Un rapport intitulé “Causes et prévisibilité de la sécheresse Californienne 2011-2014″, travail conjoint de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) et de trois autres centres de recherche attribue la période de sécheresse intense que connaît la Californie depuis 2011 à des causes naturelles.
Les 2 principales conclusions de cette étude sont les suivantes :
- La sécheresse en Californie n’est pas un phénomène nouveau : la période de sécheresse actuelle a des précédents ;
- L’étude ne trouve aucun effet du changement climatique anthropique et attribue la récente sécheresse en Californie à des causes naturelles.
La sécheresse actuelle n’est pas sans précédent.
Malgré le caractère remarquable de la sécheresse de l’année écoulée et celle des trois dernières années, ces événements ne sont pas sans précédent. La Figure ci-dessous montre l’évolution des précipitations hivernales (janvier à avril) en Californie de 1895 à 2014 :
Climate Division California Precipitation Anomaly
Anomalies de précipitations (en mm/jour) entre 1895 et 2014 (en violet courbe lissée sur une période de 7 ans)
Le record de sécheresse est détenu par l’hiver 1976/77 ; l’hiver 1923/24 arrive en 2ème position et l’hiver 2013/14 en 6ème position. En moyenne sur 3 ans, la période 2011-2014 est la 2ème la plus sèche depuis le début des relevés (après 1974-1977). On observe aussi que les années 1920 ont été marquées par 10 années consécutives de sécheresse (1920-1930). Il y a eu aussi des périodes humides, dont une dans les années 1990 précédant une période de baisse constante des précipitations jusqu’à la période actuelle. Aucune tendance claire ne se dégage sur l’ensemble des 120 années d’enregistrement, ni dans le sens d’une plus grande sécheresse, ni le contraire.
Les causes de la sécheresse sont naturelles
Depuis les travaux précurseurs de Ropelewski and Halpert (1986) il est admis que la variabilité de la température de surface de la mer (SST) a une forte influence sur les précipitations dans la majeure partie du sud-ouest en Amérique du Nord avec un événement El Niño favorisant l’humidité et La Niña la sécheresse. Historiquement, les hivers secs en Californie sont le plus souvent dus à la présence d’une zone de haute pression sur la côte ouest et les hivers humides sont le plus souvent attribués à un creux dépressionnaire au large de la côte Ouest et à un événement El Niño. Toutefois les hivers humides ne sont pas nécessairement associés à un El Niño : à noter que la sécheresse de 1976-77 s’est produite pendant un évènement El Niño relativement fort. Selon Bill Patzert climatologiste au “Jet Propulsion Laboratory” (Nasa), la sécheresse en Californie a été aggravée par une masse persistante de haute pression établie au sommet du golfe d’Alaska empêchant l’humidité véhiculée par le Jet stream d’atteindre la côte Ouest. La zone de haute pression a provoqué un réchauffement du Pacifique Nord, créant la formation d’un “Blob”, vaste étendue d’eau chaude long de 1600 kms, large de 1600 kms sur une profondeur de 90 mètres. L’étude n’a en tout cas trouvé aucun effet du changement climatique induit par l’homme sur les sévères déficits de précipitations en Californie et attribue la récente sécheresse à la variabilité naturelle. Les auteurs font d’ailleurs observer que les modèles climatiques CMIP5 prévoient que l’augmentation des gaz à effet de serre devrait (au contraire de ce qui est observé) augmenter les précipitations hivernales en Californie.
Les sécheresses : des catastrophes récurrentes en Amérique du Nord.
