Une nouvelle étude publiée dans Nature le 13 juin 2018 par l’équipe IMBIE (acronyme anglais pour « exercice de comparaison de la masse des calottes glaciaires ») affirme que depuis 2012, le rythme de fonte de l’antarctique a fortement accéléré, passant de 76 milliards de tonnes à 219 milliards de tonnes par an ! Entre 1992 et 2017, l’Antarctique aurait ainsi perdu 2 720 ± 1 390 milliards de tonnes de glace, ce qui correspond à une augmentation du niveau moyen de la mer de 7,6 ± 3,9 millimètres.
Il ne s’agit pas de la banquise mais de la calotte glaciaire
Précisons d’abord qu’il ne s’agit pas de la fonte de la glace de mer (autrement dit la banquise), mais de celle de la calotte glaciaire (ou inlandsis). Car la banquise antarctique se porte fort bien, son étendue progressant au rythme de 1,1 % par décennie, malgré la décrue des années 2016 et 2017 année en relation, selon une étude publiée dans la revue Nature Geoscience , avec le puissant événement El niño qui a affecté le climat mondial pendant ces deux années.
L’étude porte sur L’inlandsis de l’Antarctique (la calotte glaciaire) qui a une superficie de 14 millions de km², une épaisseur moyenne supérieure à 2 000 mètres et maximale de 4776 m, sur la terre de Wilkes et qui contient 90% de la glace de la planète, soit 75 % de l’eau douce : sa fonte totale entraînerait une élévation du niveau de la mer de 60 mètres.
Un intervalle d’incertitudes égal à 50% du signal mesuré (100% avec 2 fois l’écart type)
Obtenue par une combinaison d’observations satellitaires et de modélisation, l’évaluation de la perte de masse entre 1992 et 2017 serait de 2 720 ± 1 390 milliards de tonnes (Gt) de glace. La plage d’incertitude annoncée est considérable. De plus l’incertitude annoncée par les auteurs est de 1 écart-type ce qui correspond à un intervalle de confiance de 68%. Si l’on avait retenu l’intervalle de confiance à 95% (soit 2 fois l’écart type), ce qui est l’usage dans la littérature scientifique, les résultats auraient été de 2 720 ±2 780 Gt (7,6 ±7,8 mm du niveau marin).
Une récente étude de la NASA (2015) montrait des gains supérieurs aux pertes
Une étude de la NASA (octobre 2015) montrait que les pertes de glace dans la péninsule antarctique et la région de Thwaites et Pine Island dans l’ouest de l’Antarctique était compensée par des gains dans l’Antarctique de l’Est et à l’intérieur de l’Antarctique Ouest. Selon cette analyse qui résulte des données satellitaires, la calotte glaciaire antarctique aurait ainsi enregistré un gain net de 112 milliards de tonnes de glace par an de 1992 à 2001, puis de 82 milliards de tonnes de glace par an entre 2003 et 2008. L’ auteur de l’étude Jay Zwally, en déduisait que l’Antarctique ne contribue pas à l’élévation du niveau de la mer. Il prévenait néanmoins que si les pertes de la péninsule antarctique et de certaines parties de l’Antarctique de l’Ouest continuent d’augmenter au rythme des deux dernières décennies, les pertes pourraient à long terme (dans 20 ou 30 ans ) rattraper les gains de l’Est de l’Antarctique.
La fonte des glaciers de la péninsule et de l’antarctique ouest est loin d’être complètement comprise
La principale perte de glace vient de l’ouest de l’Antarctique qui est la plus vaste et la plus dense région volcanique de la planète, avec plus de 100 volcans sous la glace, comme cela a été récemment découvert par des scientifiques de l’Université d’Edimbourg. La perte de glace dans l’ouest de l’Antarctique est due à l’intrusion d’eaux chaudes sous les glaciers qui provoque un mécanisme de fonte basale. La fonte de ces glaciers résulte ainsi d’interactions complexes entre la variabilité océanique, la géologie locale et la variabilité climatique comme l’explique cet article du site des climato-réalistes. Une récente étude publiée en janvier 2017 dans la revue Nature avait d’ailleurs montré que le retrait de Pine Island a commencé dans les années 1940 pour des causes étrangères au réchauffement global.
