans les années 1640 quand une puissante éruption volcanique est venue exacerber le changement climatique.
Une des manifestations culturelles les plus sordides et les plus frappantes de cette période trouble aura sans doute été la chasse aux sorcières en Europe. Ce mouvement de « délire populaire extraordinaire », qui a consisté à accuser de sorcellerie de parfaits innocents, de pauvres vieilles femmes surtout mais aussi des juifs, des homosexuels et des malades mentaux, et à les tenir responsables de tous les maux qui s’acharnaient sur la société, a surtout été observé en Allemagne, en Suisse, en France, en Italie et en Espagne, et a atteint son paroxysme dans les années 1560 à 1650. Selon diverses estimations, entre 50 000 et 100 000 sorcières et sorciers ont été torturés ou brûlés afin de protéger la société de leurs supposés méfaits. Le tout avec la bénédiction des élites civiles et religieuses, tant chez les catholiques que chez les protestants.
Cela dit, cette période de l’histoire n’aura pas été entièrement sombre, elle aura également donné lieu à de nombreuses innovations éclatantes, notamment en agriculture, en architecture et en médecine, voire à des avancées spectaculaires de la civilisation comme la Renaissance, les Grandes découvertes, les Lumières et la Révolution industrielle. C’est aussi au cours de cette période froide que fleurit le Siècle d’or néerlandais : grâce à leur résilience, à leur capacité d’adaptation et à leur opportunisme créatif, les Pays-Bas du XVIIe siècle ont pu tourner à leur avantage le changement climatique pour se hisser au rang de première puissance commerciale du monde.
Corn peut vouloir dire grain aussi, donc pas le maïs. Il n’y avait pas de mais à l’époque en europe.
Vous avez raison, une erreur de traduction. J’ai été induit en erreur par mes lectures sur les Amérindiens, dont l’alimentation était basée sur le trio maïs-haricots-courge. J’ai pensé que les Vikings avaient peut-être été en contact avec eux…
@ Robert Girouard
J’ai lu votre contribution récente, il y a 3 jours, publiée par le site site d’Anthony Watts :
“A Brief History of Climate, From Prehistory to The Imaginary Crisis of the 21st Century”
Félicitations! Passionnant, concis, avec de nombreux liens explicatifs.
https://wattsupwiththat.com/2023/08/02/a-brief-history-of-climate-from-prehistory-to-the-imaginary-crisis-of-the-21st-century/
Merci en retard Jack
Merci pour votre texte, qui met bien en exergue les méfaits d’un refroidissement et les bienfaits d’un réchauffement.
Je me permets juste d’y apporter une contradiction constructive : la chasse aux sorcières a été très peu pratiquée en France et d’une façon générale dans les Etats catholiques. 95% des condamnations l’ont été par les pays Protestants. Luther fera un prêche resté célèbre où il appelle à brûler les sorcières. A l’inverse la Papauté rappelle que le tribunal d’Inquisition mène des enquêtes concernant l’hérésie, et pas la sorcellerie qui est vue comme du charlatanisme. Reste que localement certains clercs catholiques s’intéresseront à la sorcellerie, comme par exemple Heinrich Kramer et Jacques Sprenger en Allemagne. Mais cela reste marginal. Enfin, premièrement au moment de la chasse aux sorcières soit le XVIe siècle, le Tribunal d’Inquisition n’a presque plus court en France, et deuxièmement ce tribunal n’avait pas le pouvoir de mise à mort. D’une part cela est contraire aux dogme catholique, et d’autre part le pouvoir politique était trés attentif à conserver cette prérogative.
Voici ce que dit l’historienne spécialiste de l’Inquisition espagnole, Elvira Roca Barea : “En Angleterre, ainsi que dans les principautés luthériennes protestantes au nord de l’Europe, les persécutions à l’encontre de la population furent atroces. Il y eut aussi tout le phénomène de la chasse aux sorcières, absolument démentiel, qui a provoqué des milliers de morts. Cela ne s’est pas produit dans le monde catholique et cela ne s’est pas produit en Espagne parce qu’il y avait l’Inquisition qui a évité cette barbarie.”
Merci de vos commentaires.