Il est intéressant de mettre en perspective la sécheresse actuelle en Californie par rapport aux sécheresses affectant de façon récurrente l’Ouest des Etats Unis depuis plusieurs centaines d’années. Des chercheurs du Lamont-Doherty Earth Observatory, et du Departement de Geosciences de l’Université d’Arkansas [3] ont réalisé une reconstruction dendrochronologique[4] des périodes de sécheresse en Amérique du Nord sur une période de plus 1000 années. Cette reconstruction révèle l’existence de périodes de “méga sécheresses” (notamment pendant une période de 400 ans entre 900 et 1300) excédant en intensité et en durée les sécheresses des années postérieures à 1850. Ces méga sécheresses ont dépassé en durée les sécheresses du 20ème siècle, notamment le “Dust bowl” des années 1930, la sécheresse des grandes plaines du sud des années 1950, et la sécheresse 1998 à 2005 de l’Ouest américain. La durée extraordinaire de ces méga sécheresses Nord américaines est difficile à expliquer : les modèles pointent le rôle des températures de la partie tropicale du Pacifique pour expliquer les régimes de précipitations en Amérique du Nord. La survenance des périodes de sécheresses apparaît corrélée à celle des épisodes la Niña : d’après les auteurs, des conditions La Niña ont prévalu lors de la plus grande partie de la période médiévale pendant laquelle l’Ouest américain a connu des conditions particulièrement arides. Cette période a selon les auteurs été marquée par une intensité inhabituelle de l’irradiance solaire.
Un fort épisode El Niño pourrait-il mettre fin à la sécheresse en Californie[5]. ?
Certains scientifiques estiment que la survenance d’un El Niño de forte intensité (dont la probabilité se confirme pour la fin de l’année 2015) pourrait mettre fin à la sécheresse en Californie. (Les informations qui suivent sont extraites d’un article du Los Angeles Times du 25 août 2015.[6]) Mike Halpert (Directeur adjoint du National Weather Service’s Climate Prediction Center) prévoit l’établissement de conditions El Niño et l’affaiblissement de la crête de haute pression. Bill Patzert, climatologiste au “Jet Propulsion Laboratory” de la Nasa indique que les deux El Niños intenses (1982-83 et 1997-98), ont été assez puissants pour permettre au Jet stream de couvrir toute la Californie, donnant au Sud de la Californie des pluies et au Nord des chutes de neige d’une intensité double de la moyenne. Or la neige au Nord est essentielle pour alimenter les réservoirs d’eau douce lors de la fonte des neiges au printemps et en été. Par exemple au cours de l’EL Niño de 1997/98 des précipitations très au dessus du niveau moyen se sont produites à Los Angeles pendant les 4 premiers mois de l’année (Janvier à mai), comme le montre le graphique ci-dessous :
Source : NOAA Prediction Center
Avec des précipitations de 13,68 pouces, soit l’équivalent d’une année de pluie, février 1998 a té le mois le plus humide des 130 années précédentes. Le National Weather Service Climate Prediction Center [7]prédit une probabilité d’occurrence d’El Niño de 90%, et prévoit un passage à la phase chaude de la PDO (Pacific Decadal Oscillation ) avec des conséquences à plus long terme sur le climat mondial.
[1] http://cpo.noaa.gov/sites/cpo/MAPP/Task%20Forces/DTF/californiadrought/california_drought_report.pdf [
2] Modeling, Analysis, Predictions and Projections Program (MAPP) le bureau “Oceanic and Atmospheric Research/Climate Program office” le National Integrated Drought Information System (NIDIS)
[3] Earth-Science Reviews 2007 “North American drought: Reconstructions, causes, and consequences” (R. Edward R. Cook and al)
[4] dendrochronologique : méthode permettant de reconstituer des changements climatiques en comptant et en analysant la morphologie des anneaux de croissance (ou cernes) des arbres..
[5] Pour plus de détails sur le lien Enso/sécheresse, consulter le site http://drought.unl.edu/DroughtBasics/ENSOandForecasting.aspx
[6] http://www.latimes.com/local/lanow/la-me-ln-godzilla-el-nino-winter-california-20150821-htmlstory.html
[7] http://www.ocregister.com/articles/saying-678846-climate-service.html