D’énormes incertitudes dans les mesures gravimétriques que les modèles peinent à réduire
Depuis 2002 la fonte de la masse des glaces polaires est suivie à l’aide d’un instrument satellitaire appelé GRACE qui mesure les variations du champ gravitationnel de notre planète liées à la distribution des masses sur la terre, incluant l’eau et la glace : quand la glace fond et que l’eau de fonte s’écoule dans la mer, ceci est perçu comme une variation du champ gravitationnel. Mais les observations directes ne suffisent pas. En l’espèce, les chercheurs ont eu recours à des modèles pour estimer les évolutions de la masse neigeuse, soit la quantité de neige tombée, moins celle balayée par le vent ou bien qui se sublime, passant directement de l’état solide à celui de vapeur d’eau. D’autre part, comme pour l’élévation du niveau de la mer, l’estimation du rebond isostatique (20 000 ans après la dernière époque glaciaire, la croûte terrestre poursuit son ajustement), affecte notablement les mesures gravimétriques de GRACE, ce que reconnaissent d’ailleurs explicitement les auteurs de l’étude :
Nous trouvons des écarts considérables au sein des estimations du bilan massique de surface ainsi que de l’ajustement isostatique glaciaire pour l’Antarctique de l’Est ; la plus grande incertitude concerne le taux moyen de gain de masse sur la période 1992-2017 (5 ± 46 milliards de tonnes par an) .
CONCLUSION
Comme l’écrit le Dr David Whitehouse du GWPF, 25 années d’observations ne permettent pas de dire si cette évolution résulte du réchauffement climatique ou d’un comportement cyclique. La perte de glace dans l’ouest de l’Antarctique étant due à l’intrusion d’eau chaude, Il est probable que de tels changements soient déjà survenus. A supposer que la perte de masse de 2 720 milliards de tonnes de glace soit exacte : le volume du continent antarctique étant d’environ 30 millions de km3, soit 30 millions de Gt de glace (à 1 de densité pour arrondir), une perte de 2 720 Gt représenterait donc 0,01% de la masse globale, on reste dans des ordres de grandeur négligeables voire non mesurables. Les ordres de grandeur négligeables assortis d’importants intervalles d’incertitude assénés par cette étude devraient inciter les commentateurs à la plus grande prudence dans l’interprétation de ses résultats. A lire les réactions de la presse, il n’en est rien : « Depuis cinq ans, les glaces fondent à un rythme presque trois fois plus élevé qu’avant. Une menace pour des centaines de millions des personnes », titrait Le Monde (tout en nuances) le 13 juin 2018.
Le nombre de signataires (l’article est cosigné par 85 scientifiques de 42 institutions issues de 17 pays) n’ajoute rien à la confiance, au contraire. Il évoque plus une pétition qu’un travail d’équipe. Il semble qu’un consensus de type GIEC soit en train de s’organiser autour de« la fonte de l’Antarctique ». Quant à la revue Nature, si l’on avait encore des doutes sur le caractère politique de sa ligne éditoriale, il suffit pour s’en convaincre de lire l’abstract d’une autre étude intitulée « Choisir le futur de l’Antarctique » opportunément publiée le 13 juin 2018 (le même jour que la première étude). « Certains changements que vit l’Antarctique actuellement sont d’ores et déjà irréversibles. Mais nous pouvons encore éviter le pire » assure l’un des co-auteurs , Martin Siegert, professeur à l’Imperial College London (propos rapportés par le magazine en ligne Futura-sciences). Il suffit nous disent les auteurs, (parmi lesquels on trouve la française Valérie Masson-Delmotte), « de prendre des mesures ambitieuses pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et mettre en place des politiques qui réduisent la pression anthropique sur l’environnement…».