Mais, selon une source, The epicenter of the witch hunts was Europe’s German-speaking heartland, an area that makes up Germany, Switzerland, and northeastern France. Donc, la France germanique ?
Pour l’Espagne, vous avez probablement raison: la foudre ne frappe pas deux fois au même endroit. Pourtant, Wikipedia consacre une page aux Witch trials in Spain.
L’Angleterre, oui, L’Italie, aussi, selon Wikipedia et autres.
Les duchés en frontière avec l’Allemagne, plus marqués par le protestantisme notamment sous l’influence de Jean Calvin qui était français, ont été sensible à la chasse au sorcière au XVIe, mais systématiquement rappelés à l’ordre par Rome, dont plusieurs bulles interdirent ce type de pratique. D’ailleurs, la “sorcellerie” se voit tout au long du haut et bas moyen âge, or dans les rapports inquisitoriaux nous en avons que très peu mention, ce n’était pas une préoccupation de l’Eglise catholique qui considérait ces gens comme des marginaux sans plus. C’est vraiment à la Renaissance et dans la droite ligne du protestantisme que cette chasse va prendre son essors, encore une fois à la demande directe de Martin Luther qui voyait des démons partout. Bref, la France, l’Espagne, l’Italie ont été très peu touchés par ce phénomène, par ce qu’alignés sur Vatican. / J’ai écris un livre sur ce sujet, publié en 2019 : Un autre son de cloche aux éditions Téqui, résultant de quelques années de recherches et échanges avec des spécialistes.
Mais cela nous éloigne des sujets du présent site !
Concernant Wikipedia, malheureusement il s’agit plus souvent de texte propagandiste que de sources fiables. Cf. Wikipedia en ce qui concerne le réchauffement climatique !
Bien à vous,
Pour illustrer à la manière négationniste ces “changements climatiques”, parfois sévères en chaud comme en froid décrits dans cet article, qui sont intervenus depuis l’époque romaine jusqu’à la Révolution française, je donne ci-dessous quelques concentrations remarquables de l’atmosphère en CO2 analysées à partir des carottage effectués au “Dôme Law” en Antarctique.
Source: https://www.ncei.noaa.gov/pub/data/paleo/icecore/antarctica/law/law2018splines.txt
– Année 250 de notre ère: 279,11 ppm
– Année 550: 276,57 ppm
– Année 900: 280,35 ppm
– Année 1279: 278,54 ppm
– Année 1300: 280,12 ppm
– Année 1560: 282,08 ppm
– Année 1630: 274,29 ppm
– Année 1683: 276,64 ppm
– Année 1788: 278,08 ppm
– Année 1814: 282,49 ppm
Ceux que la propagande giécocarboréchauffiste a persuadé qu’il existe une corrélation entre le niveau moyen des températures globales et la concentration en CO2 de l’air vont être comblés !
Pour information, selon les experts les plus objectifs, les températures globales actuelles seraient entre 1 et 2° C inférieures à celles de l’Optimum Climatique Médiéval.
En mai dernier, la concentration moyenne en CO2 de l’air mesurée à l’observatoire du Mauna Loa (HI, USA) était de 424 ppm.
Tout à fait d’accord. Le CO2 n’a aucunement le rôle que lui prête l’IPCC. Un jour, peut être, l’ONU fera de la science…
@merci JACQUES L
Vous avez raison la chasse aux sorcières à changé de religion ; avant cela concernait DIEU , le christ et satan ; maintenant la religion concerne le réchauffement climatique anthropique et les sorcières sont les adeptes des climato réalistes
Moi je constate qu’en 1970 en août sur le glacier de Zermatt je pouvais faire une descente de 13 km .Aujourd’hui 1,5 km
Dans les Vosges tous les hêtres sont en train de mourrir trop chaud trop sec
Par contre les vins du beaujolais de Moselle et une partie d’Alsace ont profité de la chaleur et de la sécheresse pour accroître la qualité .
En 30 ans les hivers sont passés de rudes en Alsace à de petits froids périodiques .
Ça c est la réalité :On verra dans 30 ans si la population mondiale va décroître ou pas et que la surface viable de la terre aura augmenté ou diminuée.
Les théories c est bien :la réalité c est mieux